Les obstacles sur la route de l’emploi pour les réfugiés en Allemagne

Migrant affichant un portrait de la chancelière Angela Merkel, à son arrivée à Munich, le 5 septembre 2015 © Reuters

L’équation apparemment parfaite: des centaines milliers d’emplois vacants en Allemagne, 1,5 million de réfugiés arrivés depuis 2012. Mais l’indispensable qualification professionnelle constitue un obstacle de taille, pour un public peu familier du système allemand et qui a parfois d’autres priorités.

Au vu d’une population vieillissante, la pénurie de main-d’oeuvre est un des gros défis de l’économie allemande, et à moyen terme les réfugiés arrivés en masse pourraient y pallier. En commençant par exemple par s’engouffrer dans les milliers de places vacantes d’apprentissage.

Mais “les réfugiés ne connaissent pas le système d’apprentissage en alternance”, la principale voie d’entrée dans la vie active, plébiscitée par la quasi-totalité des employeurs allemands, des boulangeries aux multinationales, déplore Meike Al-Habash, responsable de formation professionnelle à la chambre de commerce et d’industrie de Berlin.

Alors que le débat national sur l’intégration enfle, jetant une ombre sur la politique de la main tendue de la chancelière Angela Merkel, chambres de commerce et agences pour l’emploi multiplient les initiatives visant à sensibiliser les réfugiés en âge de travailler à l’impératif d’une qualification, sur un marché du travail très regardant sur la formation et les diplômes.

Mais “dans de nombreux cas”, les migrants ont “d’autres priorités” que de se former, regrette Jürgen Wursthorn, porte-parole de l’Agence fédérale pour l’emploi à Nuremberg (sud). “Il n’est pas rare que les jeunes arrivent en Allemagne en s’imaginant gagner rapidement de l’argent pour l’envoyer à leur famille”, sans parler de ceux “qui doivent rembourser des dettes colossales aux passeurs”, explique-t-il.

Ceux-ci choisissent souvent un métier non qualifié qui leur assurera une source immédiate de revenus, plutôt que de s’engager dans un apprentissage, contraignant et faiblement rémunéré.

Ils ‘se leurrent’

“Ceux qui optent pour cette solution de facilité se leurrent”, martèle Conrad Skerutsch, directeur de l’organisme public FRAP de développement du marché du travail à Francfort (sud-ouest).

“Seuls 5 à 10% des demandeurs d’asile” ont un niveau de formation suffisant pour s’insérer sur le marché du travail dans l’année qui suit leur arrivée en Allemagne, estime M. Skerutsch.

Et pour les jeunes réfugiés, souvent “extrêmement motivés” qui relèvent le défi du sacro-saint apprentissage en entreprise, en alternance avec des cours théoriques, le chemin est semé d’embûches, pointe M. Wursthorn.

“Environ 50% de nos réfugiés en apprentissage abandonnent leur formation en cours de route”, indique Rudolf Baier, porte-parole de la chambre de l’artisanat (HWK) de Munich, qui chapeaute quelques 23.000 apprentis en alternance, dont près de 500 jeunes demandeurs d’asile.

Ce taux d’échec reste deux fois plus élevé que la moyenne, mais est en net recul, depuis que la HWK a créé en septembre deux postes d’accompagnateurs et des cours spécifiques pour soutenir les jeunes migrants au long de leur cursus.

Principal obstacle à leur réussite: “la langue, la langue, la langue”, martèle M. Baier, car “pour beaucoup d’entre eux, les examens écrits sont trop difficiles” à cause de leur maîtrise insuffisante de l’allemand.

Mais l’artisanat bavarois a actuellement 5.500 postes d’apprentis non pourvus, et “les réfugiés pourraient combler ce manque”, estime-t-il.

Le risque du chômage

La situation est plus compliquée pour les migrants plus âgés. Malgré leur expérience professionnelle antérieure, nombre d’entre eux “n’ont aucune qualification, aucun certificat”, relève Achim Dercks, directeur adjoint de la Fédération des chambres de commerce et d’industrie (DIHK). Ils courent le risque de se retrouver au chômage, comme 20% des actifs sans qualification en Allemagne.

Plusieurs solutions sont envisagées pour eux, notamment l’apprentissage à temps partiel, un cadre déjà prévu pour les jeunes mères, ou des stages plus souples, avec un certificat à la clé.

“Tout est encore en phase de test”, résume M. Dercks, soulignant que “dans le meilleur des cas, au minimum 5 ans” d’efforts attendent les réfugiés pour réussir leur insertion professionnelle.

Une étude réalisée en 2014 par l’Agence fédérale pour les migrants et les réfugiés (BAMF) et publiée lundi étayait ce propos: sur les 2.800 demandeurs d’asile étudiés, tous arrivés en Allemagne entre 2007 et 2012, seuls 37% avaient un emploi au moment de l’étude, et 23% touchaient une allocation chômage.

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