Que vaut le projet belge de “class action”?

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Le texte crée un mécanisme inédit d’action collective. Il cherche un équilibre entre protection des consommateurs et préservation des intérêts des entreprises.

Les consommateurs arnaqués, même pour quelques euros, auront bientôt moins de scrupules à introduire une action en justice à l’encontre de leur opérateur télécoms, leur assureur, leur banquier ou leur voyagiste indélicats. Grâce à la class action, les victimes pourront se liguer contre toute entreprise qui leur aurait porté préjudice. Adopté récemment par le gouvernement, l’avant-projet de loi créant “l’action en réparation collective” est une véritable innovation dans notre arsenal juridique. D’inspiration anglo-saxonne, la class action a fait l’objet de quelques recadrages pour tenter d’éviter la “procédurite” aiguë qui frappe certains secteurs aux Etats-Unis, comme celui de la santé, avec des coûts qui se répercutent in fine sur le patient.

Une telle législation existe déjà en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, en France… “Cela ne changera pas grand-chose sur le plan européen pour les entreprises, puisqu’elles étaient déjà sous la menace de ce type de procédure. Par contre, le consommateur belge aura une nouvelle arme à sa disposition”, souligne Marie Canivet, avocate en droit commercial chez CMS DeBacker.

Des associations triées sur le volet Seules des associations représentatives de consommateurs pourront valablement introduire une action collective. Une association de fait, qui se créerait dans le cas d’un événement particulier, ne sera pas admise. Les cabinets d’avocats ne pourront pas non plus être considérés comme association représentative, ce qui ne les empêchera pas d’être mandatés pour introduire une action collective. “C’est un élargissement du périmètre de la profession d’avocat”, se réjouit Jean-Pierre Buyle, de Buyle Legal, qui avait soutenu l’introduction de l’action collective dans le droit belge lors de son bâtonnat au barreau de Bruxelles.

L’action collective pourra être introduite dans de nombreux domaines : évolution des prix, sécurité des produits, services de payement, médicaments, construction, traitement des données… Le consommateur ne devra pas forcément se manifester pour participer à la procédure. Grâce au principe de l’opt-out, le juge pourra décider que l’ensemble des consommateurs ayant subi le même préjudice seront d’office parties à la cause, sauf s’ils y renoncent. “Le fait que ce principe ait été retenu est une surprise, dans la mesure où la Commission européenne a établi en 2013 dans une recommandation que sa préférence allait au système de l’opt-in”, pointe Marie Canivet. L’opt-in, principe par lequel le consommateur doit marquer sa volonté expresse de participer à l’action collective, ne sera d’application obligatoire que pour les dommages corporels et moraux, censés être plus individuels que collectifs.

GILLES QUOISTIAUX

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