Peut-on interdire le port du voile en entreprise ?

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La commission de l’Intérieur de la Chambre a adopté la proposition de loi visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage. Un employeur a-t-il le droit d’interdire le port du voile et de vêtements ou signes religieux ? La réponse de Christophe Delmarcelle, avocat chez Bird & Bird.

Il faut tout d’abord rappeler qu’une loi de 2007 interdit toute discrimination directe fondée sur les croyances religieuses, y compris au travail. A moins, précise la loi, que la distinction ne soit justifiée par des exigences professionnelles essentielles et déterminantes.

Dès lors, si l’employeur interdit le port de certains vêtements en raison de dangers liés à ceux-ci compte tenu de la fonction ou de l’environnement de travail (travail à la chaîne, dans un lieu où les températures sont élevées, avec des équipements spécifiques tels qu’un casque de soudeur, etc.), il n’y aura pas de discrimination et une telle interdiction ne sera pas illicite.

Le fait qu’un uniforme soit imposé, comportant le cas échéant un couvre-chef, pour des raisons d’hygiène (cuisine, laboratoire, etc.) ou de sécurité (vêtements spéciaux ignifugés, anti-électricité statique, etc.), constituera aussi une justification valable pour une telle interdiction.

Si le port de l’uniforme n’est requis que pour des raisons de présentation (hôtesses de l’air, commis d’hôtel, etc.), la question devient plus délicate. Lorsque l’objectif d’un tel uniforme est d’assurer une certaine neutralité par rapport aux clients, cela pourra constituer une raison valable d’interdire tout type de vêtements ou signes religieux, à condition toutefois que cette interdiction/obligation soit bien générale et valable sans distinction de religion, qu’elle soit limitée aux seuls travailleurs en contact direct avec les clients et qu’elle puisse être justifiée par des considérations d’image de marque ou de service. C’est dans ce sens que la cour du travail de Bruxelles se prononçait en janvier 2008 dans une affaire impliquant un travailleur de Club.

Mais, attention, la Cour européenne de justice a rappelé dans le cadre de l’affaire Feryn que les souhaits et désirs de la clientèle ne peuvent en aucun cas constituer une justification suffisante. On évitera donc certainement des interdictions spécifiques au prétexte que la clientèle pourrait être choquée par tel ou tel signe religieux.

Enfin, notons qu’une telle interdiction sera néanmoins considérée comme valable lorsqu’elle résulte directement d’un objectif de neutralité ancré dans la loi pour des fonctionnaires ou des services publics (dans l’enseignement, par exemple).

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