Les propos de Thierry Willemarck ont suscité bien des réactions…

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La proposition du nouveau président de Beci (Chambre de Commerce & Union des Entreprises de Bruxelles), Thierry Willemarck, de suspendre les allocations familiales pour lutter contre l’absentéisme dans les écoles bruxelloises, constitue une “voie dangereuse” pour le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) et une “double peine” pour la fédération ProJeuneS.

“Stigmatisante et inefficace” La proposition du nouveau président de Beci (Chambre de Commerce & Union des Entreprises de Bruxelles), Thierry Willemarck, de suspendre les allocations familiales pour lutter contre l’absentéisme dans les écoles bruxelloises, est “stigmatisante et inefficace et à la limite du racisme”, a jugé vendredi la ministre bruxelloise de la Jeunesse Evelyne Huytebroeck.

Dans une interview au journal L’Echo, Thierry Willemarck estime que le laxisme est trop important vis-à-vis des jeunes, en particulier d’origine maghrébine. “En tant que ministre de la Jeunesse, je ne peux accepter ce type de caricature et de raccourcis qui jette le discrédit sur des jeunes bruxellois et leurs familles”, a déclaré Evelyne Huytebroeck. Pour cette dernière, cette proposition risque de pénaliser davantage des familles déjà confrontées à des difficultés.

La ministre souligne qu’elle attend autre chose du patron des patrons de la Région. “En tant que représentant des entreprises bruxelloises, nous attendons du président de Beci qu’il jette des ponts entre le monde du travail, de la formation et de l’école plutôt que de stigmatiser grossièrement une catégorie de jeunes et par là les exclure”, estime Evelyne Huytebroeck. Cette dernière prône une mobilisation collective contre le décrochage scolaire.

La problématique est générale Cette vise une population ciblée alors que la problématique est générale, a déclaré vendredi la ministre de l’Egalité des chances Joëlle Milquet à l’Agence Belga. Joëlle Milquet qualifie ces propos de “totalement stigmatisants, peu nuancés et simplistes”. La ministre souligne que de nombreux jeunes sont diplômés et invite le président de Beci à la prestation de serment des médecins du Brabant wallon qui comptent de nombreux médecins d’origine maghrébine.

Si la ministre soulève une série d’obstacles, comme de langues pour les primo-arrivants, socio-économiques et de discrimination à l’embauche, elle évoque également une augmentation des moyens pour l’excellence dans l’enseignement, la remédiation, etc. “Ce n’est pas en stigmatisant de manière simpliste, qu’un père n’exerce pas son autorité, qu’on va s’en sortir”, déclare Joëlle Milquet. “Le problème du chômage est collectif”, ajoute-t-elle en rappelant les améliorations actuellement en cours, notamment pour l’accompagnement des chômeurs.

Une “voie dangereuse” pour le CECLR Pour Patrick Charlier, directeur adjoint du CECLR, ce n’est pas la première fois que la suppression des allocations est utilisée comme moyen de pression sur les parents et qu’elle est liée à l’absentéisme. “Les allocations familiales sont essentielles pour certaines familles, si on les supprime, on va les plonger dans la pauvreté, ce qui est contraire à la philosophie des allocations”, relève Patrick Charlier. “Qu’est-ce que ce sera la prochaine fois? On supprimera les allocations si les parents ne préparent pas de repas diététiques? “, se demande-t-il. Patrick Charlier rappelle qu’il n’existe aucune étude liant le taux d’absentéisme aux origines. Et de citer un récent monitoring de l’emploi qui montre que même les étrangers diplômés sont victimes de discrimination à l’embauche. Pour le directeur adjoint du CECLR, le travail à faire se situe du côté des écoles, qui sont pour certaines mono-culturelles, ce qui pose des problèmes d’accès, de réputation et de qualité d’enseignement. Une “double peine” pour la fédération ProJeuneS Pour Carlos Crespo, secrétaire général de ProJeuneS, une fédération qui représente 12 associations de jeunes socialistes et progressistes, la proposition du président de Beci est une “double peine”. “Des jeunes sont déjà dans une situation précaire et en plus, on supprimerait leur assise financière”, dénonce-t-il. Selon Carlos Crespo, “si on ne peut nier que des jeunes ont des problèmes pour aller à l’école, on a beau leur dire qu’il est important de se former, le taux de chômage important, les situations familiales et les discriminations à l’embauche jouent un rôle”, analyse-t-il.

Pour le secrétaire général, il faut agir sur ce point. “Ce sont ceux qui stigmatisent qui veulent leur apprendre les bonnes manières”, conclut-il.

Pour Christine Kulakowski, directrice du centre bruxellois d’action interculturelle (CBAI), qui a notamment pour objectif de former des demandeurs d’emploi pour devenir animateurs en milieu multiculturel, les propos du président de Beci sont “honteux et à la limite de la loi anti-discrimination”. “D’un côté, il faut inciter les jeunes à se rendre à l’école dès le plus jeune âge et pas réprimer. D’un autre côté, l’enseignement à Bruxelles est dualisé, c’est-à-dire que les milieux populaires ont accès aux moins bonnes écoles, il faut donc favoriser un accès à un enseignement de qualité”, souligne Christine Kulakowski.

“Je pourrais proposer de botter le cul des entreprises pour offrir plus de stages” Plutôt que de se livrer à des propos “inacceptables” et “scandaleux” liant de manière “ridicule” l’absentéisme scolaire à une communauté particulière, “M. BECI” doit porter le message d’une participation des entreprises à l’insertion des jeunes sur le marché du travail comme contribution aux importants efforts des pouvoirs publics dans ce sens, a affirmé en substance le ministre en charge de la Formation à Bruxelles, Rachid Madrane (PS). Celui-ci était interrogé au parlement francophone bruxellois par Ahmed Mouhssin (Ecolo) qui a jugé que les propos du président du BECI relevaient d’un fond de pensée “paternaliste et colonialiste” de celui qui “n’est peut-être pas le bon interlocuteur avec lequel il faut travailler”.

“Ce qui m’inquiète surtout, c’est la méconnaissance qu’a le nouveau patron des patrons bruxellois du tissu économique bruxellois. Il semble ignorer qu’une bonne partie des PME sont aussi créées par des personnes d’origine étrangère”, a répondu Rachid Madrane. “S’il pense qu’il faudrait “donner un coup de pied au cul” des parents des enfants d’origine maghrébine, je lui proposerais pour ma part de botter le cul des entreprises bruxelloises afin que celles-ci offrent plus de stages aux jeunes, afin qu’il n’y ait plus de discrimination à l’embauche,… et pour qu’elles relèvent avec nous le défi de la qualification de nos jeunes. Mais je ne le ferai pas car je sais que toutes les entreprises ne sont pas à classer comme telles”, a-t-il dit.

De son côté, la ministre bruxelloise de l’Emploi Céline Fremault (cdH) a rencontré le nouveau patron du BECI vendredi après-midi.Interrogée à l’issue de cet entretien, elle a précisé lui avoir signifié que ses propos maladroits “étaient difficilement interprétables positivement”. Mais Mme Fremault s’est aussi dite rassurée sur la ligne suivie par l’organisation patronale à l’égard des différentes initiatives visant le lien entre l’entrepreneuriat et les écoles et la collaboration avec Actiris dans le contexte du fonds de garantie jeunes.

Le président du BECI regrette que ses propos aient pu choquer Thierry Willemarck, a dit regretter vendredi après-midi que les propos qu’il a tenus dans le cadre d’une interview accordée au journal L’Echo aient pu choquer certaines sensibilités. “Ce n’était certainement pas mon intention”, a-t-il fait savoir par voie de communiqué. “Ceux qui me connaissent le savent: je n’ai aucunement voulu stigmatiser une communauté. Ce qui m’interpelle, c’est le réel problème d’absentéisme, qui mène au décrochage scolaire puis au chômage, qui est un poids pour la société. C’est cela le débat. Que peut-on faire pour aider des enfants en difficulté scolaire ? Quels sont les leviers dont on dispose en Région bruxelloise pour le résoudre, a-t-il ajouté.

Selon Olivier Willocx, administrateur délégué de BECI, les propos de Thierry Willemarck soulignent un vrai problème, plus particulier à Bruxelles: “On ne peut pas garantir que les enfants en âge d’être scolarisés fréquentent effectivement l’école ou même qu’ils y sont inscrits. Au 21e siècle, il ne me semble pas idiot de croiser les allocations familiales avec l’inscription à l’école. L’obligation scolaire n’est pas un discours de droite ou de gauche. Aujourd’hui, on a un décrochage scolaire qui n’est pas géré, surtout à Bruxelles”, a-t-il commenté de son côté.

Thierry Willemarck a par ailleurs affirmé sa volonté de soutenir, en tant que président, les actions de BECI et de ses membres pour remédier aux problématiques du décrochage scolaire et du chômage. Il a souligné que BECI qui a proposé la Charte de la diversité dans l’Entreprise, dont il a lui-même été un des premiers signataires, en tant que CEO de Touring.

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