Nouveaux tests de consommation et d’émissions: l’épreuve de vérité pour la voiture

Au salon de l'Auto Les chiffres affichés pour les émissions de gaz seront revus à hausse... mais pas tout de suite. © BELGAIMAGE

A partir de septembre, les constructeurs automobiles seront obligés de publier les émissions des nouveaux modèles sur la base d’un test plus proche des conditions de conduite réelles. C’est une excellente nouvelle, mais quel en sera l’impact fiscal ?

C’est entendu : les mesures d’émissions et de consommation des voitures sont dépassées, elles ne correspondent pas à la réalité. Aucun automobiliste, aussi doué soit-il, ne peut reproduire aujourd’hui les chiffres de consommation très optimistes cités dans les brochures des constructeurs. La situation va s’améliorer à partir de septembre : une nouvelle norme appelée WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure) devra être utilisée pour les nouveaux modèles qui sortiront dans toute l’Union européenne. ” Ces modèles devraient, en moyenne, afficher une consommation et des émissions de CO2 environ 20 % supérieures au test utilisé jusqu’ici “, avance Guido Savi, directeur du consultant automobile HBC Group. Ainsi, une voiture qui annonce une émission moyenne de 100 grammes de CO2 par kilomètre passera environ à 120 grammes.

Des normes contraignantes

Ce changement est plus que bienvenu. Même les constructeurs reconnaissent que le test en vigueur jusqu’ici, appelé NEDC (New European Driving Cycle), est obsolète. ” L’ancien test permettait de faire les mesures en coupant l’air conditionné ou en enlevant un rétroviseur, explique Joost Kaesemans, porte-parole de la Febiac. On pouvait préparer la voiture. Maintenant ce n’est plus acceptable. Ce nouveau test donnera des résultats plus proches de ce que réalise un modèle de série. ”

Le test WLTP se déroulera en laboratoire et sera complété par un test sur route. Il remplacera progressivement le test NEDC pour vérifier les limites imposées par l’Union aux émissions des automobiles (lire l’encadré ” Plafonds européens “). C’est l’arrivée de plafonds pour les émissions des véhicules qui a poussé les constructeurs à optimiser de plus en plus les mesures d’émissions. Depuis une quinzaine d’années, ils sont devenus des normes contraignantes pour l’industrie automobile, avec des risques d’amende pour les dépassements du plafond du CO2 (130 g/km pour la moyenne de la gamme). Face à ce risque, les constructeurs ont utilisé toutes les ficelles licites pour améliorer les résultats des mesures NEDC. Et l’écart entre les voitures testées et celles sur les routes s’est creusé. ” Ils ont développé un gap entre les performances produites par les tests et celles d’un usage dans le monde réel qui était de 8 % en 2001 et de 40 % actuellement “, a écrit l’ONG bruxelloise Transport & Environnement. La crise du dieselgate, en 2015, a contribué à mettre le sujet sous les feux des projecteurs des médias.

Opel devance l’échéance

Dans ce climat de méfiance, l’arrivée du test WLTP en Europe, décidée avant le dieselgate, est vue positivement par l’industrie automobile. Il va apporter des chiffres de consommation plus proches de ceux d’un usage réel. Certains constructeurs devancent même l’échéance. Ainsi, Opel publie sur son site les valeurs de consommation sur la base de la nouvelle norme, en alignant celle de l’ancienne. Une Opel Astra CDTI de 110 cv consomme 4,2/5,4 litres au 100 km pour le test aux normes WLTP, contre 3,3/3,4 litres pour l’ancienne norme NEDC, soit un écart de 1 à 2 litres.

Le changement n’aura pas lieu du jour au lendemain. Une période de transition de deux ans est prévue. En septembre, seuls les tout nouveaux modèles seront concernés, ceux nécessitant une nouvelle homologation. Ils passeront le test WLTC et seront commercialisés parmi d’autres modèles lancés avant septembre, qui n’auront été mesurés qu’aux normes NEDC. Le test WLTP sera imposé à toutes les voitures neuves à partir de septembre 2018, à l’exception de certains modèles de fin de série, jusqu’en août 2019. Ensuite, il n’y aura plus d’exception.

Le changement n’apparaîtra donc pas tout de suite. Et cela augure une certaine confusion dans le chef des acheteurs. Au Salon de l’Auto de janvier, ceux-ci pourraient voir des véhicules dont certains, homologués depuis septembre 2017, auront été mesurés selon les normes WLTP, et d’autres, mesurés selon l’ancienne norme NEDC. Les chiffres ne seront pas comparables. ” Pour éviter cette situation, une nouvelle réglementation – qui doit encore être adoptée – devrait imposer que les chiffres affichés pendant la période de transition soient ceux obtenus selon l’ancien test “, avance Joost Kaesemans. Il en sera ainsi au prochain Salon de l’Auto. Le certification de conformité, lui, indiquera les données pour les deux protocoles de mesure.

L’impact fiscal

Durant la période de transition, la Commission européenne a recommandé, pour les modèles qui seront mesurés selon le nouveau protocole, de calculer également les émissions et consommation selon l’ancien test afin de disposer d’un point de comparaison. Un module de calcul a été mis au point pour faciliter cette conversion. Cette situation transitoire embarrasse la Febiac : ” Je crains que cela soit négatif pour le secteur automobile que l’on va accuser de gagner du temps et de ralentir l’arrivée de la nouvelle norme “, regrette Joost Kaesemans.

Deuxième souci : la fiscalité automobile. Elle est de plus en plus calculée en fonction du niveau d’émissions de CO2. C’est le cas en Flandre pour la taxe de circulation et de mise en circulation, et dans une moindre mesure en Wallonie, avec l’eco-malus.

L’ancien test permettait de faire les mesures en coupant l’air conditionné ou en enlevant un rétroviseur. On pouvait préparer la voiture. Maintenant ce n’est plus acceptable.” Joost Kaesemans, porte-parole de la Febiac.

Le calcul de l’avantage en nature des voitures de société tient également compte des émissions de CO2. Si un nouveau modèle est mesuré selon la norme WLTP, il devrait donc afficher un niveau de CO2 supérieur à ce qu’il aurait obtenu avec le test NEDC. En toute logique, il devra donc être davantage pénalisé. Cela posera un sérieux problème dans la période de transition, pendant laquelle les véhicules homologués avant septembre seront avantagés fiscalement. Joost Kaesemans, qui se base sur les discussions entre la Febiac et les autorités, se veut cependant rassurant : ” Durant la période de transition, le calcul devrait continuer sur la base des tests NEDC ; c’est en tout cas ce que recommande la Commission. ”

C’est la logique suivie par la Région wallonne pour l’eco-malus. ” La déclaration de politique régionale prévoit une réforme des taxes automobiles à moyen terme, explique Pierre-Laurent Fassin, porte-parole du cabinet du ministre du Budget, Jean-Luc Crucke. L’objectif sera donc d’intégrer ces nouvelles données d’émission de CO2 dans la refonte du système, et donc a priori à partir de 2019. ”

Le souci est général en Europe. Ainsi, l’Allemagne a pris l’option de prendre les nouveaux tests WLTP comme base fiscale à partir de septembre 2018. Et la Grande-Bretagne devrait faire le même changement à partir de janvier 2019.

En Belgique, les choses sont plus compliquées car la fiscalité automobile dépend à la fois des Régions et du fédéral. La Febiac espère que les différents niveaux de pouvoir adopteront un calendrier commun, en maintenant une fiscalité basée sur l’ancienne norme NEDC jusqu’en 2019. Et qu’ensuite, les grilles de taxation soient réménagées. Si ces grilles ne changent pas, la fiscalité liée au CO2 devrait entraîner une hausse des montants réclamés. La Febiac souhaite obtenir une neutralisation de l’effet WLTP.

Nouveaux tests de consommation et d'émissions: l'épreuve de vérité pour la voiture

Des chiffres différents selon l’équipement de la voiture

Sur le plan pratique, la norme WLTP va entraîner d’autres changements. Elle ne sera plus unique pour chaque modèle mais variera selon l’équipement choisi. Cela change de l’actuelle norme NEDC qui ne tient aucun compte des équipements pouvant augmenter la consommation et les émissions, comme l’air conditionné. ” Selon la norme WLTP, il y aura une marge des émissions et de la consommation ; on dira que tel modèle émet de 104 à 180 g/km selon l’équipement ou des pneus plus ou moins larges “, note Christophe Weerts, porte-parole de BMW Belux.

La nouvelle norme devrait aussi modifier la stratégie de gamme et de motorisation des constructeurs. Les modèles actuels sont optimisés pour le test NDEC. Certains moteurs pourraient moins bien digérer les nouveaux tests. ” C’est le cas des moteurs diesel dont la cylindrée a été abaissée pour obtenir une réduction d’émissions et de consommation, indique Guido Savi. Ils peuvent développer une consommation nettement supérieure dès que l’on quitte le protocole NEDC. En conduite un peu sportive, ils risquent de produire de moins bons résultats avec le nouveau test WLTP. ” De nombreux constructeurs ont sorti des moteurs diesel de 1,4 ou 1,5 l à la place de modèles à 1,9 l et plus. Ces écarts ne touchent pas seulement la consommation et le CO2, mais aussi les émissions nocives comme le NOx (oxyde d’azote). Pour combattre ces dernières, les constructeurs devront recourir plus souvent à un mécanisme utilisant un liquide, l’adblue, pour ” nettoyer ” les gaz d’échappement, ce qui va un peu augmenter le coût. Et accélérer la disparition du diesel dans les petites voitures.

La question des véhicules hybrides

Enfin, il reste une inconnue concernant les véhicules hybrides. ” C’est curieux, mais aucune norme spécifique n’a encore été publiée pour les tests WLTP de ces motorisations “, s’étonnait récemment Joost Kaesemans. Or, ces véhicules bénéficient d’un niveau d’émissions fort bas avec les tests NEDC. En particulier les modèles rechargeables, ce qui les rend fiscalement attractifs.

Les nouveaux tests WLTP ne modifient pas les objectifs imposés aux constructeurs. L’Union européenne attend que le plafond moyen de CO2 dans la gamme d’auto de chaque constructeur descende, en 2021, à 95 g/km, contre 130 g/km actuellement. Cet objectif a été défini sur la base des anciens tests NEDC. ” Actuellement, les discussions portent sur l’après 2021 “, précise Guido Savi. Les futurs objectifs seront définis sur la base des nouvelles normes de mesure WLTP.

Plafonds européens

L’Union européenne impose des plafonds contraignants pour les émissions des véhicules automoteurs. Ils appartiennent à deux catégories :

Norme Euro. Il s’agit de la norme européenne d’émissions, un dispositif en place depuis 1993, pour plafonner les émissions des véhicules automoteurs (auto, motos, camionnettes et camions). La première norme s’appelait Euro 1. Celle en vigueur aujourd’hui est la norme Euro 6 B, qui plafonne les émissions de polluants toxiques (microparticules, etc.). L’Euro 6 b n’accepte que 80 mg de NOx par kilomètre (oxyde d’azote) contre 180 pour la norme Euro 5 (de 2011 à 2009). Avant octobre 2001, l’émission de NOx n’était pas plafonnée.

CO2. L’émission de dioxyde de carbone ne fait pas partie des mesures prises en compte pour la norme Euro. Il ne s’agit pas d’un polluant mais d’un gaz à effet de serre. Il n’y a pas de plafond par véhicule mais une moyenne sur l’ensemble de la gamme d’un constructeur automobile. Depuis 2015, cette moyenne ne peut excéder 130 g/km. Elle passe à 95 g/km à partir de 2021. ll y a un lien direct entre la consommation et l’émission de CO2: un litre de gazole dégage 2.650 g de CO2.

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