Pour réaliser des économies, les entreprises surveillent les comportements au volant. Voici comment

LA CONSOMMATION DE CARBURANT dépend fortement du style de conduite. © iStock

L’envolée du prix des carburants, en particulier du diesel, est un facteur avec lequel il faut compter. Mieux vaut donc opter pour une conduite aussi économique que possible. Bonne nouvelle : cela s’apprend, par exemple avec l’aide d’un petit appareil qui analyse le comportement au volant. Nous l’avons testé.

Dans le trafic, le maillon faible, c’est le conducteur : il roule trop vite, commet des erreurs, a parfois bu, est distrait, téléphone – bref, les comportements à reprocher ne manquent pas. D’ici à ce que les robots-taxis fiables et accessibles fassent une percée, nous n’avons d’autre choix que de compter sur de meilleures voitures et une plus grande vigilance des automobilistes. Equiper les véhicules classiques d’un maximum de technologie, comme une aide au stationnement, le signalement des angles morts, l’arrêt d’urgence automatique et le cruise control, est déjà très utile ; mais le comportement des conducteurs peut être amélioré également.

Le coût de l’opération de coaching est compensé par la diminution de la consommation de carburant, du nombre de sinistres et de la gravité des accidents.

” Il est certes possible de suivre un coaching intensif, articulé autour d’une formation pratique et de cours sur revêtement glissant, par exemple. Les premiers mois, les conducteurs appliquent ce qu’ils ont appris, avant de retrouver finalement bien vite, pour la plupart, leurs anciennes habitudes “, constate Jan De Strooper. L’homme est, avec son associé Rein Casters, à la tête de DrivOlution, entreprise spécialisée dans l’analyse et l’ajustement du comportement au volant, dont l’assureur Baloise est l’actionnaire principal. L’entreprise louvaniste coache quelque 5.000 automobilistes par an. ” La moitié de nos activités est axée sur les chauffeurs professionnels, l’autre sur le personnel d’entreprises qui disposent d’une flotte de véhicules, résume Jan De Strooper. Nous avons analysé à ce jour plus d’un milliard de kilomètres parcourus. ”

Jusqu’à 8 % d’économie

Les gestionnaires de flotte accordent de plus en plus d’attention à la conduite défensive et économique, constate DrivOlution qui a mis sur le marché un nouveau concept, mélange de soutien de fois où le conducteur monte trop haut dans les tours, freine trop brutalement ou prend trop rapidement un virage. ” Mesurer, c’est savoir : toutes ces données nous aident à coacher le client “, ajoute-t-il.

Le coût de l’opération est compensé par la diminution de la consommation de carburant, du nombre de sinistres et de la gravité des accidents. ” Ce qui, pour les entreprises de transport, représente des sommes considérables, ajoute Jan De Strooper. Pour elles, nous avons même développé des formules no cure no pay. ” Pour les voitures de société, l’amortissement dépend du nombre de kilomètres parcourus. ” Prévoyez un délai de 18 à 24 mois “, estime notre expert. Le prix du diesel a augmenté de plus de 17 % cette année. ” Nous obtenons, au sein des entreprises qui possèdent un parc de véhicules considérable, une diminution de 7 à 8,5 % de la consommation moyenne, calcule-t-il. Sur le plan individuel, le coaching permet un allégement de 4 à 8 % au moins. Soit une économie de 130 euros par an et par carte de carburant environ. ”

JAN DE STROOPER
JAN DE STROOPER “Cette technologie nous permet d’encadrer et de sensibiliser à distance.”© pg

Un nouveau passager

Je décide de me rendre compte de l’utilité du système par moi-même. J’ai obtenu mon permis il y a 30 ans, je parcours quelque 25.000 km par an et d’après l’ordinateur de bord de ma voiture de société, je consomme 6,2 litres de diesel aux 100 km en moyenne. J’installe le jeton dans le port OBD du véhicule et big brother devient mon nouveau passager. Au bout de deux semaines, un rapport intermédiaire arrive dans ma boîte aux lettres électronique. DrivOlution a analysé 90 trajets, ce qui représente 1.200 km parcourus, à une vitesse moyenne de 41 km/h. L’axe Anvers-Bruxelles, très embouteillé, est mon biotope, les chiffres ne mentent pas. Le rapport me félicite pour le temps limité durant lequel le moteur tourne au ralenti – le bon usage du système de démarrage-arrêt automatique semble rentable. Même mon freinage (trop brutal à deux reprises seulement en 15 jours) me vaut un compliment : ” Bon résultat, continuez comme ça ! “.

Mes accélérations, en revanche, sont trop violentes à raison de 15 fois par jour en moyenne – vous pouvez mieux faire, dosez, me dit le rapport. Je dois davantage contrôler la montée dans les tours et changer plus rapidement de vitesse. Peut-être devrais-je obéir plus souvent aux instructions que me donne le tableau de bord à ce sujet… A améliorer également : le respect des limitations de vitesse, tout particulièrement en zone 50, et la vitesse dans les virages.

Après un mois de conduite sous contrôle, j’ai rendez-vous sur Skype avec Koen Verbraecken, mon coach. Il passe en revue les résultats les plus récents et me recommande notamment d’utiliser le limiteur de vitesse, y compris en zone 50. ” Augmentez votre distance de sécurité, pour pouvoir davantage anticiper, me conseille-t-il. Il ne s’agit pas de se prendre pour un conducteur du dimanche, mais d’obtenir une meilleure vue d’ensemble. ” Au terme d’une conversation d’une demi-heure, il m’adresse un courriel récapitulatif : ” Démarrez plus calmement, suivez l’indicateur de changement de vitesse et augmentez la distance avec le véhicule qui vous précède, pour mieux évaluer ce qui se passe devant vous ; votre style de conduite y gagnera en fluidité ” sont ses conclusions.

Deux semaines plus tard m’arrive le rapport final, basé sur 218 trajets, soit près de 3.000 km. D’après l’ordinateur de bord, ma consommation n’est plus que de 6,1 litres en moyenne aux 100 km ; la différence n’est pas énorme, mais les choses évoluent dans le bon sens. D’après le document, une utilisation plus intensive du système start-stop m’a permis de faire passer de 7 à 6 % le temps durant lequel le moteur tourne au ralenti. ” Bon résultat. ” Je tire moins dans les tours – ” d’une part, en roulant moins vite, d’autre part, en suivant l’indicateur de changement de vitesse “. Je roule donc moins vite, même si les zones 50 restent problématiques. Ma manière de freiner reste bonne, ce qui, commente le coach, signifie que je vois tout ce qu’il y a à voir. Ma vitesse dans les virages, en revanche, laisse toujours à désirer. Le document me recommande de continuer à suivre les conseils reçus par Skype.

Casse-cous et fous de vitesse

Tout cela est bien beau, mais le jeton n’est-il pas incompatible avec le respect de la vie privée ? ” Tout commence par une bonne communication. Les données ne sont enregistrées et traitées que pour pouvoir pratiquer le coaching individuel, après quoi elles sont détruites “, m’assure Jan De Strooper. C’est inévitable : ” Si je veux pouvoir commenter à bon escient votre style de conduite, je dois analyser votre comportement au volant. Et pour cela, j’ai besoin d’une masse de données “, précise-t-il.

Jan De Strooper est certain que le concept, facilement accessible, intéressera les entreprises. ” Cette technologie nous permet d’encadrer et de sensibiliser à distance, indique l’expert. Nous l’avons testée auprès de plusieurs sociétés. Le programme peut être utilisé pour coacher les casse-cous, les grands consommateurs de carburant et les fous de vitesse. Une entreprise impose déjà son utilisation à toutes ses nouvelles recrues, une autre la propose à titre facultatif. Les clients sont entièrement libres de choisir. ”

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