Prime contre dividende : tout savoir sur la nouvelle idée française

© Image Globe/Christophe Petit Tesson

La prime de 1.000 euros proposée par le ministre français du Budget recoupe plusieurs dispositifs déjà existants. Elle ne changerait vraiment la donne que pour les très petites entreprises, qui risquent de souffrir de ce nouveau dispositif.

Le ministre français du Budget, François Baroin, développant une idée avancée par le président Sarkozy pour mieux répartir les bénéfices de l’entreprise entre actionnaires et salariés, a évoqué mercredi dernier une prime de 1.000 euros que devraient verser les entreprises qui distribuent des dividendes. Cette mesure sera inscrite dans le collectif budgétaire voté en juin, a indiqué le ministre, sans pour autant en détailler les modalités… qui restent floues.

A qui profiterait la prime ?

A priori, à tous les salariés dont les entreprises reversent des dividendes à leurs actionnaires, qu’elles soient ou non cotées en Bourse. L’objectif est notamment de viser les entreprises “qui ne sont pas soumises à l’obligation de verser la participation”, selon Christine Lagarde (ministre hexagonale de l’Economie, c’est-à-dire celles de moins de 50 salariés. Pas sûr, cependant, que les salariés des PME et TPE en profitent vraiment.

Pourquoi les salariés des petites entreprises seraient-ils désavantagés ?

Selon un rapport de l’Insee publié en 2006, seuls 16,4 % des PME versent des dividendes, contre 41 % des entreprises de plus de 5.000 salariés et 30,6 % de celles qui en comptent entre 250 et 5000. Ce sont donc surtout les salariés des grandes entreprises qui bénéficieraient de la prime. “L’annonce du gouvernement met de côté une grande majorité des salariés des TPE et PME, ceux des sous-traitants, des entreprises des secteurs non marchands”, déplore dans un communiqué Laurence Laigo, secrétaire nationale du syndicat CFDT.

Les dividendes servent-ils uniquement à rémunérer les actionnaires ?

Non, et c’est ce qu’a rappelé Laurence Parisot. La présidente du Medef, la fédération patronale française, estime que beaucoup de dirigeants de PME s’endettent pour lancer leur projet et que les dividendes sont alors le seul moyen de rembourser leurs crédits. Pour une PME de 300 personnes, 300.000 euros de prime représenteraient souvent la totalité du bénéfice, affirme-t-elle. Beaucoup d’entre elles devraient donc sérieusement se serrer la ceinture pour financer ces extras, ce qui fait dire à la patronne du Medef que la mesure serait “dangereuse pour l’emploi”.

Pour Juliana Kovac, avocate associée au cabinet Flichy Grangé Avocats, “si la loi fixe un montant unique pour toute les entreprises, cela risque d’être très coûteux pour des TPE ou PME qui ne pourront pas en supporter le poids. Ce qui fait courir le risque – à moins que ce ne soit l’objectif – qu’elles renoncent à verser des dividendes.”

En quoi la prime se distingue-t-elle de l’intéressement et de la participation ?

Le champ d’application de cette prime n’est vraiment pas clair, notamment parce que plusieurs dispositifs s’en rapprochent déjà. Depuis 1959, l’intéressement permet déjà à toute entreprise d’associer ses salariés à ses bons résultats, quels que soient sa taille et son statut. Il suffit aux partenaires sociaux de s’accorder sur un mode de calcul qui peut être basé sur les résultats financiers de l’entreprise, sur sa performance, etc.

Par définition, si une entreprise verse des dividendes, elle dégage des bénéfices. Elle est donc aussi tenue d’accorder une prime de participation à ses salariés, à moins qu’elle compte moins de 50 salariés. C’est donc dans ce dernier cas que le nouveau dispositif changerait le plus la donne. Or, ce sont aussi ces très petites entreprises qui risquent de pouvoir difficilement financer une prime de 1.000 euros pour chacun de leurs salariés.

Une prime imposée ou simplement négociée ?

Le gouvernement se dit déterminé à contraindre par la loi les entreprises distribuant des dividendes à verser la prime à leurs salariés. Pressé d’agir sur le pouvoir d’achat, le gouvernement avait déjà menacé plusieurs fois les partenaires sociaux de légiférer faute d’accord sur le partage des richesses. Mais dès jeudi dernier, François Baroin a tenté de calmer les esprits en assurant que l’Etat n’allait “rien imposer en tant que tel” mais “favoriser la négociation”. C’est au moment des négociations au sein des entreprises que sera défini le montant des primes à verser, a-t-il finalement indiqué.

Christine Lagarde semble plutôt y voir un moyen d’inciter les entreprises à négocier les salaires. “Mais là aussi, les négociations sur la rémunération, dont la participation et l’intéressement, sont déjà obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés”, estime Juliana Kovac.

1.000 euros pour stimuler le pouvoir d’achat, une idée neuve ?

“Le coup de la prime de 1.000 euros n’est pas nouveau, l’idée revient assez régulièrement mais versée une fois, et non sous la forme d’un dispositif pérenne”, observe Juliana Kovac. En 2006 déjà, Dominique de Villepin avait accordé des exonérations de charges aux entreprises qui distribuaient un bonus de 1.000 euros à leurs salariés. Deux ans plus tard, la loi sur le pouvoir d’achat permettait aux entreprises de moins de 50 salariés de verser une prime exceptionnelle d’un montant maximum de 1.000 euros, là aussi exonérés de cotisations.

Selon Les Echos, 30.000 entreprises avaient utilisé le “bonus Villepin” et 90.000 la prime sur le pouvoir d’achat. Au milieu d’annonces destinées à relancer le pouvoir d’achat, le gouvernement a donc pris de vitesse les partenaires sociaux qui reprendront, le 26 avril, une “délibération sociale” sur le partage de la valeur ajoutée, voulue par Nicolas Sarkozy mais toujours au point mort.

Alexia Eychenne, L’Expansion.com

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