Menace terroriste: les gagnants et les perdants du niveau 4

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La menace terroriste qui plane sur la ville ralentit fortement son activité économique. Certains, pourtant, en tirent profit. Gros plan sur les perdants et les gagnants du niveau 4.

Sale temps pour l’économie bruxelloise. Depuis le 21 novembre, le niveau 4 d’alerte terroriste a été décrété dans la capitale de l’Europe qui ressemble à une ville fantôme prise d’assaut par les militaires. Certes, la vie tente de reprendre tout doucement ses droits, mais le traumatisme vécu le week-end dernier à Bruxelles avec le métro fermé, les rues désertes et les commerces boudés ou aux volets clos a porté un méchant coup à la machine économique, même si certains acteurs ont tiré profit de cette situation exceptionnelle.

Les perdants

L’horeca. C’est le secteur qui a le plus souffert et qui risque encore de souffrir, même si le niveau d’alerte baisse d’un cran dans les semaines à venir. “Nous avons enregistré le week-end dernier un taux d’annulation de 50 à 70 % dans les hôtels, déplore Yvan Roque, président d’Horeca Bruxelles. Et pour les restaurants, nous ne sommes pas loin des 100 % d’annulation ! Tout au plus les restos ont-ils réalisé 10 % de leur chiffre d’affaires habituel, ce qui veut dire plusieurs millions d’euros de perte pour le secteur.” Un coup dur, tant sur le plan moral que financier puisque la mauvaise publicité faite à Bruxelles dans la presse étrangère risque de faire fuir pour les fêtes de fin d’année les touristes et autres amateurs de citytrips. “Voilà pourquoi notre priorité absolue doit être de rassurer la clientèle par rapport à ce qui se dit sur les réseaux sociaux”, ajoute Rodolphe Van Weyenbergh, secrétaire général de Brussels Hotels Association.

Le commerce de détail. Difficile d’évaluer exactement l’impact de la menace terroriste sur le chiffre d’affaires des boutiques et des grands magasins bruxellois. Selon The Retail Factory, une société de conseil en management qui analyse le flux des passants en ville, le trafic piétonnier aurait toutefois chuté de 68 % samedi dernier dans les principales artères commerçantes de Bruxelles, en comparaison avec un samedi “moyen” en 2015, ce qui en dit long sur la désaffection de la clientèle. Pour Peter Vandenberghe, porte-parole de la fédération belge du commerce et des services Comeos, le bilan de cette journée noire est tout simplement “catastrophique”, même s’il se refuse à chiffrer le préjudice. “Après les attentats de Paris, on a déjà mesuré chez nous une baisse de 10 à 15 % du chiffre d’affaires dans les shopping centers, indique-t-il. L’impact de ce niveau 4 sera donc réel, surtout pour le commerce alimentaire où l’achat de denrées périssables ne peut pas être différé, contrairement aux marchandises d’autres commerces. Mais il est encore trop tôt pour l’évaluer avec précision aujourd’hui.” En coulisses, certains experts parlent pourtant déjà de “plusieurs dizaines de millions d’euros de perte”.

Les entreprises. Sale coup aussi pour les entreprises bruxelloises qui ont dû s’adapter à une mobilité réduite de leurs employés due à la fermeture du métro et des écoles en ce début de semaine, ce qui a contraint nombre d’entre eux à garder leurs enfants à domicile. Certes, le télétravail a été vivement encouragé par les grandes sociétés, mais des centaines de travailleurs ont tout simplement été dans l’incapacité de prester leurs heures. “Il est difficile de tirer un bilan chiffré sur l’impact réel des mesures liées à l’application du niveau 4, mais on peut évaluer à quelque 20 % la baisse de présence dans les entreprises lundi et mardi derniers”, estime Olivier Willocx, administrateur délégué de BECI, la Chambre de Commerce et l’Union des Entreprises de Bruxelles. Un dommage qui pourra toutefois être indemnisé puisque les entreprises de la Région bruxelloise peuvent invoquer le chômage temporaire pour force majeure, comme l’a précisé le ministre de l’Emploi et de l’Economie Kris Peeters au début de cette semaine.

Les gagnants

Le gardiennage privé. Les entreprises de sécurité ont enregistré une plus forte demande en agents qu’à l’accoutumée. Le groupe G4S évoque par exemple une augmentation de 10 %. Plusieurs chaînes de supermarchés ont exigé plus de gardiens, postés ostensiblement à l’entrée des magasins, “à la fois pour rassurer les clients et aussi le personnel”, dixit Roel Dekelver, porte-parole de Delhaize.

Les taxis. Ils ont été pris d’assaut. “Samedi, c’était une journée très chaude et nous n’avons pas pu servir tout le monde”, indique Pierre Steenberghen, secrétaire général de GTL, le Groupement national des entreprises de taxis et de location avec chauffeur. “Les centraux ont dû mettre en place un système de priorité”, continue Pierre Steenberghen. En cas de pénurie de taxis, les handicapés ou les personnes se rendant aux urgences sont servis en premier. L’expérience malheureuse d’un journaliste de La Libre Belgique, relatant le refus d’un taximan de le prendre pour une course à moins de 25 euros et fortement répercutée sur les réseaux sociaux, a choqué le secteur. “Les SMS ont circulé entre les chauffeurs qui sont furibards, conclut le secrétaire général de GTL. C’est un cas isolé, un tueur de métier, alors que l’état d’esprit, c’est la solidarité !”

L’e-commerce. L’impact sur le commerce électronique varie selon les interlocuteurs. Pour Carrefour, il est incontestable : “Ce week-end fait partie du Top 3 de l’année pour les réservations en Carrefour Drive”, précise Baptiste van Outryve, porte-parole de Carrefour Belgium. Delhaize, de son côté, n’a pas noté d’impact significatif, les livraisons ayant même été stoppées dans les deux Delhaize bruxellois fermés (Basilix et Westland). Pas d’impact non plus pour Colruyt qui, il est vrai, ne compte que 10 magasins à Bruxelles, pour une centaine dans le pays. En revanche, pour Carine Moitier, managing director de l’association BeCommerce, il y a bien eu une hausse des ventes sur le Net par un effet de “vase communicant vers les magasins virtuels”, affirme-t-elle. Elle ajoute que ce type de situation s’était déjà manifesté dans les périodes de canicule et que “si la crise perdure, cela pourrait avoir un effet marqué sur les achats de Noël”.

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