Les fantômes du passé hantent l’automobile américaine

Inauguration du salon de l'Automobile de Detroit avec le gouverneur du Michigan Rick Snyder (g.), Gilbert Villareal (centre) et Bob Lutz. © REUTERS

L’affaire Volkswagen vient à nouveau mettre en lumière les vices cachés de nombreuses automobiles en circulation mais devrait paradoxalement jeter les bases pour de meilleures pratiques aux Etats-Unis, estiment des analystes.

Au salon de Detroit (nord), censé célébrer la renaissance de l’automobile américaine, le scandale des moteurs diesel de Volkswagen (VW) équipés d’un logiciel spécifique pour déjouer les normes antipollution est sur toutes les lèvres. D’ordinaire, nouveaux modèles et technologies animent les conversations. Cette année, c’est Volkswagen.

“Ce que Volkswagen a fait relève d’une mauvaise gestion des procédures”, répond à des journalistes Sergio Marchionne, PDG de Fiat Chrysler Automobiles (FCA). “Il est intéressant de voir que ça n’a pas beaucoup changé le comportement des consommateurs en Europe. Ici (aux Etats-Unis) nous n’avons pas observé un important changement de comportement” non plus, affirme Mark Fields, le patron de Ford.

“On ne pouvait pas imaginer ça de Volkswagen. On est sans voix”, confie toutefois sous couvert d’anonymat un dirigeant de BMW, écoutant Herbert Diess, le président de VW promettre de tout faire pour reconquérir les consommateurs américains.

Le président de Daimler, Dieter Zetsche, ne peut s’empêcher aussi d’une pique: “Le père Noël nous a apporté beaucoup de bonbons dans sa hotte, contrairement à certains constructeurs allemands”.

Mais l’affaire Volkswagen n’est pas la seule épine dans le pied de l’industrie automobile aux Etats-Unis. En 2014, les Américains ont découvert que GM avait, pendant une dizaine d’années, été au courant que certaines de ses voitures étaient équipées d’un défaut du commutateur d’allumage et avait décidé de n’en rien faire. Le bilan est lourd: 124 morts et des centaines de blessés.

L’an dernier, outre Volkswagen, l’industrie a été secouée par le scandale des airbags défectueux de l’équipementier nippon Takata qui peuvent exploser en cas de déploiement, tuant ou blessant conducteur et passager avant. FCA a aussi été contraint de rappeler plusieurs modèles de Jeep dont les réservoirs placés à l’arrière explosaient en cas d’accident. “Takata voulait produire certains de ses airbags à un coût relativement bas sans prêter attention à des signaux montrant que ses procédures ne permettaient pas de fabriquer des airbags qui étaient sûrs”, affirme Karl Brauer, analyste chez Kelley Blue Book. “Idem pour Volkswagen, qui voulait se battre face à ses concurrents en termes de prix et d’économie de carburant mais l’a fait avec des moyens non conformes à la législation”, ajoute-t-il.

“Ce sont des pratiques du passé qui ont perduré jusqu’à il y a encore quelques années”, souligne Anil Valsan chez EY (ex Ernst & Young), ajoutant que d’autres “cadavres” pourraient sortir encore des placards. “A force, il y a une lassitude chez les consommateurs”, confie M. Brauer même s’ils doivent continuer d’acheter des voitures par nécessité, souligne-t-il. Les ventes aux Etats-Unis ne se sont jamais portées aussi bien depuis 2000. Environ 17,5 millions d’unités ont été vendues l’an dernier, une demande nourrie par une amélioration du marché du travail, des taux d’intérêt bas et l’essence pas chère.

A terme, ces affaires “vont pousser à plus de transparence”, prédit Anil Valsan. “On devrait voir les constructeurs demander à leurs sous-traitants et fournisseurs de partager les responsabilités. Ce qui va inciter ces derniers à mieux évaluer leurs procédures et technologies”, prévoit l’expert. D’autant qu’ils seront désormais dans le viseur des régulateurs, qui ont accru leurs contrôles.

C’est le cas de l’Agence de sécurité routière américaine (NHTSA) qui a infligé des amendes récemment à Fiat Chrysler pour des manquements liés à la sécurité. GM a écopé de 900 millions de dollars d’amende. VW, dont le plan soumis aux autorités de l’Etat de Californie pour corriger les logiciels truqueurs a été rejeté mardi, pourrait avoir à payer au moins 20 milliards de dollars. Il y a aussi la pression des actionnaires, mécontents de voir ces scandales diminuer la valeur de leurs titres ainsi que la vigilance accrue des associations de consommateurs, résume M. Valsan.

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