Les entreprises allemandes snobent les droits de l’Homme à l’étranger

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L’Allemagne est le 5e pays au monde à avoir reçu le plus d’accusations de violations graves des droits de l’Homme par ses entreprises à l’international.

Label de qualité mondialement reconnu, le “Made in Germany” s’appuierait-il sur des processus de fabrications contraires aux droits de l’Homme ? Certes, on connaissait déjà la problématique des “mini-jobs” et “mini-salaires” ou les abus de firmes américaines (Amazon, Burger King) outre-Rhin. Mais, selon une récente enquête de l’Université de Maastricht, les entreprises allemandes ne seraient pas non plus exemptes de reproche au niveau de leur éthique.

L’établissement néerlandais a en effet examiné 1 877 plaintes déposées par diverses ONG entre 2005 et 2014. 87 d’entre elles concernaient des violations commises par des sociétés allemandes. Au niveau mondial, seuls les États-Unis (511), le Royaume-Uni (198), le Canada (110) et la Chine (94) font pire. Précision de taille : ces accusations portaient uniquement sur des infractions perpétrées à l’étranger, thème sur lequel l’ONU tarde à clarifier et préciser sa législation.

Pour l’Allemagne, celles-ci concernent principalement des sociétés spécialisées dans les domaines de l’automobile et de la chimie, deux secteurs en vogue chez nos voisins. Sans surprise, elles ont lieu dans des pays aux structures gouvernementales faibles et/ou corrompues.

Ainsi, en Guinée (classée 86e en matière de respect des droits de l’Homme par Médecins sans Frontière), l’extraction minière de bauxite (utilisé dans la production d’aluminium) a engendré des appropriations de territoires, coupant l’accès à l’eau pour plusieurs villages. Au Pérou (classé 105e), les mines de cuivre déversent cuivre, plomb, arsenic et mercure dans les sols environnants. Soit des substances pouvant s’avérer extrêmement nocives pour l’Homme et les animaux.

Aucune règle… pour l’instant

À l’heure actuelle, aucune règle n’est imposée aux entreprises allemandes en dehors de “leurs” frontières. Leurs produits sont, en plus, difficilement “analysables”. Il est de fait assez simple de repérer, par exemple, les éléments toxiques qui composent un t-shirt. Mais comment déceler que les matériaux ayant servi à fabriquer une pièce de véhicule entraînent autant de dégâts humains et environnementaux ?

D’autant plus que le gouvernement compte seulement sur des mesures volontaires. “Mais ça n’empêche évidemment pas les comportements irresponsables. Il faut mettre en place des exigences et incitatifs préventifs pour que toutes les entreprises fassent leur devoir et respectent les droits de l’Homme”, avance Klaus Milke, le président de l’ONG Germanwatch.

Conscient du problème et de la mauvaise image qu’il renvoie de leur industrie, les dirigeants politiques allemands planchent, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères, sur un plan d’action intitulé “Commerce et droits de l’Homme”. Frank-Walter Steinmeier, le ministre fédéral des Affaires étrangères, tient toutefois à rappeler le partage des responsabilités. “Le gouvernement n’est pas seul responsable des droits de l’Homme, les entreprises le sont aussi, et également pour leurs activités internationales. Ce qui bénéficie à certaines personnes ne devrait pas être dangereux pour d’autres.”

En 2011, l’ONU avait adopté quelques nouveaux “principes directeurs” en matière de droits de l’Homme, dont “la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’Homme” (y compris à l’étranger). Le gouvernement allemand ne l’a jamais appliqué. A.V.

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