Michel Maus concernant les accords fiscaux : ‘Il ne faut pas tenter le diable’

Michel Maus © Belga

Le gouvernement veut que le fisc passe des accords avec les entreprises, par le biais desquels ces dernières s’engagent à remplir leur déclaration fiscale selon les règles. Ces entreprises seraient ensuite moins contrôlées. Le fisc pourra ainsi se concentrer sur les vrais dossiers de fraude. Une bonne initiative, estime le professeur en fiscalité Michel Maus.

Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) désire évoluer d’un modèle fiscal conflictuel vers un modèle de concertation. Il veut passer des accords clairs avec des sociétés. Des accords qui leur offriraient davantage de sécurité juridique et elles seraient moins contrôlées. Une bonne chose ?

MICHEL MAUS: “Assurément. En 2009 déjà, le groupe de travail Fiscalement Correct, dont je suis membre, a proposé au ministre des Finances Koen Geens (CD&V) d’adopter le contrôle fiscal dit horizontal, comme c’est le cas aux Pays-Bas et en France. Cela revient à ce que des entreprises transmettent leur comptabilité de manière entièrement transparente au fisc et remplissent les postes à l’aide de critères prédéterminés, comme les taux d’amortissement, les frais professionnels et autres. Si le fisc ne réagit pas après un court délai, le contribuable a le droit de considérer que son dossier est en ordre, et qu’un contrôleur ne passera pas deux ou trois ans plus tard pour tout revoir à la baisse.

“Plus de transparence en échange de plus de sécurité juridique, voilà le deal. Celui qui ne désire pas opérer dans le cadre de ce système sera dès lors contrôlé prioritairement. Certains médias écrivent que Van Overtveldt viserait la disparition des contrôles, mais cela ne me semble pas l’intention. Il ne faut pas tenter le diable. De temps en temps, un contrôle doit assurément avoir lieu.”

Comment peut-on développer ces critères clairs pour le traitement fiscal ?

MAUS: “De préférence pas société par société, car c’est fastidieux. Ce serait mieux de le faire par le biais d’accords avec les associations professionnelles, parce qu’il y a parfois de grandes différences dans la politique fiscale entre les secteurs. Déjà maintenant, certains secteurs concluent des accords avec le fisc. L’Ordre des Avocats a, par exemple, convenu avec le service public fédéral Finances du pourcentage du chiffre d’affaires qui est considéré comme des frais professionnels. Certains indépendants ont également des frais forfaitaires sur base de leurs achats. Cela met fin à la conservation de nombreuses petites factures et à certaines lourdeurs administratives. Le fisc ne doit également plus contrôler cela en permanence et il peut se concentrer sur les vraies fraudes.”

Les contribuables belges qui seront à peine contrôlés ne seront-ils pas enclins à frauder ?

MAUS. “Celui qui a, par exemple, un chiffre d’affaires en noir et se fait tout de même repérer, devra être sanctionné plus sévèrement. La bonne foi est dans ce cas plus lourdement affectée que pour les entreprises que n’ont pas voulu recourir au contrôle horizontal. Aux Pays-Bas et en France, cela se passe également ainsi. Le civisme fiscal est récompensé dans ce système, mais l’incivisme est traité avec le double de sévérité.”

Pour beaucoup de Belges, le civisme fiscal sera un bouleversement fiscal.

MAUS: “On ne rira plus avec les infractions fiscales pénales. Chez nous, les fraudeurs fiscaux reçoivent très rarement une peine de prison. En Allemagne et aux Etats-Unis, cela se fait bel et bien.”

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