Pourquoi PPR se sépare de Conforama

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Le groupe de François-Henri Pinault prévoit de vendre Conforama au sud-africain Steinhoff. Zoom sur la nouvelle stratégie de PPR, qui devrait porter ses fruits.

Pourquoi se séparer maintenant de Conforama ?

Cela fait désormais un an que François-Henri Pinault a dévoilé son intention de se séparer de ses enseignes de distribution, Conforama, Redcats (La Redoute) et la Fnac. La vente de Conforama n’est donc pas une surprise. Le groupe veut en fait se recentrer sur le luxe et la mode sportswear. Dès le départ, cependant, François-Henri Pinault avait prévenu qu’il ne braderait pas ces actifs. Il a donc attendu que l’enseigne se redresse pour en tirer le meilleur prix.

Sur les neuf premiers mois de l’année, son chiffre d’affaires (près de 3 milliards d’euros en 2009) a progressé de 4,8 % et sa marge brute d’exploitation s’est établie à 5,9 %, en progression de 1,2 % depuis 2009.

Si son image de marque reste plutôt médiocre – elle a été classée à la 43e position des enseignes les plus attrayantes en France, alors qu’Ikea truste la seconde place (étude OC&C) – son “image prix”, elle, s’est améliorée. “Conforama représente la meilleure alternative à Ikea”, confirme Jean-Daniel Pick, directeur associé chez OC&C, à La Tribune.

Résultat : “Grâce à ces bonnes performances, PPR peut donc se séparer de Conforama pour un prix plus que raisonnable”, estime Philippe de Vandière, analyste chez IG Markets. L’enseigne doit en effet être vendue 1,2 milliard d’euros, sans compter la reprise de la dette, qui tourne aux alentours de 450 millions d’euros selon les analystes. Une bonne affaire !

Pourquoi vendre au sud-africain Steinhoff ?

Pour le prix, déjà, qui convient à la direction du groupe, mais aussi pour les garanties offertes par le repreneur. Plusieurs investisseurs étaient en effet intéressés par Conforama, au premier rang desquels les actionnaires du n° 3 français, But (Colony Capital et Goldman Sachs), associés à Permira. L’offre de ces derniers était toutefois trop faible pour convaincre l’actuel propriétaire, et ils ont fini par quitter la partie lundi. Autre investisseur potentiel, le groupe américain Carlyle, aurait fait une offre du même ordre de grandeur que celle du sud-africain. Mais industriellement, le projet était moins convaincant, affirme La Tribune.

Avec la solution Steinhoff (4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires cette année), complètement absent du marché français, Conforama évite les problèmes sociaux et les risques de concentration. Par ailleurs, grâce à l’importante capacité de production du groupe, (matières premières en Afrique du Sud, industrie du meuble en Europe de l’Est, deux chaînes spécialisées au Royaume-Uni), Conforama devrait pouvoir s’approvisionner dans les usines de son repreneur. Une nouvelle qui n’enchante pas l’industrie française de l’ameublement, qui craint que ce rachat ne se traduise par une refonte de la sous-traitance du groupe.

Pourquoi PPR se recentre-t-il sur le luxe et le sportswear ?

Les marges y sont assurément plus intéressantes. Il suffit pour cela de regarder les résultats du groupe en 2009 : Conforama avait certes généré 17,7 % du chiffre d’affaires de PPR mais seulement 8,7 % de son résultat d’exploitation courant. A contrario, Gucci représentait 20,5 % des ventes mais 48,3 % du résultat d’exploitation courant.

“Le luxe est un secteur en pleine explosion qui bénéficie de la forte demande des pays émergents et notamment de la Chine“, ajoute Philippe de Vandière. Sur les 111 magasins Gucci présents dans le monde, 48 sont situés en Chine, qui représente 22 % des ventes de la marque. “En se repositionnant sur le luxe et le sportswear, PPR s’assure donc une importante croissance dans les années à venir”, indique l’analyste.

Pour l’heure, le groupe semble hésiter : se positionner sur le marché du moyen de gamme, comme l’est actuellement la marque Puma (dont les marges d’exploitation atteignent 13 %, contre 5 % pour Conforama), ou se concentrer essentiellement sur le luxe et devenir le nouveau LVMH. “C’est ce que PPR aurait de mieux à faire : attendre de s’être séparé de la Fnac et de Redcats pour s’offrir une marque du type Burberry”, estime Philippe de Vandière.

Selon la rumeur, cependant, François-Henri Pinault lorgnerait depuis quelque temps Quiksilver, le champion du surfwear. L’Allemand Jochen Zeitz, patron de Puma, aurait d’ailleurs été mandaté pour constituer un portefeuille de marques internationales pour le nouveau pôle “sport et lifestyle” du groupe.

Cette stratégie aurait elle aussi du sens. Comme le luxe, le marché du sportswear moyen de gamme est promis à un avenir radieux dans les pays émergents. Par ailleurs, le groupe est très endetté – à hauteur de 34 % – et pourrait donc avoir intérêt à acheter une marque moins bien valorisée que Burberry. “Qu’elle soit tournée davantage sur le luxe ou le sportswear, la nouvelle stratégie du groupe est bonne”, juge néanmoins notre analyste. La preuve : en un an, le titre a progressé de plus de 54 %… grâce notamment aux bonnes performances de Conforama.

Ce jeudi, l’accueil était toutefois mitigé. A la clôture de la Bourse, l’action PPR cédait 1,65 %, dans un marché en hausse de 0,68 %. “Les investisseurs ont peur que cette cession s’accompagne d’une acquisition et donc d’une augmentation de capital dilutive, sans compter que les incertitudes concernant le montant exact de la cession laissent planer un doute quant à l’opportunité réelle de l’opération”, conclut Philippe de Vandière, pour qui il ne faudrait pas analyser cette légère baisse comme un geste de défiance des investisseurs.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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