Media Markt se lance (enfin) dans l’e-commerce

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Avec plusieurs longueurs de retard sur ses concurrents, le leader du marché inaugure son site marchand. Sa stratégie reste cependant centrée sur les magasins physiques. Media Markt annonce même, en exclusivité pour Trends-Tendances, l’ouverture de 10 nouvelles enseignes d’ici 2016 !

Les internautes qui surfaient sur mediamarkt.be se demandaient parfois s’ils avaient tapé la bonne adresse. Outre les informations classiques sur les heures d’ouverture et la localisation des magasins, ils devaient se contenter d’une version PDF du dernier folder tapageur du spécialiste de l’électronique grand public. Même s’il attirait entre 10.000 et 15.000 visiteurs uniques par jour, ce site était “pitoyable”, de l’aveu même du CEO de Media Markt. L’enseigne, qui revendique une position de leader du secteur en Belgique, avec 13 à 14 % de parts de marché, a décidé de réparer cette hérésie. Le 19 juin prochain, l’entreprise détenue par le groupe allemand Metro inaugurera officiellement son site d’e-commerce.

Comme vous le dévoilait Trends-Tendances début mars, ce lancement se prépare en coulisses depuis plusieurs mois. En octobre 2012, Media Markt Belgique a recruté Philippe Depautex, ancien responsable e-commerce pour Sony Europe. Sa tâche : développer une stratégie en ligne pour une chaîne de magasins qui refusait obstinément de se lancer sur Internet. Pourquoi le refusait-elle jusque maintenant ? La croissance était au rendez-vous dans les ventes physiques et le marché belge de l’e-commerce est plus long à la détente que ses homologues européens, expliquent les dirigeants (lire l’encadré ci-dessous).

Objectif : 10 % du CA en ligne

Les objectifs de l’enseigne sont ambitieux. Dans les trois ans, le site marchand doit générer 100 millions d’euros, soit 10 % du chiffre d’affaires prévisionnel en Belgique et au Luxembourg. Pour y arriver, le distributeur compte sur deux sites d’e-commerce. Le premier, www.redcoon.be, est une plateforme internationale développée par le groupe Metro afin de tenter de défier le géant Amazon. Le deuxième et le plus important, www.mediamarkt.be, a une stratégie locale : “L’objectif est de garantir le meilleur prix parmi les acteurs multicanaux en Belgique”, explique Philippe Depautex, directeur e-commerce de Media Markt Belgique.

La stratégie en ligne du distributeur s’inscrit entièrement dans le concept de l’omnichannel (ou omni-canal, un concept selon lequel le consommateur entre en contact avec la marque et ses produits par n’importe quel canal — vendeurs, Internet, bornes… — et peut changer de canal à tout moment dans sa démarche d’achat ; lire aussi Trends- Tendances du 30 mai 2013, p. 44). Le site Internet se veut un complément des ventes physiques, mais il doit aussi contribuer à augmenter la fréquentation des magasins, en attirant les clients qui souhaitent y retirer leur produit “dans les heures qui suivent la commande en ligne”, précise Philippe Depautex. Environ 5.000 produits, les plus demandés, sont actuellement disponibles dans le catalogue numérique. Mais ce chiffre est amené à croître et à dépasser le nombre de références présentes en rayon. La direction planche d’ailleurs sur une intégration de l’offre en ligne dans les boutiques, via des terminaux qui permettront au client de consulter l’entièreté de la gamme de produits.

Un secteur sous pression

Malgré le succès actuel des smartphones et tablettes, tout n’est pas rose dans le secteur de l’électronique. Certains rayons comme celui des téléviseurs, dont les dernières innovations ne séduisent plus les clients, sont en recul. Sur les produits les plus courus, les fabricants comme Apple imposent leur loi et mettent les marges des distributeurs sous pression. “Notre rentabilité globale, qui tourne autour de 2 %, ne progresse pas au même rythme que nos revenus, pointe Sven Degezelle, CEO de Media Markt. La croissance de notre chiffre d’affaires est donc nécessaire pour soutenir la rentabilité de l’entreprise.”

A l’heure où certains distributeurs d’électronique grand public et de biens culturels (Photo Hall, Free Record Shop, Virgin Megastore en France) connaissent de grosses difficultés, Media Markt se positionne de manière plus agressive. A côté de l’offre en ligne, les investissements dans les magasins physiques vont en effet se poursuivre. “Nous voulons consolider notre position, mais aussi nous renforcer, souligne Sven Degezelle. D’ici 2016, nous estimons que 20 % du chiffre d’affaires du marché de l’électronique se fera en ligne. Nous voulons donc notre part du gâteau de l’e-commerce. Mais le marché physique, avec 80 % des revenus, restera le plus important.”

Après 17 ouvertures en 10 ans de présence sur le sol belge, l’entreprise compte investir 30 millions d’euros pour ouvrir 10 nouveaux magasins dans les trois ans. A commencer par Malines, Turnhout et Tournai. “Nous regardons attentivement Namur, Wavre, La Louvière et Alost”, précise le CEO. Si l’entreprise respecte sa feuille de route, elle pourrait créer 500 à 600 emplois.

“Nous n’arrivons pas trop tard” Sven Degezelle, CEO de Media Markt Belgique, et Philippe Depautex, directeur e-commerce, expliquent comment le magasin en ligne doit contribuer au succès des magasins physiques.

TRENDS-TENDANCES. Pourquoi avoir mis autant de temps à développer un site d’e-commerce ? Vous arrivez après tout le monde.

SVEN DEGEZELLE. C’est clair. Nos équipes se demandaient pourquoi un groupe comme Media Markt n’avait pas de site d’e-commerce. Elles pensaient que cela nous pénalisait. Or, nous avons réalisé une belle croissance sans site marchand. Nous n’arrivons pas trop tard en Belgique. Nous y sommes même arrivés trop tôt : la direction du groupe a fermé en 2003 le site mediaonline.com, géré en Allemagne, qui perdait beaucoup d’argent.

PHILIPPE DEPAUTEX. Ouvrir un e-commerce en 2013, cela semble tard. Ça le serait en France ou au Royaume-Uni, où les ventes de produits électroniques se font à plus de 20 % en ligne. Mais en Belgique, cette proportion est de 5,6 % à peine. On n’est donc pas si en retard que ça.

Quelle stratégie poursuivez-vous avec votre magasin en ligne ? S.D. Notre objectif est de pousser les gens vers les magasins physiques, sans les forcer bien sûr. Nous souhaitons atteindre au moins 30 % de retrait en magasin pour les produits commandés sur le site. Le but n’est pas de maximaliser le chiffre d’affaires du magasin en ligne, mais de contribuer à la croissance et à la rentabilité du groupe dans son ensemble. L’e-commerce est une société séparée. Mais son chiffre d’affaires est consolidé dans les magasins où se réalise le retrait des articles. Nous avons désormais 18 magasins, et le 18e, le site marchand, doit faire exploser nos parts de marché.

De nouveaux magasins de la taille des Media Markt (2.500-5.000 m²) ont-ils encore un sens à l’heure de l’e-commerce, qui permet une profondeur de catalogue illimitée ?

S.D. Je le crois. Grâce à notre stratégie omnichannel, nous pouvons offrir de la plus-value à nos clients en ouvrant de nouvelles enseignes. Les 10 magasins que nous projetons d’ouvrir dans les trois prochaines années auront une taille située entre 3.000 et 3.200 m². C’est la taille idéale pour optimiser le chiffre d’affaires et la rentabilité au m². En dehors du centre-ville, ces magasins sont les plus rentables : ils peuvent monter jusqu’à 7 % de rentabilité. Cela dit, nous avons le projet, à étudier dans le futur, de densifier notre réseau avec des magasins de plus petite taille. Ceux-ci relieraient deux concepts : un lieu de retrait d’articles, et un magasin vitrine pour les catégories de produits les plus demandés, comme les smartphones et les tablettes. Dans des villes de 20.000 à 30.000 habitants, nous pourrions ouvrir des magasins de 300 à 500 m².

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