Peugeot et Citroën deviennent (un peu) chinois

Troisième usine Dongfeng PSA Peugeot Citroen à Wuhan, province d'Hubei, 2013 © Reuters

Le groupe français PSA Peugeot Citroën a accepté l’entrée de Dongfeng et de l’Etat français dans son capital. L’opération est destinée à renflouer les finances en pertes du constructeur. Au passage, la famille Peugeot perd sa position de premier actionnaire.

La famille Peugeot, divisée, a fini par accepter d’ouvrir le capital du groupe PSA Peugeot Citroën et de perdre au passage sa position dominante. Un protocole d’accord a été signé à Paris le mardi 18 février. C’est le prix à payer pour assurer le futur du constructeur français, qui a vendu l’an dernier 2,819 millions de véhicules. Il a beaucoup souffert de la crise et affiche des pertes de 2,3 milliards d’euros en 2013 (-5 milliards en 2012). L’an dernier, ses ventes ont reculé de 2,4% (-4,8% rien que pour l’activité automobile).

Le constructeur chinois Dongfeng et l’Etat français investiront chacun 800 millions d’euros à travers deux augmentations de capital afin de lever 3 milliards d’euros. Ces deux actionnaires détiendront chacun 14% du capital, ils seront ainsi au même niveau que la famille Peugeot. Cette dernière va perdre au passage le double droit de vote qui lui permettait, jusqu’ici, de peser 38% des votes en détenant 25% des parts.

Les raisons des soucis de PSA Peugeot Citroën C’est une étape de plus dans un long cheminement. PSA Peugeot Citroën se débat depuis plusieurs années dans les difficultés. Il a enchainé des plans d’économies, des ventes d’actifs, la fermeture d’une usine (Aulnay, près de Paris), mais a vu ses soucis aggravés par la crise européenne des pays du Sud, où PSA est fort présent. Il n’a pas eu l’habileté de Renault, qui a davantage délocalisé sa production dans des pays à bas coût, et a même développé une marque low cost fort rentable, Dacia, produite en Roumanie et au Maroc. La stratégie de PSA de monter en gamme, avec le développement de la gamme DS (chez Citroën), n’a pas permis de compenser ces faiblesses.

L’opération va créer une situation nouvelle, une gouvernance à trois têtes, entre la famille Peugeot et les nouveaux actionnaires, Dongfeng et l’Etat français. La famille Peugeot était parvenue à conserver le premier rôle dans le groupe. Elle a habilement développé les activités à travers des accords ciblés, des joint-ventures, en construisant des camionnettes et des monospaces avec Fiat, des moteurs en commun avec BMW. La formule permettait au groupe de conserver son caractère familial. Mais cela n’a pas suffi. La famille n’a pas souhaité jouer les leaders de l’augmentation de capital. Ce sera donc un contrôle à trois qui sera exercé. Chacun a pris l’engagement de ne pas chercher à gonfler sa participation sur une période de dix ans.

L’opération se fera en deux temps : une augmentation de capital réservée, où Dongfeng et l’Etat français investiront chacun 550 millions d’euros, et une augmentation de capital ouverte au marché, où les deux nouveaux actionnaires compléteront leur participation.

Dongfeng est bien connu de PSA Dongfeng n’est pas un inconnu pour PSA Peugeot Citroën. Ce constructeur était déjà partenaire du groupe pour le marché chinois, à travers une joint-venture basée à Wuhan (Hubei), et 3 usines. Son arrivée dans le capital vise à aider le groupe français à augmenter ses ventes en Asie. La Chine représente déjà 20% des ventes de PSA.

Le protocole d’accord devra être transformé en accord final le 26 mars prochain. D’ici là il pourrait rencontrer quelques obstacles, car la famille Peugeot n’est pas unanime sur le deal. Le président du conseil de surveillance, Thierry Peugeot, y est opposé. Si l’opération n’est pas bloquée, les trois grands actionnaires détiendront chacun 2 sièges au conseil d’administration, soit 6 au total, à côté de 6 administrateurs indépendants. Il reste à trouver un président…

Bientôt une usine low cost ? Ensuite, il restera au futur nouveau patron du groupe, Carlos Tavares (ex-Renault), le soin de diriger la compagnie dans ce nouveau contexte, avec trois actionnaires à égalité. Il devra redresser l’entreprise. Et, sans doute, concrétiser un projet d’usine dans un pays à bas coût, en Europe orientale ou au Nord de l’Afrique. Carlos Tavares remplacera l’actuel patron du groupe, Philippe Varin, le 31 mars prochain.

L’Etat français est intervenu pour montrer son implication dans un secteur industriel essentiel pour le pays, et aussi freiner des velléités de nouvelles fermetures d’usine, comme l’a précisé le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, par ailleurs élu du Doubs, département où PSA est fortement présent.

Robert van Apeldoorn

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