Plainte contre Ryanair: un coup dans l’eau?

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La plainte des compagnies aériennes belges contre Ryanair, pour concurrence déloyale, constitue un changement de stratégies pour Brussels Airlines. Son président considérait en 2012 que Ryanair était conforme au droit. Mais la situation aurait changé depuis lors…

L’arrivée de Ryanair -et son succès- indisposent fort les compagnies aériennes belges réunies au sein de l’association BATA (1). Cette dernière a ouvert en février une procédure devant le tribunal de commerce de Bruxelles, annoncée par notre confrère La Libre. Pour concurrence déloyale, au motif que Ryanair emploie du personnel sous contrat irlandais au départ de Zaventem.

Il s’agit en fait d’un virage à 180°. Ryanair est actif depuis plus de dix ans en Belgique au départ de Charleroi. Brussels Airlines s’était désolé de souffrir d’une condition concurrentielle défavorable, en raison d’un coût salarial supérieur des contrats belges par rapport à ceux de ses concurrents, principalement Ryanair. La compagnie belge a demandé en 2012 au gouvernement (et obtenu) une aide compensatoire, dont bénéficie en fait toutes les compagnies du pays, sous la forme d’une réduction des frais de sécurité facturés par l’aéroport, couverte par un subside. Elle a ainsi comptabilisé environ 15 millions d’euros d’avantages pour 2013.

Etienne Davignon en 2012 : “Ryanair n’est en rien en faute” Interrogé par Trends-Tendances en avril 2012, le président de Brussels Airlines, Etienne Davignon, estimait que Ryanair n’était pas dans l’illégalité pour ses contrats d’emploi. Il répondait à la critique des syndicats qui reprochaient à Brussels Airlines de ne pas tenter de procédure pour que Ryanair emploie du personnel sous contrat belge.

“C’est gentil de leur part de le dire, mais Ryanair n’est en rien en faute” avait répondu Etienne Davignon. “La compagnie fait ce qu’elle est autorisée à faire jusqu’en 2020. Le secteur aérien bénéficie d’une autorisation qui permet de domicilier le personnel navigant hors du pays où il a une base, en termes de cotisations sociales et de fiscalité. Mais cela s’arrêtera pour les cotisations en 2020, et les nouveaux engagés devront respecter la règle générale dès l’adoption de la mesure.” La situation a-t-elle changé depuis 2012 ? C’est l’argument avancé par Brussels Airlines. Depuis lors il est apparu que Ryanair emploie des agences ou des pilotes qui ont leur propre société. Ce dispositif est au coeur de l’argumentation pour démontrer la concurrence déloyale.

La conséquence d’une plainte à la Commission ? Visiblement, Brussels Airlines a changé d’avis. Qu’est-ce qui a changé depuis 2012 ? Ryanair est arrivé à Zaventem en février dernier, mettant un peu plus la pression sur la compagnie. La compagnie irlandaise est manifestement l’une des deux sociétés qui a contesté l’aide aux compagnies aériennes belges auprès de la Commission européenne. Cette dernière examine le dossier mais n’a pas encore ouvert une enquête formelle.

L’aide contestée est en principe ouverte à toutes les compagnies à condition qu’elles aient compté au moins 400.000 passagers à Brussels Airport en 2012. Ce qui, de facto, limite l’aide à Brussels Airlines, JetairFly et Thomas Cook, trois compagnies membres de l’association BATA. Même si Ryanair dépasse les 400.000 passagers en 2014, elle ne pourra pas bénéficier de cette aide. Pour certains observateurs du secteurs, cette mesure pouvait être remise en cause par la Commission.

Question préjudicielle ? Les chances de succès de la plainte ? Le tribunal de commerce pourrait poser une question préjudicielle à la cour européenne de justice, qui devrait faire la même réponse qu’Etienne Davignon. En novembre dernier, le tribunal du travail de Charleroi avait examiné la plainte de six hôtesses de Ryanair, qui réclamaient l’application du droit belge. Le tribunal s’était déclaré incompétent, estimant la prépondérance de l’activité en Belgique non démontrée.

A moins que le dossier des agences et des pilotes indépendants puisse peser dans la balance… Ce dossier va prendre du temps. Le tribunal ne devrait pas se prononcer avant la fin de l’été.

Robert van Apeldoorn

(1) BATA (Belgian Air Transport Association) compte parmi ses membres Brussels Airlines, TUI Airlines Belgique (JetairFly), Thomas Cook Airlines Belgium, DHL, TNT Airways et CityJet.

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