“Les plateformes internet comme Facebook ou YouTube devront passer à la caisse”

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Si l’Europe adopte son projet de directive, YouTube, Facebook, Instagram, Pinterest, etc., devront s’acquitter des droits d’auteur, explique l’avocat Eric Jooris.

Un projet de directive relative aux droits d’auteur vient d’être adopté en commission au Parlement européen. Quels objectifs ce texte poursuit-il ?

Le but de ce projet de directive européenne est d’adapter les règles existantes du droit d’auteur à l’Internet moderne. Le volet le plus discuté concerne les plateformes de partage de contenus comme YouTube, Pinterest, Instagram… Actuellement, ces plateformes ne sont pas considérées comme productrices ou éditrices de contenus. Leur seule responsabilité consiste à accéder aux demandes de retrait des contenus qui ne respectent pas la législation sur les droits d’auteur. Le projet de directive opère un véritable revirement. Le texte considère que les plateformes doivent demander l’autorisation des ayants droit avant de publier des vidéos, des photos ou tout autre contenu. Pour ce faire, elles auront la possibilité de négocier des licences d’exploitation avec les sociétés de gestion collectives de droits, comme la Sabam.

Les géants du Net exercent un gros lobbying contre ce texte. Peut-il remettre en cause leur ” business model “, basé sur la gratuité ?

Ce sera une charge supplémentaire pour les plateformes. Elles devront passer à la caisse pour rémunérer les ayants droit. La négociation des droits et le filtrage des contenus – autorisés ou non – pourraient aussi alourdir leurs coûts au niveau humain, technique et financier. Cela pourrait les pousser à prévoir certaines adaptations à leur manière de fonctionner, voire même à répercuter certains coûts sur les utilisateurs. Aujourd’hui, les utilisateurs ne payent pas directement les plateformes, mais ils acceptent de céder leurs données, qui permettent d’établir des profils ciblés à destination des annonceurs. Il ne faut pas oublier que ces plateformes génèrent énormément de revenus. Il n’est pas illogique qu’une partie de cet argent revienne aux ayants droit.

En obligeant les plateformes à filtrer les contenus avant publication, le projet de directive menace-t-il la liberté d’expression ?

Il faut relativiser cette menace. Par définition, les droits d’auteur sont un frein à la liberté d’expression : on ne peut pas reproduire une photo sans autorisation de l’ayant droit. Mais la réglementation prévoit des exceptions visant, justement, à garantir un certain équilibre avec la liberté d’expression, comme la citation, la critique de film ou de livre, la parodie, la caricature, le compte-rendu d’événements d’actualité, etc. Ces exceptions ne sont pas remises en cause par le projet de directive. Par ailleurs, une certaine tolérance devrait continuer à régner sur Internet, notamment par rapport à l’utilisation d’extraits de films dans des gifs animés. Signalons enfin qu’une série de plateformes ne sont pas concernées par le projet de directive : les services de stockage comme Dropbox, les plateformes de développement open source comme Github, les registres d’études scientifiques ou encore les encyclopédies en ligne comme Wikipédia.

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