Les prêts en ligne cartonnent outre-Manche

Lendable a vu son équipe passer de quatre cofondateurs à 25 collaborateurs. © A Lippens

La fintech Lendable, spécialisée dans les prêts aux particuliers, a convaincu un ” hedge fund ” américain d’investir en elle. Elle voit la vie en grand et renforce sa position sur un marché lucratif.

Environ 220 milliards de livres sterling ! Telle est, annuellement, la valeur du marché des prêts aux particuliers au Royaume-Uni. Dominé par les établissements bancaires et les cartes de crédit, le secteur est investi par de nouveaux acteurs en quête de croissance. Parmi eux : Lendable. Fondée à Londres il y a trois ans, cette plateforme en ligne met en relation – et sans intermédiaire – emprunteurs et investisseurs. Le but ? Réaliser des prêts rapides destinés aux particuliers, avec un maximum de 15.000 livres. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le secteur est porteur. Depuis sa création, Lendable a vu son équipe passer de quatre cofondateurs à 25 collaborateurs, tout en rentrant dans ses frais. La structure s’est même hissée à la cinquième place européenne des plateformes internet de crédit aux particuliers, en réalisant 55 millions de livres de prêts, un chiffre qui devrait continuer à augmenter dans les années qui suivent…

Il y a plusieurs semaines, Lendable a frappé un grand coup en s’adjugeant les faveurs de Waterfall Asset Management, un hedge fund new-yorkais disposé à y investir 100 millions de livres. Cet argent, qui sera réinjecté par la plateforme sous forme de prêts, ne constitue cependant pas une entrée stratégique dans le capital de Lendable, qui tient à son indépendance.

C’est la quatrième fois qu’une si grosse levée de fonds est réalisée en Europe dans ce secteur. Jusqu’ici, les seules entreprises à avoir attiré un pareil montant étaient les entreprises britanniques Zopa et Funding Circle, ainsi que l’allemande Auxmoney.

Un positionnement stratégique

Si la société a le vent en poupe, c’est parce que son coeur de cible repose sur le segment des petits prêts aux particuliers (en dessous des 5.000 livres), une partie du marché délaissée par la concurrence. ” Les banques se positionnent sur des prêts d’une plus grande envergure, confie Victoria van Lennep, la cofondatrice belge de Lendable. Etant donné que leurs coûts de marketing, de personnel et d’analyse de crédit (éplucher des fiches de paie, des factures, etc.) sont les mêmes quelle que soit la taille du prêt, elles préfèrent monter en gamme et viser des montants supérieurs. Quand notre prêt moyen s’élève à 4.000 livres, le leur atteint les 12.000. ” Au Royaume-Uni, les rares établissements bancaires pratiquant des prêts de petite consommation aux particuliers proposent souvent des taux d’intérêt de l’ordre de 20 %.

Grâce à une technologie qui lui est propre et des algorithmes performants, Lendable se targue de réaliser des prêts à des tarifs plus compétitifs. Depuis sa création, la start-up a investi dans la construction d’un modèle de crédit automatique permettant d’écrire des petits prêts rapidement, et donc à moindre coût.

Pour obtenir un prêt sur Lendable, tout emprunteur potentiel devra au préalable communiquer des données personnelles (nom, adresse, etc.). Ensuite, la plateforme tiendra compte, pour formuler son offre, de l’historique de paiement du candidat, obtenu auprès du bureau britannique de centralisation des données de crédits. Cet organisme – une spécificité d’outre-Manche – compile les données des citoyens en matière de crédits et paiements (hypothèques, prêts en cours, loyers, factures de gaz, électricité, etc.), permettant ainsi de connaître les comportements de consommation des individus et leurs agissements face aux dettes. Des informations précieuses, à utiliser à bon escient. Seuls les organismes agréés en tant que prêteur officiel par la Financial Conduct Authority (FCA) peuvent traiter ces données et en tirer profit. ” Encore faut-il les utiliser rapidement, ajoute Victoria van Lennep. C’est ici que notre technologie entre en ligne de compte. Pour la mettre au point, nous avons acquis, auprès du bureau de crédit britannique, des bases de données comprenant des milliers de prêts octroyés dans le pays. Notre modèle utilise ces données pour calculer les prédictions de performance du prêt à réaliser. Nous pouvons ainsi générer un taux d’intérêt personnalisé pour chaque profil de risque. ”

Investir sans risque ?

 Victoria Van Lennep:
Victoria Van Lennep: “Lorsque quelqu’un a besoin d’argent rapidement, il accepte de payer plus cher pour obtenir son prêt dans les deux heures.”© A Lippens

Outre des taux intéressants pour l’emprunteur, Lendable propose également un produit d’investissement à destination d’investisseurs privés, de family offices ou encore d’institutions bancaires, fonds de crédits et hedge funds. Qu’ils viennent du Royaume-Uni ou d’ailleurs, ces acteurs ont vocation à financer les prêts de la plateforme en y injectant des sommes conséquentes (minimum 100.000 livres) en contrepartie de quoi, Lendable s’engage à leur reverser les taux d’intérêt générés par ces prêts. Des rendements élevés : de 10 % à 12 %.

La rapidité du modèle Lendable constitue pour l’emprunteur une facilité supplémentaire, justifiant une plus forte ponction d’intérêts. ” Lorsque quelqu’un a besoin d’argent rapidement, il accepte de payer plus cher pour obtenir son prêt dans les deux heures, comme c’est le cas chez nous, explique Victoria van Lennep. Comparativement, les prêts bancaires mettent, eux, plusieurs semaines avant d’être octroyés. Ainsi, pour les prêts entre 5.000 et 15.000 livres, nos taux seront moins avantageux qu’une banque, mais nous serons plus rapides à les livrer. ”

Mais il n’y a pas que les délais… Lendable s’inscrit dans une mouvance de limitation des risques : ” Nos algorithmes nous permettent de prévoir avec plus d’exactitude les comportements des emprunteurs et débusquer les mauvais payeurs potentiels. Cela séduit les investisseurs, et notamment en Belgique, où nous avons déjà quelques partenaires. ” Autre garantie pour l’investisseur ? L’organisme dans laquelle il investit est une entité à vocation particulière (SPV) à l’abri de la faillite ou de l’insolvabilité. Le seul risque encouru par lui dans les prêts est le risque de crédit associé à l’emprunteur.

Et en Belgique ?

Lendable puise ses sources de revenus en percevant des commissions, tant vis-à-vis de l’emprunteur lorsqu’il contracte le prêt, qu’auprès de l’investisseur à chacun des remboursements. Sa troisième source de profit passe par la monétisation et l’externalisation des emprunteurs au profil trop risqué : ” Nous les renvoyons, moyennant finance, vers d’autres plateformes moins prudentes dans leurs prêts et dont les taux sont moins compétitifs. ”

Faute d’un bureau de centralisation de crédit, le modèle développé par Lendable ne pourrait actuellement être implanté en Belgique. L’accès aux données reste l’apanage des établissements bancaires, qui utilisent les informations émanant des comptes qu’ils gèrent (factures, salaires, dépenses mensuelles, etc.) pour réaliser leurs offres de crédits.

Cette situation pourrait cependant être amenée à changer. En 2015, la Commission européenne avait adopté une directive sur les services de paiement (PSD2) visant à améliorer l’efficacité des paiements dans l’Union tout en promouvant l’innovation et en améliorant la protection du consommateur. Le texte, qui entend également rendre le marché de la technique financière plus compétitif, contraint les banques à partager les données de transactions et les informations des comptes de paiement avec tout prestataire de paiement enregistré.

Lendable pourrait donc bientôt avoir accès aux données des utilisateurs. ” Cela signifie que les banques devront partager ces données de transactions avec d’autres acteurs telles que les plateformes de prêts et faire jouer la concurrence, confie Victoria van Lennep. Demain, toute l’Union européenne sera un marché potentiel. C’est une perspective de croissance phénoménale. ” Les Etats membres ont reçu deux ans pour incorporer la directive dans leur législation nationale. Elle entrera en vigueur à la fin de l’année.

Le Brexit pas encore d’actualité

La sortie du Royaume-Uni de l’Union représente un changement dont Lendable a bien évidemment pris la mesure, sans pour autant y percevoir de conséquences cataclysmiques pour elle. ” Il est, à l’heure actuelle, très difficile d’affirmer que le Brexit affectera négativement notre business model, explique, confiante, Victoria van Lennep. Pour l’instant, les affaires tournent toujours au même rythme. Cela s’explique notamment par le fait que notre plateforme est locale, et donc réservée aux emprunteurs anglais. Depuis ces derniers mois, nos prêts sont importants, nos taux de défauts sont stables, et les investisseurs sont au rendez-vous. Evidemment, si la livre devient très faible et volatile par rapport à l’euro, ce sera plus compliqué pour les investisseurs étrangers, qui devront prendre des mesures supplémentaires pour se protéger face au risque de change. Mais pour l’instant, cela ne nous a pas impactés négativement. ”

Par Augustin Lippens.

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