Les (nombreux) cauchemars d’Elon Musk

Elon Musk © Reuters

Elon Musk a dû avouer la semaine dernière que Tesla ne pourra probablement pas produire suffisamment de ses voitures électriques de luxe dans les prochaines années. Et il ne s’agit là que d’un des épineux problèmes qui donnent des maux de tête au flamboyant entrepreneur.

Elon Musk ne peut pas se permettre un rythme ‘nine-to-five’. Il est à la fois l’homme à la tête de Tesla et de SpaceX. Et quelque part entre tout cela, il est également président et actionnaire majoritaire de Solar City, le plus grand installateur de panneaux solaires des États-Unis. C’est pourquoi ce père de cinq enfants s’impose des semaines tuantes de 100 heures de travail. Et il a maintenant désespérément besoin de chacune de ces secondes.

Fin juin, une fusée Falcon9 de SpaceX a explosé, alors qu’elle était en route vers la Station Spatiale Internationale (ISS). La société aérospatiale risque de ce fait de rater un contrat crucial avec la NASA pour pouvoir continuer à fournir l’ISS. SpaceX a besoin de ce contrat pour financer le développement de plus grandes fusées. A terme, cela doit conduire à une mission habitée vers Mars, le but ultime d’Elon Musk.

Chez Tesla aussi, tout le monde est sur le pont. Les ventes du second semestre ont grimpé de 40% en glissement annuel, pour atteindre 1,2 milliard de dollars et l’objectif de 11.507 voitures livrées de sa ligne à succès, la Tesla Model S, a été atteint. Mais Musk a lui-même tempéré cette bonne nouvelle, lors de l’annonce des résultats trimestriels. En 2016, Tesla ne pourra probablement produire que 1600 à 1800 voitures par semaine. Et ces chiffres sont loin en deçà des 2000 unités promises antérieurement, souligne le Financial Times.

Une grosse défaillance du générateur de cash, la Tesla Model S ?

Musk obtient volontiers des notes maximales des associations de consommateurs et des organisations automobiles pour sa Tesla Model S, ce qui positionne la voiture loin devant la concurrence. Tesla a une réputation presque virginale. Les dernières années, beaucoup de constructeurs traditionnels ont dû rappeler des centaines de milliers de voitures suite à la découverte de sérieux manquements.

Tesla a pour l’instant uniquement sa ligne Model S, ce qui rend l’entreprise particulièrement vulnérable. Contrairement à ses concurrents classiques, un scandale lié à la sécurité du Model S ne pourrait être compensé par la vente d’autres modèles. C’est la raison pour laquelle Musk investit de manière agressive dans le développement de nouvelles voitures et dans une gigantesque usine de batteries, pour la fabrication notamment des PowerWall destinés à alimenter les maisons en courant électrique. Tesla doit se diversifier le plus rapidement possible.

Problèmes avec les fournisseurs

Tesla fait figure d’exception dans sa manière de concevoir et de produire ses voitures. Par conséquent, il trouve difficilement son bonheur parmi les fournisseurs des constructeurs traditionnels. De plus, Tesla produit trop peu de voitures, en comparaison avec Mercedes et compagnie, pour se retrouver en position de force au moment de négocier les prix avec les gros fournisseurs.

Du coup, par nécessité, Tesla produit beaucoup d’éléments par elle-même ou travaille en collaboration avec de plus petits partenaires. Ces derniers ont toutes les peines du monde à suivre la popularité de la Tesla Model S. Et fin de cette année, Tesla veut encore lancer la Tesla Model X sur le segment des SUV. Les problèmes liés à la livraison des pièces détachées pourraient empoisonner ce lancement, a avoué Musk pendant l’annonce des résultats. Une semaine de retard due à des pièces détachées manquantes signifie déjà facilement 800 voitures en moins au dernier trimestre. Par conséquent, Tesla risque cette année d’encore rater le but des 55.000 voitures livrées.

Problèmes dans sa propre usine

Musk se targue d’avoir une méthode de production supérieure et beaucoup plus automatisée que la concurrence classique. Musk veut ainsi à tout prix que le Model S et le Model X soient produits sur la même ligne, ce qui exigera encore beaucoup d’adaptations des robots et des machines dans son usine en Californie. Ici aussi, il y a beaucoup de risques de retard.

La Chine

En 2014, les ventes en Chine auraient représenté 14% du chiffre d’affaires global. Cela se situe en dessous des attentes de Tesla. Musk attribue ces résultats décevants à des erreurs de débutants. La plupart des villes chinoises ne permettent par exemple l’enregistrement de nouvelles voitures que de manière extrêmement limitée, pour des considérations environnementales. Les voitures électriques reçoivent une exemption, mais Tesla ne s’était pas fait enregistrer partout, ce qui a entraîné des attentes d’autorisation pour ses clients. Ces erreurs auraient été rétablies et les ventes en Asie ont entre-temps doublé.

Mais de nouveaux nuages noirs menacent. À cause de la crise boursière, la confiance du consommateur chinois a pris un coup dans l’aile, ce qui menace de réduire son appétit pour les marques de luxe comme Apple ou Tesla.

Musk, micromanager

Musk est un micromanager et a régulièrement de nouvelles lubies qui ralentissent la production ou en augmentent les coûts. Ainsi, Musk a pendant longtemps tenu à un pare-soleil spécialement conçu. Le problème, c’est qu’il était particulièrement fragile et qu’il ne protégeait pas le visage des plus petits conducteurs.

Vendeurs de voitures traditionnels

Aux États-Unis, les constructeurs traditionnels vendent leurs voitures par l’intermédiaire de dealers. Les vendeurs de voitures ont également fait du lobbying dans différents États américains pour que les fabricants ne puissent pas vendre en direct. Musk, lui, ne veut rien avoir à faire avec des intermédiaires qui écrémeraient une partie des bénéfices. C’est pourquoi les dealers essaient de négocier des lois plus sévères dans différents États et de maintenir Tesla à l’écart. Les poursuites judiciaires sont toujours en cours.

Anciens et nouveaux concurrents à l’horizon

Mercedes et d’autres concurrents traditionnels mettent au point de nouvelles voitures électriques pour contrecarrer Tesla. De plus, de nouveaux challengers font leur apparition. Ça fait longtemps que Google ne cache plus son ambition pour les voitures. Et Musk a découvert cette année qu’Apple tente de débaucher les meilleurs employés de Tesla à coups de salaires monstres. Apple envisagerait donc aussi une entrée sur le marché automobile.

Panique à la Bourse

La valeur boursière de Tesla est d’environ 33 milliards de dollars. C’est une valorisation astronomique, surtout basée sur la croyance que Tesla deviendra un jour un constructeur automobile dominant. Pourtant, le chiffre d’affaires est faible et Tesla fortement déficitaire. À cause des lourds investissements, elle brûlera d’ailleurs le cash pendant encore un certain temps encore. Tesla a besoin d’un cours boursier astronomique, pour négocier des conditions financières favorables surtout. Cela prendra probablement encore deux années pour que le flux de trésorerie soit positif.

Tesla n’est donc pas prête à résister à un effondrement du cours de son action. Car les banques, mais aussi les fournisseurs, deviendraient nerveux et pourraient bien interrompre leurs lignes de crédit ou la livraison de pièces détachées. C’est la raison pour laquelle Musk, avec la régularité d’un métronome, mitraille les investisseurs de nouvelles. Et les évangiles selon Musk entraînent des attentes toujours plus élevées.

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