Les vols low-cost tardent à décoller en Amérique latine

Atterrissage d'urgence à l'aéroport de La Paz, en 2008. © Reuters

Cent dollars un vol Paris-Madrid, six fois plus pour la même distance en Amérique latine: les liaisons low-cost, courantes en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie, décollent à peine dans cette région pourtant très touristique.

Que ce soit pour parcourir 1.000, 2.000 et 3.000 km, la comparaison révèle des tarifs bien plus élevés qu’ailleurs dans le monde.

1.000 km: Paris-Madrid = 106 USD (Transavia), Lima-La Paz = 599 USD (Latam)

Martin Rötig et Hélène Le Bras, couple d’architectes approchant la trentaine, ont mis leur vie parisienne entre parenthèses pour faire un tour du monde. Après avoir traversé l’Asie, ils veulent explorer l’Amérique du sud début 2017 mais en privilégiant le bus, malgré les distances.

“On va prendre le moins d’avions possibles car ils sont bien plus chers qu’en Asie”, raconte à l’AFP Martin, qui se souvient avoir “fait l’aller-retour entre Kuala Lumpur et Osaka, soit un vol de 7h, pour 450€ à deux grâce à Air Asia”.

Ces deux routards ne sont pas un cas isolé. Forums et blogs de tourisme avertissent des prix élevés des vols en Amérique latine, à cause d’un développement insuffisant des compagnies low-cost.

Les raisons sont facilement identifiables: moins d’aéroports secondaires, distances plus longues et réglementations plus contraignantes, faute de marché commun comme en Europe.

Dans la région, seuls le Mexique, le Brésil et la Colombie ont des lignes aériennes à bas coût depuis les années 2000, mais à desserte principalement locale et tarifs moins économiques qu’en Europe.

En Amérique latine, “l’environnement était assez peu favorable. Mais c’est en train d’évoluer”, résume Bertrand Mouly-Aigrot, associé au cabinet parisien Archery Strategy Consulting, spécialisé dans le transport aérien.

“Vous avez un bassin de population importante, des économies globalement en croissance, de vraies classes moyennes, le tourisme s’y développe. Il n’y a pas de raison que le phénomène low-cost, qui s’est imposé dans toutes les autres régions du monde, ne s’impose pas en Amérique Latine”, estime-t-il.

2.000 km: Dallas-Los Angeles = 293 USD (Spirit Airlines), Rio de Janeiro-Buenos Aires = 475 USD (Gol)

Outre le virage libéral pris par l’Argentine et le Brésil, deux marchés jusqu’ici très réglementés, les analystes soulignent la densification en cours du réseau des low-cost.

En Argentine, la compagnie Flybondi, dont l’actionnaire majoritaire est Julian Cook, fondateur de la Suisse Flybaboo, compte se lancer prochainement avec une douzaine de vols intérieurs.

Le groupe Viva, implanté au Mexique avec VivaAerobus, et en Colombie avec VivaColombia, vient d’inaugurer en novembre Viva Air au Pérou.

Un de ses actionnaires est Irelandia Aviation, la société d’investissements de Declan Ryan, co-fondateur de la compagnie irlandaise Ryanair, dont le modèle a déjà été dupliqué en Asie (Tiger Airways) et aux Etats-Unis (Allegiant).

“Aujourd’hui, une personne sur quatre qui voyage dans le monde avec une compagnie aérienne emprunte une low-cost. Cependant, l’Amérique latine a des tarifs exubérants pour des distances aussi courtes. C’est déplorable!”, déclare à l’AFP William Shaw, fondateur et président de VivaColombia.

Pour se développer, “on regarde le Chili, l’Argentine, le Venezuela et l’Amérique centrale”.

3.000 km: Kuala Lumpur-Taïwan = 86 USD (AirAsia), Bogota-Mexico = 470 USD (Avianca)

Selon l’Organisation mondiale du tourisme, 96,6 millions de touristes ont visité l’Amérique latine en 2015, avec une croissance estimée à 4-5% en 2016.

En trafic de passagers, Boeing prévoit une hausse de 5,8% dans la région dans les 20 prochaines années, indique à l’AFP Dona Hrinak, présidente pour l’Amérique latine, avec des avions pour la plupart à classe unique, “traduisant la croissance continue des compagnies à bas coût et leur expansion en Amérique latine et dans les Caraïbes”.

“Il y a vraiment beaucoup de potentiel en Amérique latine”, confirme Carlos Ozores, consultant du cabinet américain ICF.

“Au Mexique ou au Brésil, où les compagnies à bas coût sont développées, une partie du public provenait des autobus. Une fois qu’ils ont pris l’avion, ils ne veulent pas revenir” à la route, ajoute-t-il.

“Nous voulons faire en sorte que le marché grandisse. Qu’un client de l’intérieur de l’Argentine puisse se rendre à l’intérieur du Brésil”, estime Eduardo Bernardes, vice-président commercial de la Brésilienne Gol, plaidant pour un “assouplissement des réglementations de vols”.

* Prix relevés sur les comparateurs de prix ou sites des compagnies pour un aller-retour dans la semaine du 13 au 19 mars.

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