Pourquoi Ethias chouchoute sa pépite IT

Philippe Lallemand, CEO d'Ethias et Pascal Laffineur, CEO de NRB. © Belgaimage/C. Toffolo

Nouveau patron, nouveaux objectifs : Ethias nourrit de nouvelles ambitions pour sa filiale informatique NRB. Un petit joyau qui “n’est pas à vendre”, assure Philippe Lallemand, CEO du groupe Ethias.

Parc industriel des Hauts-Sarts, à Herstal. C’est là, sur les hauteurs de Liège, au numéro 65 de la 2e Avenue de ce zoning situé en bordure des autoroutes E25 et E313, que se nichent les quartiers généraux de NRB. Trois lettres qui n’évoquent pas grand-chose au grand public mais derrière lesquelles se cache pourtant l’un des principaux fournisseurs de service informatique du pays. L’an dernier, ses 2.000 collaborateurs lui ont permis de dégager un chiffre d’affaires de 317 millions d’euros, et cela tout en investissant plus de 4 millions d’euros dans la construction d’un nouveau data center à Villers-le-Bouillet. De quoi en faire ” la ” pépite d’Ethias, actionnaire majoritaire de NRB avec 68 % du capital.

Xperthis, Afelio…

Depuis sa création en 1987 par la Smap (à présent Ethias) et trois intercommunales liégeoises (ALE, ALG et Cile), la société s’est en effet transformée en un petit groupe d’envergure internationale qui se compose aujourd’hui de plusieurs entités. A côté de l’activité coeur de NRB,

on trouve désormais Xperthis (logiciels d’administration spécifiques pour le secteur hospitalier et dossier patient électronique, une entreprise dirigée par

Melchior Wathelet), Afelio (jeune entreprise liégeoise qui développe des applications web et mobiles), Civadis (informatique pour les administrations locales en Wallonie et à Bruxelles), Cevi et Logins (informatique pour les administrations locales en Flandre) et Trasys International (dont les clients sont des institutions européennes et internationales). Autant de nouveaux créneaux sur lesquels NRB s’est développée ces dernières années

à coups d’acquisitions, avec comme objectif de diversifier ses sources de revenus pour ne plus uniquement dépendre de ses actionnaires historiques. Résultat ? Alors qu’Ethias était encore le client quasi-exclusif de NRB voici 10 ans, l’assureur liégeois ne compte plus désormais que pour 22 % des revenus de sa filiale informatique. Ces derniers se répartissent désormais entre le secteur public et social (33 %), les services financiers (28 %), les organisations internationales (16 %), les entreprises d’énergie et d’utilité publique (9 %), la santé (9 %) et, enfin, l’industrie (5 %). Outre bon nombre de communes wallonnes et flamandes, des intercommunales (Ores), certaines entreprises et services publics (RTBF, SPF Finances, FSMA), figurent aussi parmi ses clients des concurrents directs (P&V) ainsi que des multinationales comme ArcelorMittal, GSK ou Engie.

Statu quo de deux ans

Pourquoi Ethias chouchoute sa pépite IT
© TT

Contrairement à sa maison mère qui n’a pas encore totalement tourné la page de son sauvetage par l’Etat fédéral et les Régions en 2008, le groupe NRB est donc aujourd’hui ” une entreprise qui se porte bien sur le plan commercial comme sur le plan financier “, avance le nouveau CEO Pascal Laffineur, recruté l’an dernier chez Altran.

Alors qu’Ethias a terminé 2016 sur un résultat net de 80 millions d’euros, NRB a, en effet, dégagé un bénéfice de 17 millions. De quoi susciter la convoitise de nombreux concurrents, en Belgique comme à l’étranger. Une vente de NRB a d’ailleurs plusieurs fois été évoquée par la presse comme piste pour renforcer la structure financière d’Ethias et lui permettre de poursuivre sa route tout seul, plutôt que de se faire racheter par Ageas ou Belfius. Les atouts de NRB ? ” Le groupe compte pas moins de 250 personnes rompues aux nouvelles technologies, soit plus de 10 % de ses effectifs, avance fièrement Pascal Laffineur. Par ailleurs, presque toutes les communes wallonnes sont clientes de NRB. Cela ne veut pas dire qu’elles sont clientes chez nous pour toute leur activité mais c’est quasiment tout un secteur qui compte sur NRB pour pousser la digitalisation en Wallonie. ”

De fait, ” il y a dans le chef de NRB un rôle d’anticipation qui est stratégique pour la Wallonie, embraie Philippe Lallemand, nouveau CEO d’Ethias et président du conseil d’administration de NRB. Ce n’est pas un hasard si NRB est à l’initiative de la plateforme big data avec la Région wallonne. Les besoins IT des communes sont phénoménaux. ” Le problème ? Comme on l’a dit, ” c’est que NRB a pas mal été secouée ces derniers mois par voie de presse, poursuit Philippe Lallemand. Le groupe a fait l’objet de multiples rumeurs et déclarations quant à une éventuelle cession. Il fallait retrouver une certaine forme d’apaisement au sein des actionnaires d’Ethias à propos de NRB. Pour restaurer cette confiance et permettre au management d’avancer, nous avons décidé de donner du temps non seulement à Ethias mais aussi à NRB. C’est ce qui a été décidé dernièrement dans le cadre de ce que certains ont baptisé l’accord de la Saint-Philippe : un statut quo de deux ans entre les actionnaires d’Ethias et de NRB. D’ici les élections communales de 2019, on ne vendra ni Ethias ni NRB “.

Resserrer les boulons

Et pour cause. Bien qu’en bonne santé, NRB fait face à un défi de taille. En témoigne sa rentabilité qui a diminué pour tomber à 6 % à peine en 2016. ” Les dernières années ont permis à NRB d’acquérir la taille qu’elle a aujourd’hui et d’être un acteur majeur de l’ICT en Belgique, souligne Pascal Laffineur. Mais nous devons monter en puissance en termes d’efficacité opérationnelle. Il est temps de faire en sorte que les filiales qui constituent le groupe travaillent ensemble. Autrement dit, elles doivent être vues par les clients comme un groupe homogène avec une seule porte d’entrée donnant accès à l’ensemble des services. ” En clair, il s’agit de simplifier la structure et de resserrer les boulons. Avec à la clé des suppressions d’emplois ? Non, ” nous ne couperons pas dans les effectifs, rassure Philippe Lallemand. NRB doit rationaliser ses structures pour accroître à la fois la satisfaction de ses clients et la qualité de son retour sur investissement, mais il n’y aura pas de licenciements massifs. Par contre, pour aider le management, Ethias a libéré quatre places au conseil de NRB et nommé ainsi quatre administrateurs indépendants : Dirk Wauters (ex-VRT), Koen Dom (SFPI), Jean-Pierre Hansen (ex-GDF Suez) et André Vanden Camp (Axa). C’est un signal fort en matière de gouvernance “. Quid justement d’un changement de nom pour améliorer gouvernance et lisibilité de NRB (abréviation de Network Research Belgium) ? ” Ce n’est pas exclu mais ce n’est pas à l’agenda pour le moment “, dit Pascal Laffineur. Quant aux résultats financiers à atteindre, le CEO se borne à indiquer que le chiffre d’affaires devrait s’afficher en hausse d’ici 2019.

Thomas Edison

En définitive, l’exemple de NRB montre une fois de plus que la transformation numérique offre de nouvelles opportunités non seulement aux assureurs mais à toutes les entreprises de manière générale : elle leur permet de développer de nouveaux services, d’attaquer d’autres marchés, etc. Manger ou être mangé : la règle chère à Darwin n’a sans doute jamais été autant d’actualité pour elles. Cela étant, Pascal Laffineur garde les pieds sur terre : ” Je suis un vrai passionné de technologie, déclare-t-il, mais je suis aussi réaliste par rapport à la vitesse à laquelle elle peut transformer le monde et une entreprise. Savez-vous qui a dit que les livres d’école ne seraient plus nécessaires dans 10 ans ? Un ministre de l’Enseignement ? Eh bien non, c’est Thomas Edison, en 1913. Un siècle plus tard, les manuels sont toujours bien présents dans les classes .” Manière de dire que, si NRB se doit de devenir plus agile, elle a malgré tout encore un petit peu de temps devant elle.

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