Pieter Timmermans (FEB) : la Belgique est un iceberg

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“Peu importe la couleur du chat. L’essentiel est qu’il attrape la souris”. Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, ne veut pas se prononcer, tout au moins publiquement, sur la coalition gouvernementale qui aurait sa préférence après les élections du 25 mai.

Toutefois, et c’est une première, la Fédération des entreprises de Belgique publie à la veille du scrutin une étude sur la position des divers partis sur les points essentiels pour les patrons du pays. Des sources de tension

Geert Van Cronenburg, l’économiste en chef de la FEB, dresse d’abord un portrait en demi-teinte de notre économie. A première vue, elle ne s’en sort pas trop mal, avec un niveau du PIB qui est désormais plus élevé qu’avant la crise et un niveau quasi stable de l’emploi.

“Mais, ajoute Pieter Timmermans, à l’image d’un iceberg, il y a une partie de notre économie qui est immergée, qui est bien plus importante que la partie visible et qui présente un aspect moins avenant. Ces tensions s’expriment par exemple dans le déficit chronique de notre balance commerciale depuis six ans, dans l’incapacité de l’industrie à retrouver sa part de valeur ajoutée d’avant crise, dans l’emploi dans le secteur marchand (la plupart des emplois créés ces dernières années l’ont été dans le secteur non marchand)”. “Ce n’est pas tenable à terme”, juge Geert Vancronenburg.

Signe inquiétant aussi : le faible taux d’emploi des gens peu qualifiés. Or, ces tensions économiques et sociales risquent de provoquer une rupture en raison des “méga trends”, des tendances fortes, qui se font jour : la globalisation, la rapidité des changements (“qui aurait dit voici dix ans que Nokia ou Blackberry lutteraient pour leur survie”, demande Pieter Timmermans) et les enjeux du vieillissement (la Suède a réformé son système de pension en … 1997, souligne le patron de la FEB).

Norme énergétique Ces réformes que la FEB appelle de ses voeux doivent se situer dans trois champs : la compétitivité, les compétences des gens et l’efficacité des pouvoir publics. Pieter Timmermans rappelle que l’heure de travail coûte 38 euros chez nous contre 32,6 euros en moyenne chez nos voisins.

Outre le salaire, la hauteur de la facture électrique est également un problème (les clients professionnels paient plus cher leur électricité en Belgique qu’au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France…). La FEB plaide donc pour l’instauration d’une norme des prix énergétiques à l’image de ce qui existe au niveau des salaires.

Il y a aussi l’impôt des sociétés, qui rapporte plus (ses recettes sont équivalentes à plus de 3% du PIB) chez nous que dans les grands pays voisins. ” Maintenir les taux notionnels ne créerait donc pas de trou budgétaire”, juge Pieter Timmermans.

Sur le plan des compétence, la FEB se réjouit du bon niveau général de l’enseignement mais ce “capital humain” potentiel est écorné par une certaine inadéquation des formations avec le marché du travail, par l’érosion au fil du temps de ces qualifications, par les départs à la prépension et le faible taux d’activité. Et puis, il y a aussi l’efficacité des pouvoirs publics. Pieter Timmermans souligne le fait que nous sommes parmi les pays qui ont le taux de dépenses publiques le plus élevé (54% du PIB), et que ces dépenses sont surtout des dépenses courantes et pas des dépenses d’investissement. En outre, la Belgique ne brille pas, ajoute la FEB, par la qualité ni de ses services publics, ni de sa sa réglementation, ni de la mise en oeuvre de celle-ci. Bref, il y a du pain sur la planche.

Un consensus politique : baisser les charges La FEB a donc évalué les programmes électoraux sur base des éléments qui précèdent. Elle a noté qu’il existe un quasi consensus sur le fait qu’il faut baisser les charges du travail. Mais comment ? La NVA plaide pour une diminution linéaire des charges, d’autres (PS, sp.a, cdh, Groen. ..) pour une baisse ciblant des catégories spécifiques (les jeunes, les seniors, les moins qualifiés, …).

On observe aussi des clivages communautaires. Sur l’idée d’instaurer une norme énergétique, trois grands partis flamands sont pour (CD&V, Open VLD, NVA). Les partis francophones n’expriment pas d’idée claire. Idem pour ce qui touche à l’évolution des salaires en fonction de l’ancienneté. Tous les partis flamands (Groen, NVA, Open VLD, CD&V, sp.a) veulent changer ou adapter de cette règle. Les partis francophones, eux, ne se prononcent pas. Idem encore pour les intérêts notionnels : sp.a, Open VLD et CD&V sont pour le maintien. Les autres sont pour une modification substantielle (Groen, MR) ou leur suppression (PS, Cdh, Ecolo et… NVA, mais la NVA veut en profiter pour abaisser le taux d’Isoc à 25%).

Des gouvernements, vite Pour la FEB, il y a urgence à agir : il faut rapidement former les gouvernements, tant à l’échelon fédéral que régional, souligne Pieter Timmermans. Le politique doit prendre conscience de ces “méga tendances” qui redessinent notre économie. Il doit avoir le courage de ne plus agir par des mesures temporaires et de court terme, mais il doit au contraire mettre en place des mesures structurelles, seules à même de faire baisser les tensions. “Cela réclame un leadership, pour effectuer des réformes courageuses pendant les deux premières années de la législature qui produiront leurs effets pendant les trois années suivantes”.

Le 26 mai sera une date importante dans l’histoire du pays, ajoute le patron de la FEB qui conclut à l’adresse du monde politique: “n’attendez pas un miracle. Faites en un”.

Pierre-Henri Thomas

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