Pourquoi tant d’entreprises ferment leurs filiales belges

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Septembre 2016 est d’ores et déjà un mois noir pour l’emploi en Belgique. Les entreprises ferment leurs portes les unes après les autres, semble-t-il. Que se passe-t-il ? Trois questions au rédacteur en chef du Trends néerlandophone et au journaliste Alain Mouton.

Quel est l’impact de tous ces licenciements sur l’économie belge ? A court et à moyen terme ?

L’impact est limité. Du fait du large intérêt médiatique, cette vague de fermetures et de licenciements peut peser à court terme sur la confiance du consommateur, mais à long terme, l’impact est négligeable. Il ne faut pas perdre de vue que l’emploi en Belgique augmente en ce moment. Les grandes vagues de licenciements sont de plus en plus compensées par des recrutements dans de nombreuses entreprises. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais les engagements attirent plus difficilement l’attention des médias. L’emploi total a augmenté l’an dernier, et cette année aussi. En 2017, 40.000 emplois nets s’ajouteront. Fin juin, on comptait 4,62 millions d’emplois dans le pays, ce qui est un niveau record.

Une importante observation positive est que la création d’emploi se produit surtout dans le secteur privé depuis l’an dernier et pas seulement dans le secteur public ou subventionné. La création d’emplois privés crée du pouvoir d’achat supplémentaire. C’est cette demande intérieure croissante qui aide à porter la croissance économique. Une observation négative d’importance est cependant que la population active augmente aussi vite que le nombre d’emplois. C’est pourquoi le taux d’emploi reste autour de 66%, ce qui est en dessous de la moyenne européenne et trop bas pour pouvoir faire face financièrement au vieillissement de la population.

Pourquoi tant de sociétés ferment leurs sites belges ?

Pas mal de fermetures sont dues à des raisons spécifiques liées aux sociétés en question, donc sans qu’il n’y ait forcément un fil rouge qui les relie. Le secteur financier a encore une lourde structure de coûts, non adaptée au climat des taux d’intérêt bas et à la révolution digitale. L’exemple d’Axa sera certainement encore suivi. Caterpillar est confronté à la crise dans le secteur de l’industrie minière et à une baisse de la demande des machines. MS Mode était pris en tenaille entre la percée de l’e-commerce et l’émergence de chaînes qui affichent des prix très bas. Et l’usine belge de Douwe Egberts produit surtout pour le marché belge, où le consommateur évolue vers les marques maison des supermarchés.

Bien que cette vague de fermetures est spécifique à une économie en transition, il y a aussi des motifs d’inquiétude. Malgré le saut d’index, la modération des salaires et le tax shift, l’économie belge continue à faire face à un sérieux handicap salarial. Cet écart salarial avec l’étranger est devenu plus petit, mais est loin d’avoir disparu et peut encore être évalué à 10%. La chance est en outre grande que la position concurrentielle de la Belgique recule à nouveau si les salaires augmentent dans le sillage d’un durcissement du marché de l’emploi et une inflation plus élevée en Belgique que dans les pays voisins. La pression fiscale reste aussi particulièrement élevée par rapport aux pays voisins, ce qui s’est traduit ces dernières années par un assèchement du flux des investissements étrangers. Ensuite, le marché de l’emploi belge ne brille également pas par sa flexibilité, ce qui entrave l’accès aisé des travailleurs licenciés vers les emplois disponibles dans les entreprises en croissance. La politique du gouvernement Michel est donc plus favorable pour le marché de l’emploi, mais il y a encore bien des choses possibles et nécessaires.

Quel est l’impact des conditions plus strictes pour accéder à la prépension ?

On fait parfois un lien avec la restriction de l’âge minimum pour la prépension. Des sociétés ont décidé d’encore rapidement restructurer maintenant, car la limite d’âge a été augmentée. En 2012, les travailleurs pouvaient partir à la prépension à 52 ans en cas de fermeture d’entreprise. Du fait des mesures gouvernementales, l’âge minimum de la prépension a été relevé à 56 ans, et à 55 ans dans certains cas où une convention collective a été signée. L’augmentation de l’âge minimum se fait lentement: 57 ans en 2017, 58 ans en 2018, 59 ans en 2019 et 60 ans en 2020. Licencier des personnes via ce système est donc encore possible pendant quelques années.

Dans une entreprise comme Caterpillar, la majorité des travailleurs qui peuvent aller en prépension sont déjà partis lors d’une restructuration antérieure. Maintenant, 150 personnes pourraient encore en bénéficier. Ici et là, on suggère de diminuer à nouveau cet âge, mais le ministre du Travail Kris Peeters (CD&V) a déjà fait savoir qu’il ne l’envisage pas.

Il est également vrai que la prépension est devenue plus chère pour l’employeur. Le prépensionné reçoit une allocation de chômage avec, en plus, un supplément payé par l’employeur. Les cotisations sociales sur ce supplément sont plus élevées que sur le salaire moyen d’une personne qui travaille. Mais malgré le prix plus élevé de la prépension, cela reste apparemment un moyen intéressant pour licencier les plus de 55 ans.

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