Les entreprises “échappent” au budget : info ou intox ?

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Le PTB affirme la semaine dernière, étude à l’appui, que les entreprises belges ne contribuent qu’à hauteur de 8 % à l’effort budgétaire 2012. Faux, rétorque la FEB, qui évalue ce montant entre 30 % et 40 %. Archi-faux, réplique le PTB, qui répond point par point au patronat. Revue des troupes en 6 questions-clés.

En tant qu’acteurs majeurs du système capitaliste, les “grosses fortunes et grandes entreprises” auraient dû régler “l’essentiel de la facture” de l’austérité découlant de la crise, estimait le PTB la semaine dernière. Selon le Parti des travailleurs de Belgique, trois mesures fiscales auraient suffi à combler le trou budgétaire en faisant contribuer les “responsables de la crise” :

– la taxation des plus-values sur actions (5 milliards),

– la fin des intérêts notionnels (5 milliards) et

– une taxe des millionnaires (8 milliards).

Soit un gain total de quelque 18 milliards d’euros. “Même si leur efficacité était limitée à 60 % ou 70 %, l’essentiel de l’effort budgétaire serait atteint”, conclut alors le PTB. Or, une étude du parti de gauche indique que, dans les milliards d’efforts inscrits au budget 2012 par le gouvernement Di Rupo, la contribution des entreprises ne représente que 8 %.

Ce pourcentage s’obtient par l’addition de trois mesures : le régime des sous-capitalisations (0,1 milliard d’euros), les plus-values sur actions (0,15 milliard d’euros) et les intérêts notionnels (0,557 milliard d’euros).

A la grande colère de la Fédération des entreprises de Belgique, qui avait dénoncé, dans La Libre Belgique, la “désinformation” pratiquée par le parti de gauche. Le PTB a, en retour, répondu aux arguments du patronat belge – tout en s’inclinant, avec humour, “devant le know-how de la FEB en matière de désinformation”. Voici la synthèse de leurs échanges, point par point.

Le PTB a donc estimé à 8 % la part des entreprises dans l’effort budgétaire du gouvernement Di Rupo. Pour Rudi Thomaes, administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique, le PTB oublie ainsi une série de postes dans ses calculs. Selon ses propres calculs, la part des économies réalisées dans le budget fédéral à charge des entreprises se situe “plutôt entre 30 % et 40 %”, indique-t-il dans la Libre.

1. Comment calculer le poids réel des intérêts notionnels ?

40 % de l’effort budgétaire 2012 représentent 4,5 milliards d’euros, soit le total des 12 “principales mesures touchant les entreprises” mentionnées ici sur le site Internet de la FEB. Le patronat y énumère, des “intérêts notionnels” à la “fraude fiscale et sociale”, les points de ponction financière des entreprises, pour un total de 4,565 milliards d’euros.

Principal élément : les intérêts notionnels, une mesure qui, seule, devrait “coûter” 1,62 milliard aux entreprises l’an prochain (1,969 milliard en 2013 puis 2,318 milliards en 2014).

L’étude du PTB ne prenait en compte que la différence entre le taux des intérêts notionnels de 3,425 % (sur les bénéfices de 2011) à 3 % (sur les bénéfices de 2012), soit 0,557 milliard, et non la différence entre le taux légal des OLO (obligations linéaires) et le taux de 3 %, puisque le taux des intérêts notionnels était bloqué depuis 2010 et qu’il était entendu que les négociateurs prenaient le taux de 2011 pour base de départ de leur négociation.

Précisément, “sur les intérêts notionnels, le raisonnement du PTB est très curieux, a réagi le patron de la FEB dans les colonnes de la Libre. Ce parti dit qu’il y a 1 milliard d’euros de réduction qui ne compte pas car c’était déjà acquis depuis le début. Mais je peux vous dire que, dans une négociation, rien n’est jamais acquis ! Il n’y a d’accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout. Cela arrange bien le PTB de sortir ce milliard de ses calculs. C’est farfelu.” Et de conclure : “Ce que dit le PTB, c’est finalement qu’Elio Di Rupo ne dit pas la vérité dans sa communication.”

“Effectivement, nous constatons que l’information transmise aux médias et reprise par ceux-ci indique, noir sur blanc, que la baisse du taux des notionnels de 3,425 % à 3 % rapporte 1,6 milliard, persiste le parti de gauche. D’ailleurs, des responsables syndicaux se sont adressés à notre service d’études précisément car ils ne comprenaient pas comment une baisse du taux d’à peine 0,425 point pouvait rapporter autant.”

2. Quid des contributions spéciales de certains secteurs ?

De même, ajoutait Rudi Thomaes, le PTB ne parle pas de la contribution spéciale des sociétés des secteurs financier, pharmaceutique et énergétique (via la rente nucléaire). “Effectivement, nous ne les avons pas pris en compte étant donné qu’il s’agit de secteurs spécifiques et, surtout, que les modes de contribution nous font penser que ces secteurs feront finalement payer les mesures en question par le consommateur”, rétorque le parti de gauche.

Le PTB ajoute que ces contributions spéciales n’apparaissent pas non plus dans les 12 mesures énumérées – et chiffrées – sur le site de la FEB

3. Un précompte mobilier qui mélange personnes physiques et entreprises ?

Rudi Thomaes rappelait également l’existence de mesures d’austérité portant sur le précompte mobilier (qui portera sur les revenus tirés du capital), sur les stock-options, les assurances-groupe, etc. Or, “ces mesures concernent directement les dirigeants d’entreprises et les cadres supérieurs !”

L'”uniformisation du précompte mobilier” est en effet citée sur le site de la FEB, pour un coût évalué à 917 millions d’euros en 2012 (929 millions en 2013 puis 943 millions en 2014). “Or, non seulement ce montant comprend le précompte mobilier payé par les personnes physiques, mais en plus, la hausse n’a pas d’incidence pour les sociétés puisque celles-ci sont taxées (ou non taxées dans certains cas) non à travers le précompte mobilier, mais à travers les revenus réels !, réplique le PTB. L’impact de cette mesure est donc nulle pour les sociétés.”

4. Avantages de toute nature… mais pour qui ?

Quant aux avantages de toute nature que sont les stock-options, véhicules, logement, etc., “les avantages de toute nature, concerne par… nature les employés et non les employeurs, répond le parti de gauche. Il s’agit en effet d’une taxation à l’impôt des personnes physiques.” Certes, le cas des voitures de société est particulier puisque l’accord gouvernemental prévoyait également une contribution des sociétés pour moitié. “Mais le journal Le Soir a montré récemment que l’effort serait supporté pour l’essentiel par les salariés, ce qui a d’ailleurs fait réagir le ministre Olivier Chastel.”

5. Prépension, chômage temporaire, crédit-temps : coûteux… mais pour qui ?

“Il faut aussi intégrer dans les calculs les économies faites sur la responsabilisation des employeurs pour le chômage économique”, indiquait également Rudi Thomaes. Le PTB y lie plusieurs “mesures touchant les entreprises” telles que définies par la FEB : prépension (25 millions d’euros en 2012), le chômage temporaire (14 millions), le crédit-temps (52 millions), la réduction des dépenses fiscales (328 millions).

“Une prise en compte singulière, mais courante de la part de la FEB, qui a l’habitude de considérer que tout ce que paie un travailleur représente en quelque sorte une charge pour l’entreprise puisque c’est elle qui rémunère le travailleur”, déplore le Parti des travailleurs.

6. Index en hausse : mauvais pour l’entreprise… seulement ?

Dans l’accord budgétaire, il y a certaines mesures qui vont avoir un effet sur les prix de certains produits et qui vont faire augmenter l’index, précisait enfin le directeur général de la FEB. Automatiquement, il y aura une forte augmentation des coûts salariaux pour les entreprises. Je pense par exemple à la suppression de la réduction sur facture pour les voitures vertes. Le prix des automobiles sera plus élevé et donc l’index également. Le PTB n’en tient pas compte.”

La PTB, en la matière, botte en touche et élargit le propos. “Si la FEB s’intéresse tant aux effets indirects des mesures budgétaires, elle devrait surtout se pencher sur la conséquence majeure de l’austérité : en faisant supporter l’essentiel de l’effort par la population, on brise tout espoir d’une relance de la consommation. Ce qui ne peut que nous enfoncer plus encore dans la crise.”

V.D.

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