Quand le running devient un business, un média, voire un recrutement

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Courir simplement pour se défouler, c’est dépassé. Aujourd’hui, on le fait pour lever des fonds, découvrir des métiers ou défendre son quartier.

Chausser ses baskets et partir faire un footing, c’est devenu un geste banal pour des millions de personnes. Ils seraient d’ailleurs de plus en plus d’adeptes. Et il n’y a qu’à voir l’engouement autour des grandes courses pour le comprendre.

Courir pour sensibiliser

Le marathon de Londres, par exemple, a battu cette année son record de fréquentation, avec, d’après les organisateurs, 38 000 coureurs et 750 000 spectateurs. Pour la plupart de ces sportifs, courir n’a plus rien d’innocent. Ils savent que chacune de leurs foulées pourra rapporter des fonds pour la lutte contre le cancer, les maladies rares, pour éradiquer la pauvreté ou pour aider des enfants démunis à aller à l’école. The Guardian estime que les trois quarts des marathoniens s’étaient ce week-end engagés dans ce but. Ils ont levé cette année pas moins de cinquante millions de livres. Depuis sa première édition en 1981, la course en aurait généré grâce à des sponsors 750 millions, tous destinés à financer de bonnes actions.

Dans un article, Slate explique qu'”en plus d’être un business, la course est devenue pour les entreprises, les marques, les associations ou les ONG un média à part entière pour faire passer un message (…) ou récolter des fonds“. On se souvient par exemple de cette Gambienne, venue au marathon de Paris avec un bidon d’eau sur la tête. Siabatou Sanneh avait été envoyée dans la capitale par l’organisation Water for Africa pour sensibiliser les gens aux conditions d’accès à l’eau dans son pays.

Slate apparente ces initiatives à du “storymaking“. Alors que le storytelling ne consiste qu’à “enrober un message d’une mise en récit“, ce premier ajoute l’action aux paroles. La course, ce n’est plus juste se contenter de quelques enjambées. Elle devient une expérience.

Une expérience qui a un coût

Parfois, le running revêt des allures de camp d’entraînement. L’Urban Mud Race, par exemple, comporte toute une série d’obstacles à surmonter… dans la boue. Organisée en région parisienne, elle fut mise en place par un certain colonel Didier, chargé du recrutement à l’Armée de Terre. Parmi les jeunes coureurs, il espère pouvoir en dénicher certains prêts à rejoindre ses rangs. Les sapeurs-pompiers de la capitale, et la Fondation Saint-Cyr ont soutenu le projet, raconte Slate. Plus qu’une simple manifestation sportive, la course devient un véritable moyen de communication, en faisant connaître des métiers, des activités, et qui sait, peut-être en servant à trouver un emploi. Le concept, lui, semble séduire. Les Mud Days, qui reposent sur un principe plus ou moins similaire, sont passées d’une seule édition en 2013 à neuf en 2015. Même s’il faut payer pour se prendre des décharges électriques (véridique). Payer pour courir, c’est d’ailleurs devenu commun. A la désormais mythique Color Run, par exemple, il faut débourser au moins 35 euros pour avoir un dossard. Les employés, eux, sont souvent des bénévoles dans ces courses. Cela ne semble pas pour autant arrêter les “Color Runners™”.

La course, entre affrontement et rassemblement

Dans cette spirale d’engouement autour de la course à pied, tous tentent de se faire leur place. Hommes politiques, grands patrons, ils sont nombreux à utiliser le running comme un moyen de rassembler, de fédérer. En mai débuteront par exemple en France les B2RUN, un parcours de six kilomètres où s’affronteront différentes firmes. Interrogé par Slate, Boris Pourreau, confondateur et PDG de Running Heroes, explique: “les entreprises se sont rendu compte du boum du running, elles se sont dit que ça pouvait être un super moyen de mobiliser leurs collaborateurs autour d’attitudes de vie saines“. Lui aussi compte bien en profiter. Il a d’ailleurs imaginé les premières courses connectées et caritatives, l’Unicef Heroes Day. Ce jour-ci, pas besoin d’être à l’heure sur la ligne d’arrivée : chaque sportif court près de chez lui, et ses données sont simplement collectées grâce à des capteurs. Une certaine somme d’argent, qui varie en fonction des performances, est ensuite reversée à l’Unicef. La “No Finish Line Paris by Siemens” est elle une ligne longue de 1400 mètres carrés. Ouverte plusieurs jours aux coureurs, qui pourront la parcourir autant de fois qu’ils le souhaitent. Des fonds seront levés auprès de sponsors, qui se sont engagés à verser un certain montant par kilomètre.

Parce qu’elles ne sont jamais organisées de manière innocente, ces courses sont parfois des bijoux d’inventivité en matière de marketing. Parmi elles, il y a la “Boost Battle Run”. Inspirée par le Palio de Sienne, elle a mis en compétition l’été dernier dix quartiers parisiens. Un événement divertissant, certes, mais aussi très rentable, puisqu’il jouxtait le lancement de ses chaussures de course Boost. Une expérience similaire a été menée par la marque cette année. “On nage (…) en plein storymaking, lit-on sur Slate, avec des entraînements hebdomadaires, des compétitions et un esprit d’équipe qui ont été générés par une marque qui poursuit son positionnement ‘être la marque référente sur le running communautaire‘”. Au magazine, le directeur de ce secteur chez Adidas Thomas Godard a confié que la tendance n’était pas prête de s’essouffler. Au contraire, “le consommateur {aurait} besoin de plus de diversité dans les propositions“: le coureur de demain ne se contentera bientôt plus d’un simple marathon…

P.S

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