Photovoltaïque: une claque pour certains, une aubaine pour d’autres

© EPA

En Région wallonne, la suppression du mécanisme des certificats verts octroyés au secteur photovoltaïque particulier pourrait être décidée dans les prochains jours à Namur. Paradoxalement, certains acteurs wallons du photovoltaïque pourraient tirer profit de cette ordonnance.

On le sait : le photovoltaïque a péché par excès en Flandre, mais surtout en Wallonie où les aides ont atteint des records avec le plan Solwatt engagé dès l’automne 2007 par André Antoine, alors ministre wallon du Logement. Le déploiement de cette technologie verte s’est souvent fait en dépit du bon sens, occasionnant çà et là de méchants coups de poing visuels, multipliant les cas de non-respect des règles élémentaires à respecter pour l’installation de ce genre d’équipement. Le mécanisme coûterait aussi trop cher aux entreprises (dixit l’Union wallonne des entreprises) et il ne profiterait qu’aux propriétaires nantis qui ont les moyens d’investir dans cette technologie (dixit le PS).

L’explosion photovoltaïque pose aussi la question plus cruciale des certificats verts. Avec l’engouement du public pour ce qui est devenu un des placements financiers les plus intéressants du moment, ces certificats mis sur le marché se sont accumulés. Aujourd’hui, une bulle s’est formée grosse de près de 8 millions de certificats qui ne trouvent pas preneurs. L’annonce de la remise à plat du mécanisme sonne donc comme l’hallali pour le secteur.

Le choix de la valeur ajoutée Quelques acteurs semblent mieux positionnés que d’autres pour passer ce cap. Certains pourraient même trouver du bon dans l’arrêt du soutien au photovoltaïque particulier. Cette position, c’est celle de Laurent Quittre, patron de la société Issol. Pas aussi connue du grand public qu’un Green Energy 4 Seasons mais impliquée dans des chantiers remarquables par leur qualité ou leur ampleur, cette PME d’une cinquantaine de personnes fait figure d’exception dans le paysage wallon. D’abord, elle a choisi de travailler exclusivement avec des fournisseurs européens — et même belges — avec Photovoltech, basée à Tirlemont, et Solland, basée à Heerlen, aux Pays-Bas. Ensuite, c’est à l’exportation que l’entreprise a commencé à s’illustrer au contraire des autres qui ont tout misé sur le marché belge. Enfin, Issol a fait le pari osé d’une activité industrielle localisée en Belgique.

“Avec le parti que nous avons pris de produire nous-mêmes, nous avons tablé sur une approche qualitative, en misant d’une part sur l’intégration architecturale et d’autre part sur la production locale, belge et européenne (…). Tout le monde tombe des nues lorsque j’explique que des panneaux solaires sont fabriqués en Europe et même en Belgique et pourtant, c’est vrai”, explique Laurent Quittre, lui-même très remonté lorsqu’on le questionne sur les panneaux chinois. A l’entendre, ceux-ci seraient souvent de très mauvaise qualité et d’ailleurs n’offrent aucune garantie sur le long terme. Le directeur d’Issol se réjouit de l’arrêt des aides gonflées octroyées par la Région wallonne, qui ne lui apportent pas d’avantage concurrentiel, et applaudit la lutte contre les pratiques de dumping engagée par l’Europe à l’encontre des fournisseurs chinois. “C’est une très bonne chose, car qui sera là pour assurer le service après-vente dans 10 ou 15 ans ?” D’un point de vue urbanistique, Laurent Quittre a surtout fait un pari technique ; celui de l’intégration du photovoltaïque dans l’architecture. “Avec Issol, le photovoltaïque n’est plus seulement un outil de production d’électricité mais un élément qui cumule les fonctions de couverture et d’isolation contre l’ensoleillement. Il fait partie de la réponse globale qu’il convient d’apporter à toute nouvelle construction soucieuse de son impact sur l’environnement, dans le droit fil des objectifs de bâtiments à zéro énergie dont nous parle de plus en plus l’Europe. Voilà pourquoi, en plus de l’expertise photovoltaïque, on trouve une réelle expertise dans le domaine des matériaux à accumulation et dans les constructions capables d’endosser une certification Validéo”, poursuit Laurent Quittre, qui travaille avec des architectes connus comme Philippe Samyn — avec lequel il a recouvert l’Euro Space Center de Redu d’une très réussie enveloppe photovoltaïque. Même pari réussi à Perpignan où Issol s’est investie dans le chantier de la gare de Perpignan. Une référence prestigieuse qu’Issol aura l’occasion de rééditer sur nos terres avec l’architecte espagnol Calatrava, chargé du projet de la nouvelle gare de Mons. La disparition des aides ? Laurent Quittre s’en moque. “Elles ont plus aidé des entreprises opportunistes que les sociétés qui avaient la volonté de bien faire les choses.”

Et de la diversification

Ce cap de la continuité, c’est aussi celui que suit la société néo-louvaniste SunSwitch. Jérôme Kervyn de Meerendré, cofondateur et managing partner, se sent peu concerné par la question de la bulle formée autour des certificats verts. En effet, via la structure Greenwatch qui s’est attachée à développer une activité de trading, SunSwitch a réussi à trouver d’emblée preneurs pour les certificats verts générés par ses installations photovoltaïques. En outre, en s’engageant dans le projet de recherche Premasol, SunSwitch a montré sa volonté de poursuivre sur la voie de la valeur ajoutée. “Il s’agit de continuer à apporter des solutions de qualité à la clientèle résidentielle, de lui permettre de voir que son système fonctionne bien et de s’assurer que le réseau absorbe bien le courant produit”, souligne Jérôme Kervyn de Meerendré.

Une approche qualitative que SunSwitch a d’ailleurs l’occasion de proposer de plus en plus souvent aux entreprises. Après son contrat chez Pfizer à Louvain-la-Neuve, et après des installations réalisées pour Mestdagh, UCB ou Cora, c’est sur les toits d’une quinzaine de points de vente Match que SunSwitch va pouvoir déployer tout son art en partenariat avec Enelia, jeune tiers-investisseur de qualité cornaqué entre autre par Christophe Guisset et Roland de Schaetzen qui bénéficient d’un crédit certain dans le monde du financement et du durable, le premier ayant été CEO et co-fondateur de Bams/ Be Angels, et le second ayant assumé des fonctions au sein du WWF Belgique, d’Aves, de Natagora, de BirdLife et de la Fédération IEW.

En outre, conformément à sa politique de croissance par activation de leviers successifs, SunSwitch va utiliser sa vaste base de clients pour compléter les installations photovoltaïques déjà réalisées chez des particuliers avec des technologies performantes complémentaires. Lesquelles ? “Nous pensons aux pompes à chaleur. Des contacts ont été pris avec plusieurs fournisseurs sérieux comme le français CIAT, Mitsubishi ou encore Viessmann. La commercialisation devrait commencer en douceur avec une proposition faite à une centaine de clients existants avant d’élargir l’offre à l’ensemble du marché”. A terme, la volonté affichée par SunSwitch est de profiter de l’expertise acquise sur le monitoring du photovoltaïque pour suivre en temps réel le fonctionnement des pompes à chaleur de ses clients. “Un panneau photovoltaïque qui s’arrête de produire, ce n’est pas une catastrophe. Mais avec une pompe à chaleur, vous devez pouvoir intervenir tout de suite. Sans chauffage et sans eau chaude, le client s’attend en effet à nous voir intervenir sur-le-champ.” Vite. Et bien…

JOHAN DEBIÈRE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content