Pourquoi SAB Miller rejette l’offre alléchante de 92 milliards d’euros d’AB InBev

Carlos Brito, CEO de AB Inbev. © Belga

AB InBev encourage les actionnaires de SAB Miller à faire pression sur le conseil d’administration. Le groupe belgo-brésilien trouve le rejet de son offre d’acquisition étonnant et incroyable. Pourquoi la direction de SAB Miller considère-t-elle une offre de 92 milliards insuffisante?

Avec une offre de rachat sur le deuxième plus grand brasseur du monde, la phase ultime de la consolidation du secteur de la bière est en marche. Cette consolidation est déjà à l’oeuvre depuis un bon quart de siècle. Le numéro un, AB InBev, désire acquérir SAB Miller. Mais le brasseur d’origine sud-africaine n’a pas l’intention de vendre sa peau pour des cacahouètes. Car celui qui absorbe le numéro deux SAB Miller règnera de facto sur le monde de la bière. C’est pourquoi le conseil d’administration de SAB Miller rejette l’offre de 92 milliards de dollars. Egale à treize fois le résultat d’entreprise (ebitda) de l’année comptable précédente, il s’agit pourtant d’une somme élevée. Pour l’acquisition de Anheuser-Busch par exemple, jusqu’à présent la plus importante acquisition au pays de la bière, InBev avait payé 54 milliards de dollars en 2008, soit presque onze fois l’ebitda.

Moteur de consolidation

SAB Miller a un caractère fort différent des précédentes proies d’AB Inbev. SAB Miller, tout comme AB InBev, est un acteur mondial. Le développement des deux groupes est curieusement parallèle. Tous deux ont commencé dans un relativement petit marché dans leur propre pays. Et tous deux, dès qu’ils en ont eu l’opportunité se sont développés à l’international. Ils ont également clairement un grand appétit pour le risque.

En outre, SAB Miller a aussi pris, par le passé, les Belges et les Brésiliens de vitesse. Au printemps 2002, South African Breweries (SAB) a fusionné avec le numéro deux américain Miller (pour environ huit fois l’ebitda). Interbrew, jusqu’alors le numéro deux mondial (après Anheuser-Busch), a vu soudainement le groupe nouvellement fusionné prendre ses marques. L’ambitieux groupe belge devait réagir. Le résultat fut la fusion d’Intervrew et AmBev en mars 2004. Depuis lors, les Belges et les Brésiliens partagent le contrôle sur InBev.

Culture d’entreprise unique

Ce qui est encore frappant, c’est la forte culture d’entreprise qui règne au sein de SAB Miller, ce que AB InBev connaît également. La mentalité est rude, très exigeante, décrit la Sud-Africaine Anne Kelk Mager dans le livre Beer, sociability and masculinity in South Africa. Mais la culture d’entreprise inclut aussi une profonde loyauté, le travail d’équipe, l’ambition et une totale dévotion au produit. Cette culture d’entreprise est transmise de génération en génération.

Six des neuf dirigeants du comité de direction de SAB Miller sont encore toujours sud-africains et travaillent souvent déjà depuis longtemps dans l’entreprise. Le CEO Alan Clark y est actif depuis 1990. Son prédécesseur, Graham Mackay, avait commencé en 1978 et est resté dans la brasserie jusqu’à son décès en 2013. AB InBev a aussi un management fiable. Le CEO Carlos Brito travaille déjà depuis 1989 pour le groupe. Sa garde rapprochée est également dans l’entreprise depuis des années.

Les deux groupes imposent cette culture d’entreprise aux brasseries reprises. Ni SAB Miller, ni AB InBev ne comptent d’échecs parmi leurs acquisitions, bien qu’il y ait parfois eu quelques dévalorisations.

Trop de marques internationales

Il y a une différence marquante dans la gestion d’entreprise des deux groupes. AB InBev travaille de manière fort centralisée, alors que SAB Miller laisse beaucoup d’espace à l’autonomie locale. Ce qui a conduit à une différence essentielle entre les géants. AB Inbev a quelques marques internationales très fortes (Budweiser, Corona, Stella Artois, Beck’s etc), alors que SAB Miller n’a pas directement de marques qui rayonnent à l’ international. L’internationalisation de ses marque n’a jamais été un grand succès. Le brasseur est à la traîne du top dix des marques internationales, avec l’australienne Foster’s et l’américaine Miller. Il a cependant plus de 200 marques de bière, surtout locales.

Le portefeuille d’AB InBev serait donc particulièrement chargé, si quelques marques de SAB Miller venaient encore s’ajouter. Mais si AB InBev a l’intention de dégrader les marques internationales de SAB Miller, il risque une dévalorisation. La valeur de toutes les marques SAB Miller ensemble représentait 6 milliards de dollars dans les actifs fixes immatériels lors de l’année comptable précédente.

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