Profession? “Lovehunters”!

Elles étaient chasseurs de têtes. Elles chassent aujourd’hui l’amour pour le compte de clients aisés. Geneviève Heintz et Annemieke Dubois gèrent depuis un an Berkeley International, une agence de rencontres destinées aux hommes et femmes d’affaires. Un business florissant.

Le business de l’amour semble n’avoir jamais autant eu le vent en poupe. On connaissait déjà les populaires sites de rencontres grand public, qui inondent la Toile et continuent de faire un carton. A l’image de Meetic, sans doute le plus célèbre et le plus lucratif, avec 164,8 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisé en 2012. Un tel succès ne pouvait rester inimité et l’on retrouve aujourd’hui des sites visant tantôt les geeks, tantôt les infidèles, les ados, les cougars, les Juifs… Sans oublier les classiques agences matrimoniales, qui font toujours florès. Pour tous les goûts ? Pas vraiment. Une cible était jusqu’il y a peu oubliée en Belgique dans ce marché pas tout à fait comme les autres : les célibataires haut de gamme.

Depuis un an, Geneviève Heintz et Annemieke Dubois s’emploient à rectifier le tir. Il faut dire que leur terrain était déjà fertile : avant qu’elles ne décident d’ouvrir en Belgique une franchise de l’agence de rencontres Berkeley International (déjà implantée au Royaume-Uni, en France et aux Etats-Unis à l’époque), près de 350 membres originaires du plat pays faisaient déjà partie de ce réseau, sur un total de 3.000 inscrits dans le monde. Une présence sur place s’imposait.

“Bruxelles, de par son statut de capitale européenne, rassemble bon nombre de dirigeants, expliquent-elles. Un public souvent international et cosmopolite.” Qui n’hésiterait pas à mettre la main au portefeuille pour trouver l’amour. Quelle somme seriez-vous prêt à dépenser pour dénicher l’âme soeur ? S’il s’agit de moins de 8.000 euros, passez votre chemin ! Ne peuvent figurer sur la liste des happy few de Berkeley que ceux qui s’acquittent d’une inscription de 6.000 euros couplée à une redevance annuelle de 2.000 euros, pour trouver un partenaire habitant en terres belges. Ceux qui entendent unir leur destinée à celle d’une personne vivant ailleurs en Europe devront verser 15.000 euros… et 25.000 euros si la recherche devient mondiale.

Réseauter n’est pas draguer C’est le prix à payer lorsque l’on ne peut se permettre d’afficher sa photo sur un site spécialisé. Ce tarif élevé ne serait pas pour autant dissuasif. Depuis l’ouverture du bureau bruxellois, 150 nouveaux nantis en mal d’amour ont rejoint ses rangs. “Des CEO, des entrepreneurs, des professions libérales, des ministres… Des personnes qui, à cause de leur visibilité et de leur statut, peinent à trouver quelqu’un. Aussi parce qu’elles ont parfois tendance à se perdre dans le travail. Bien sûr, elles croisent beaucoup de monde dans des événements de networking. Mais il s’agit toujours d’un cadre professionnel”, décrivent Geneviève Heintz et Annemieke Dubois.

Les deux femmes ont donc décidé de devenir chasseurs de têtes de l’amour. Cela tombe bien : toutes deux étaient auparavant chasseurs de têtes tout court. La première, pharmacienne de formation, a passé une bonne partie de sa carrière professionnelle chez AstraZeneca à différents postes de manager puis comme responsable des ressources humaines. La seconde a débuté dans l’intérim et le recrutement, entre autres pour le secteur pharma. “C’est comme cela que nous nous sommes connues, se souvient Geneviève Heintz. Annemieke recherchait des profils pour moi lorsque j’avais besoin de personnel. Puis nous sommes devenues freelances. Quand nous avons vu passer l’opportunité Berkeley nous l’avons saisie.”

Les perspectives financières n’y ont sans doute pas été étrangères. “Il est vrai que nous connaissons la croissance, même en période de crise.” Depuis l’ouverture il y a un an, le prix de l’inscription “de base” a augmenté de 2.000 euros. Cela ne resterait toutefois pas plus coûteux qu’une adhésion à un club de golf… Quant aux frais de marketing, ils sont minimes : des brochures à envoyer sur demande, pas de publicité (contrairement aux Meetic, Gleeden et autres Victoria Milan). Juste un site web et, surtout, du bouche à oreille.

“Outsourcing” de l’amour Les personal matchmakers, comme elles se surnomment, se défendent de faire du business des sentiments. “C’est peut-être la perception que le public a de l’extérieur. Vu de l’intérieur, ce n’est pas du tout comme cela qu’on nous considère.” Leur métier, disent-elles, est le fruit de l’amour qu’elles portent aux gens et d’une conviction : tout le monde peut trouver l’âme soeur. Même si cela nécessite parfois un coup de pouce. “Nous sommes présentes pour les gens. Nous les écoutons, les aidons. La confiance est très importante. Après tout, ajoutent-elles, le coaching est devenu très répandu. Les hommes d’affaires ont des assistants personnels, des coaches sportifs, des conseillers personnels…” Alors pourquoi pas un outsourcing de l’amour ?

Les tarifs élevés seraient aussi un gage de bonnes intentions. Comprenez : ceux qui peuvent se permettre de débourser une telle somme n’ont certainement pas inscrit “portefeuille bien garni” tout en haut de la liste des qualités indispensables chez un partenaire. Les intéressé(e)s, Annemieke Dubois et Geneviève Heintz les traquent autant qu’elles quêtent l’alchimie. Car il ne suffit pas de payer pour être accepté chez Berkeley. Après un entretien de présentation (lors duquel elles parlent hobbys, ambitions, religion, personnalité, volonté de mariage ou d’enfants, etc.), elles se réservent le droit de refuser un candidat. Entre autres si ses motivations sonnent faux ou s’il n’est pas financièrement indépendant.

Plutôt qu’agence de rencontre, elles préfèrent l’expression “agence d’introduction”. Elles étudient les profils et tentent de former le bon matching. A l’ancienne : c’est d’abord à l’homme que les candidates féminines sont présentées (sans photo, juste par description). C’est lui qui décide si les critères correspondent à ses attentes et s’il souhaite les voir en chair et en os autour d’un repas ou d’une autre activité. Les femmes ne semblent toutefois pas s’offusquer de ce mode de fonctionnement que d’aucuns pourraient qualifier de vieillot. Elles sont plus nombreuses que leurs homologues masculins à faire partie de la base de données de Berkeley (la proportion est de 60 % contre 40 %).

Un équilibre que les deux lovehunters espèrent pouvoir rétablir tout en augmentant globalement le nombre de membres. Berkeley International et son réseau de 12 agences dans le monde (Paris, Milan, Amsterdam ou encore Genève ont suivi Bruxelles) ambitionnent de compter dans leurs fichiers 10.000 adhérents aux coeurs esseulés. Mais aux poches pleines.

MÉLANIE GEELKENS

3.000 INSCRITS

Le nombre de membres de Berkeley International dans le monde (Royaume-Uni, France, Australie, Pays-Bas, Suisse, Italie).

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