Pourquoi Facebook doit se réinventer

© Reuters

Le réseau social présentera dans deux jours une nouvelle version de son fil d’actualités. Il doit concilier les intérêts des annonceurs, pour augmenter ses revenus, et des utilisateurs, dont une partie, les plus jeunes, commence à déserter le site. Explications.

Alors que Facebook doit présenter une nouvelle version de son fil d’actualités ce jeudi, le réseau social se retrouve confronté à de nouveaux défis. D’un côté, il souffre d’être délaissé par les plus jeunes et de plus en plus envahi de publicités; de l’autre, il multiplie les services payants et se voit davantage utilisé professionnellement. Bref, Facebook se réinvente constamment. Comment sa nouvelle page d’accueil traduira-t-elle cette mutation?

Acter la désaffection des plus jeunes

En neuf ans d’existence, le site aux 1,06 milliard de membres (26 millions en France) s’est complexifié, sa démographie a évolué avec l’arrivée de populations de tous les âges (et notamment des parents des jeunes qui l’utilisaient), l’inflation guette le nombre d’amis (près de 180 en moyenne en France), et les usages mobiles ont explosé.

Aujourd’hui, il semble que Facebook ne soit plus trop la tasse de thé des jeunes générations. L’entreprise le reconnaît elle-même dans son dernier rapport annuel. “Nous croyons que certains de nos utilisateurs, particulièrement les plus jeunes, sont très actifs sur d’autres produits et services similaires ou substituables à Facebook.”

Des études viennent appuyer ces observations. Comme celle de Pew Internet Research, publiée début février, qui indique que 42% des utilisateurs de 18-29 ans déclarent que leur temps passé sur Facebook a diminué depuis au cours de l’année passée, contre un pourcentage moyen de 34%. 38% de cette classe d’âge prévoit de passer moins de temps sur le site dans l’année à venir, contre 27% pour la moyenne des répondants.

D’autres signaux sont moins représentatifs, comme ce sondage d’il y a quelques mois qui concluait que Tumblr était désormais plus populaire auprès des jeunes que Facebook aux Etats-Unis. Mais l’ensemble va dans le sens d’une utilisation moindre par les plus jeunes, au profit de sites tels que Tumblr, Snapchat ou Instagram (100 millions d’utilisateurs, que Facebook a d’ailleurs racheté). Des applications qui se prêtent bien à l’utilisation mobile, demandent d’y consacrer moins de temps, et dont les contenus sont plus éphémères (alors que Facebook, lui, conserve tout et le ressort dans Timeline ou son moteur Graph Search). Ces nouveaux services sont aussi moins susceptibles de ramener des spams, au sens large : du contenu non pertinent pour les utilisateurs.

Mettre en avant le contenu le plus pertinent

Améliorer la pertinence est un défi à relever à la fois pour l’algorithme et pour la forme du fil d’actualités, qui va subir une refonte. Ce défi ne concerne pas seulement les utilisateurs, mais aussi les marques et les professionnels qui utilisent Facebook, et qui ont des intérêts parfois antagonistes. Cette semaine, une polémique a rebondi dans la presse américaine, avec une chronique d’un journaliste du New York Times, qui explique que ses messages publiés sur le réseau social recueillent de moins en moins de commentaires, de partages et de “like”. Une observation relayée par d’autres journalistes, notamment de GigaOM.

Facebook est accusé de dégrader volontairement dans son algorithme la visibilité de ces messages à caractère professionnel, pour pousser son service de promotion payante des messages, qui augmenterait effectivement le nombre d’interactions après publication. Le site s’en est défendu, soulignant même que les interactions avaient augmenté en moyenne de 34% sur les messages diffusés par les utilisateurs possédant des “abonnés” (une catégorie différente des “amis”). Quoi qu’il en soit, les observateurs sont d’accord pour constater la difficulté de s’adapter sans cesse aux évolutions du site. Ce qui devrait encore une fois se produire avec le redesign du fil d’actualités.

Dépasser la simple plateforme amicale

Trop intrusif, trop chronophage, des services payants cultivant le flou entre utilisation professionnelle et personnelle du site… Comme l’analyse Grégory Pouy sur son blog spécialisé dans le marketing et la communication digitale, Facebook est en train de se transformer en outil et n’est plus “une plateforme uniquement amicale”. Une remarque que l’on retrouve également sous la plume de TheVerge. Pour le site high-tech, construire et maintenir son profil sur Facebook est progressivement devenu un travail à temps plein, avec le côté rébarbatif que cela peut comporter.

Vu sous cet angle, la désaffection des jeunes est naturelle. Un des moyens de les garder pourrait être de mettre davantage en avant les services de communication, comme le tchat et la messagerie vidéo.

Résoudre l’équation contenu / utilisateurs / annonceurs ?

L’évolution du fonds et de la forme du fil d’actualités est cruciale pour trouver le bon équilibre entre les intérêts des différents publics de Facebook : le grand public, les utilisateurs professionnels, et bien sûr les annonceurs. Car l’objectif de Facebook est de faire de la place à la pub et aux services payants. “Aujourd’hui, le fil d’actualités est vendu comme le meilleur outil pour profiter de la puissance de Facebook”, déclare Xavier Leclerc, directeur des partenariats clients chez Facebook France. “Le fil d’actualités, c’est 40% du temps passé sur un PC”, affirme-t-il.

Aujourd’hui, la publicité se retrouve sur la colonne de droite de la page d’accueil (sauf dans la version mobile du site), et au milieu du fil lui-même, sous la forme de messages sponsorisés ou d’annonces plus traditionnelles (sans rapport avec ce que vos “amis” ont “aimé”). Plus les utilisateurs cliquent souvent sur les publicités affichées dans Facebook, plus Facebook leur affiche de publicités.

L’intégration dans le fil d’actualités des publicités est un enjeu fondamental pour Facebook, qui ne manque pas de projets pour séduire les annonceurs. Par exemple en leur proposant de croiser leurs bases de données clients avec ses propres données, pour servir des annonceurs encore plus ciblées. D’ores et déjà, le réseau social propose un affichage plein écran sur mobile. Mais il sait que s’il va trop loin, les utilisateurs vont se braquer. Nous verrons où il décidera de placer le curseur. Les deux mots-clés seront pertinence et intrusivité.

Raphaële Karayan – L’Expansion.com

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