Pourquoi la conquête touristique et minière de la Lune et de Mars s’accélère

La mission Apollo 17. Plus aucun humain n'a dépassé l'orbite terrestre basse depuis 1972. © Belgaimage

Sous l’impulsion du secteur privé.

Le 26 novembre 2018, si tout va bien, InSight pénétrera dans l’atmosphère de Mars à la vitesse fulgurante de 3,2 km/s. Après avoir ouvert son parachute et allumé ses rétrofusées, l’engin automatisé de la Nasa se débarrassera de son bouclier thermique avant d’atterrir en douceur. Ce sera le point culminant d’une passionnante odyssée interplanétaire d’un an. Pour le début de l’année 2018, Google espère annoncer le nom du ou des gagnants du Google Lunar X Prize. Ce prix d’une valeur de 30 millions de dollars récompensera la ou les premières entreprises qui auront réussi à poser un module atterrisseur sur la Lune et à piloter à distance un robot sur une distance de 500 mètres, tout en transmettant des vidéos à la Terre. Avant la fin de cette même année, l’entreprise californienne SpaceX devrait avoir fait survoler la Lune à deux touristes. Ces passagers seront les premiers humains à aller au-delà de l’orbite terrestre basse depuis 1972.

D’aucuns espèrent que, de bien des façons, ces missions feront progresser les efforts déployés pour implanter sur la Lune et sur Mars des bases habitées par des robots, puis à terme, par des êtres humains. Le but est de devenir une ” espèce multimonde “, déclare Bob Richards, dirigeant de Moon Express, une société située en Floride qui concourt pour le Google Lunar X Prize.

Cet objectif est encore loin d’être réalisé – d’ailleurs le sera-t-il un jour ? Les sceptiques font remarquer qu’il n’y a probablement rien sur la Lune ou sur Mars qui justifie les dépenses colossales liées à une colonisation humaine. Sans compter que les obstacles à surmonter sont titanesques. Malgré tout, Elon Musk, patron de SpaceX, a l’intention d’envoyer des vaisseaux sur Mars d’ici à 2022 – la construction du premier vaisseau doit débuter dans quelques mois – et de lancer des missions habitées deux ans plus tard. En 2018, le survol médiatique de la Lune par SpaceX captivera le monde entier. Les plus enthousiastes espèrent que l’événement donnera du poids aux appels à coloniser les astres.

“Village robotique”

Pour y parvenir, il faudra récolter des données. Dans le courant de 2018, le module atterrisseur de Moon Express transportera une balise de navigation qui servira en quelque sorte de phare pour guider les vols ultérieurs. Au cours d’une deuxième mission lunaire prévue pour 2019, la société a l’intention d’établir un ” village robotique ” pour prospecter sur place. Du côté de Mars, InSight s’enfoncera à 5 m sous la surface de la planète afin d’analyser les ressources, l’activité sismique et les températures. Il s’agit de déterminer si des êtres humains pourraient survivre en exploitant des gisements, construire des logements à l’épreuve des secousses sismiques et capter l’énergie géothermique, explique le responsable scientifique de la mission, Bruce Banerdt, du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa.

En 2018, deux touristes choisis par SpaceX devraient survoler la Lune.

Une grande partie de ces efforts étant absorbée par le secteur privé, le coût des voyages dans l’espace est en train de chuter. Le projet de Moon Express pour le Google Lunar X Prize ne lui coûtera qu’une dizaine de millions de dollars. Situé à Tokyo, iSpace, l’un des cinq concurrents, en a déjà gagné autant en vendant de l’espace publicitaire sur son rover lunaire. SpaceX prévoit de convoyer des astronautes vers la Station spatiale internationale à partir de mai 2018 – grande première pour une société privée. Le projet coupera l’herbe sous le pied des Russes, qui facturent des montants plus élevés, et il financera les vols habités à destination de Mars dans les années 2030. D’après Phil Larson, la Nasa estime qu’elle aurait consacré près de 1,4 milliard de dollars à construire la fusée Falcon 9, alors que SpaceX l’a fait pour un tiers de ce coût. Pour cet ancien conseiller à la Maison-Blanche, les billets des touristes couvriront les frais encourus par SpaceX pour survoler la Lune.

Lucratives roches lunaire

Certaines entreprises sont convaincues qu’elles peuvent faire fortune en quittant la Terre. Moon Express envisage de rapporter un chargement lucratif de roches lunaires en 2020 et de les mettre en vente sous forme de bagues de fiançailles et autres bijoux en ” poussière de Lune “. Moon Express et iSpace espèrent à terme être en mesure de traiter l’oxygène, l’hydrogène et autres ressources lunaires pour en faire de l’air, de l’eau et du carburant qui seront vendus à profit depuis la Lune aux touristes spatiaux. Planetary Resources, entreprise américaine, et Deep Space Industries, société américano-luxembourgeoise, comptent exploiter les astéroïdes pour réduire le coût du réapprovisionnement des explorateurs de l’espace : l’expédition d’une charge d’un kilo en orbite basse terrestre coûte environ 10.000 dollars, montant qui s’envole dès que l’on dépasse cette frontière.

Ratifié en 1967, le Traité de l’espace interdit de s’approprier la souveraineté sur des corps célestes, sans pour autant faire obstacle à la possession ou à la vente de matériaux extraits de ces astres. L’Amérique a promulgué des lois autorisant l’exploitation minière au-delà de la Terre, et le Luxembourg a récemment suivi son exemple. D’après Chris Johnson, de l’Institut international du droit de l’espace, il est possible que le Japon et les Emirats arabes unis en fassent autant en 2018.

Un environnement fragile

Pourtant, certains s’en inquiètent. Avec l’activité minière, le volume de débris dans l’espace augmenterait, endommageant ainsi l’environnement spatial fragile, s’inquiète Stephan Hobe, de l’Institut de droit aérien et spatial à l’université de Cologne. D’autres ont des angoisses plus terre à terre : la résistance à l’exploitation minière dans l’espace s’explique en partie par le fait que certains pays tels que le Brésil, le Chili et la Russie ont peur de perdre pied face à des concurrents plus riches. D’autres encore brandissent bien haut le Traité de l’espace, selon lequel l’utilisation de l’espace doit ” s’effectuer pour le bien de tous les peuples “. Certains gouvernements espèrent que ce principe contraindra les entrepreneurs spatiaux à partager leurs bénéfices ou même à abandonner l’exploitation minière, se désole Kyle Acierno, d’iSpace.

En outre, certains principes économiques de base s’imposent et il importera de les maîtriser. Si l’on découvre un moyen viable d’exploiter les ressources minières abondantes de l’espace – en platine par exemple -, le prix des métaux subira une chute météoritique. Malgré tout, argumente Atsushi Mizushima, coauteur d’une étude sur l’aspect juridique de l’exploitation minière extra-atmosphérique, l’un des effets secondaires positifs en serait la sauvegarde de notre espèce. En effet, la technologie développée par les prospecteurs de l’espace pourrait s’avérer utile si l’on doit un jour dévier la course d’un astéroïde dont la trajectoire percuterait la Terre. Fort heureusement, cette éventualité n’est pas prévue pour 2018.

Par Benjamin Sutherland.

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