Les subsides des compagnies aériennes, la nouvelle guerre du Golfe

© Reuters

La compagnie Emirates, basée à Dubaï, s’attaque à un plan annoncé par la Commission européenne, pour revoir le contexte concurrentiel du marché aérien. Les compagnies du Golfe sont accusées de bénéficier de subsides alors que leurs concurrents de l’UE ne peuvent en recevoir.

Un bras de fer se dessine entre la Commission européenne et les compagnies du Golfe, Emirates, Etihad et Qatar Airways, et, sans doute, Turkish Airlines. Toutes les quatre sont très actives en Belgique. La Commission a annoncé cette semaine la mise en place d’un nouveau package de règles pour le secteur aérien, un plan stratégique pour assurer la croissance du secteur. Parmi les sujets à l’ordre du jour figure une négociation avec certains états hors de l’UE dont les transporteurs font une concurrence très rude aux compagnies européennes.

Interdire les subsides, mais…

L’annonce, faite par la commissaire au transport, Violeta Bulc, vise sans le dire les compagnies du Golfe et de Turquie. Elle ouvre la voie à des mesures pour interdire les subsides à ces compagnies, pour créer la même situation concurrentielle que les transporteurs européens, lesquels ne peuvent recevoir d’aides publiques. En échange les compagnies non européennes bénéficieraient d’avantages nouveaux à négocier, comme la faculté de prendre le contrôle de compagnies européennes, chose actuellement interdite, ou un accès plus libre aux aéroports du Vieux Continent.

Pour Emirates, il s’agit clairement d’une attaque contre les compagnies du Golfe. Elles sont accusées de bénéficier de subsides directs et indirects consentis par leurs actionnaires, qui sont des états. Les mêmes reproches, également avancés par les compagnies américaines, sont contestés par les transporteurs des Emirats.

En Europe, les compagnies les plus actives dans cette offensive anti-Golfe sont Lufthansa et Air France KLM.

Un trafic quadruplé en 10 ans

Depuis 2005 les trois géants du Golfe, Emirates, Etihad et Qatar Airways, ont quadruplé le nombre de vols de et vers l’Europe. Emirates est passée de 2,5 à 9,5 millions de passagers par an entre Dubaï et l’UE. Elles sont présentes dans 48 aéroports dans 28 pays du Vieux Continent, dont la Belgique. Et sont devenues le moyen privilégié pour voyager vers l’Asie (Inde, Chine, …) et en Afrique à bon compte. Turkish Airlines joue de plus en plus un rôle similaire. Cette montée en puissance s’opère au détriment des transporteurs européens en érodant leur unique source de bénéfices, le marché long-courrier, car les lignes intra-européennes sont généralement déficitaires.

Les compagnies européennes sont divisées sur le sujet. Si certaines demandent des mesures pour contrer les compagnies du Golfe, comme la Lufthansa, d’autres sont ouvertes à ces concurrents, tel British Airways. Cette dernière, fort tournée vers l’Atlantique, souffre moins de la concurrence du Golfe, et Qatar Airways en est devenu actionnaire à 9,99%. Même position pour Alitalia, trop heureuse d’avoir trouvé Etihad pour renflouer ses comptes en forte perte. Brussels Airlines penche plutôt pour l’approche de la Lufthansa, son premier actionnaire, elle est gênée par la concurrence de Turkish Airlines et des compagnies du Golfe sur l’Afrique où les coûts salariaux sont inférieurs à ceux de la Belgique.

Les états disposent pourtant de leviers

Les pays de l’UE disposent toutefois d’un instrument pour réguler la concurrence : l’attribution des droits de trafic. Les lignes aériennes ne sont pas libres entre les pays européens et ceux du Golfe. Elles relèvent d’accords négociés entre états. L’Allemagne a par exemple freiné l’ouverture de nouvelles lignes. C’est tout à fait différent des règles entre pays de l’UE ou entre l’UE et les États-Unis, où la libre concurrence prévaut, sans intervention des gouvernements.

Pour Emirates, le cadre actuel des accords bilatéraux permet de réguler la concurrence. Les états peuvent moduler leurs accords à leur guise. Mais ils doivent souvent intégrer divers facteurs. La France, par exemple, a accepté de débloquer des droits de trafic pour Qatar Airways au moment où le Qatar a commandé des avions militaires Rafale, au grand dépit d’Air France.

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