Pour vivre heureux, travaillons moins ?

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Si l’on en croit les World Hapiness Report de ces trois dernières années, les Pays-Bas seraient l’un des dix pays au monde où l’on est le plus heureux. Certains avancent comme argument la qualité de vie, d’autres, la manière dont on y travaille. En effet, le pays a une petite particularité de ce côté-là: ses habitants passent peu de temps en entreprise. 26,8% des hommes en âge de travailler, et 76,6% des femmes y seraient ainsi moins de trente-six heures par semaine. En 2014, d’après les chiffres publiés par Eurostat, 49,7% des emplois étaient des emplois à temps partiel aux Pays-Bas… Des proportions bien supérieures à la moyenne européenne, évaluée cette même année à 19,6%. La Belgique, elle, culmine à 23,7%. Le score le plus bas revient à la Bulgarie, avec seulement 2,5% de temps partiels.

Des femmes entrées tardivement dans le marché du travail

Pour comprendre pourquoi les Néerlandais, et surtout les Néerlandaises, travaillent moins, il faudrait d’après The Economist remonter un peu le temps. Jusqu’au siècle dernier, plus précisément. Les Hollandais auraient été moins amenés à partir à l’étranger pendant les guerres mondiales que leurs voisins d’Europe et d’ailleurs. Ils auraient donc, pour la plupart, continué à travailler, dans les champs et les usines. Or, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou encore en France, c’est justement le départ de ces hommes qui a encouragé l’émancipation professionnelle des femmes. Résultat, aux Pays-Bas, ces dernières sont arrivées bien plus tard sur le marché du travail. Et ce, d’autant plus qu’il n’était pas à l’époque nécessaire d’avoir deux salaires pour vivre convenablement dans le pays. A cela s’ajouterait aussi, toujours selon The Economist, le poids des “valeurs chrétiennes” dans la politique du pays, imposant jusque dans les années 1980. Des aides étaient alors largement mises en place pour encourager les mères à rester s’occuper de leur progéniture à la maison.

Il y a vingt ans environ, les choses ont commencé à changer, et le gouvernement néerlandais a tenté de convaincre les femmes que travailler n’est pas une si mauvaise chose. Mais les habitudes étaient déjà bien ancrées et la plupart des mères ont alors choisi un temps partiel. L’Etat a soutenu cette démarche et fait en sorte “que les nouveaux emplois à temps partiel profitent d’un statut légal similaire à leurs équivalents à temps complet“. La loi du pays prévoit même depuis 2000, grâce au Working Time Adjustment Act, une plus grande flexibilité du travail. Chaque employé peut ainsi demander à son patron de travailler plus, ou moins d’heures. La seconde formule séduit de plus en plus. Par exemple, en 2005, 45,7% des travailleurs étaient soumis au régime du temps partiel, soit quatre points de pourcentage en dessous des valeurs actuelles.

Le temps partiel fait-il le bonheur ?

Mais alors, est-on forcément plus heureux en choisissant de travailler moins ? L’Observateur de l’OCDE estime en tout cas que l’on serait moins stressé et que ces horaires aménagés nous aideraient à mieux jongler entre vie de famille et vie professionnelle. Elles ne nuiraient pas non plus à la qualité de l’emploi. Pour autant, il ne faut pas oublier que le temps partiel comporte aussi des inconvénients. Les employés dans cette situation seraient ainsi toujours “pénalisés (…) en termes de salaires, de formation, d’avancement professionnel et de sécurité de l’emploi“. Le taux de pauvreté serait aussi deux fois plus élevé parmi cette catégorie de travailleurs. Il existerait enfin des pays, dont les Pays-Bas, paradoxalement, qui demandent un nombre minimum d’heures afin de pouvoir espérer toucher le cas échéant une assurance chômage. Reste que ces contraintes n’empêcheraient pas certains de choisir le temps partiel toute leur vie. Ils ne seraient que 15% des travailleurs à mi-temps à accepter par la suite un emploi à temps complet.

Perrine Signoret

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