Les dîners surréalistes de Charles Kaisin s’exportent jusqu’en Russie

Aux Bains de Bruxelles, en avril dernier, ce dîner surréaliste était placé sous le signe de Jules Verne. © N. LOBET & R. JALCK / PRYZM PHOTOGRAPHY

Animé par un sens aigu de la mise en scène, le designer Charles Kaisin s’illustre dans la conception de dîners surréalistes qu’il organise pour des clients privés et des marques de prestige. Gros plan sur un entrepreneur bruxellois qui a fait de l’esthétisme sa raison d’être et qui veut aujourd’hui grandir à l’international.

A Bruxelles, dans une imposante bâtisse du quai du Commerce, une vingtaine de petites mains s’affairent pour donner vie à quelques gadgets improbables. Papier, métal, tissu, plastique, verre, etc. : les matériaux se mélangent joyeusement sous les doigts experts et dessinent d’étranges objets qui atterriront, dans quelques jours, sur une table moscovite. Profitant du retentissement médiatique de l’imminente Coupe du Monde de football, une grande marque d’alcool chinois organise en effet un surreal dinner le 13 juin en Russie et c’est au Belge Charles Kaisin que revient l’honneur d’orchestrer ce dîner surréaliste.

Il n’est pas exclu que nous ouvrions un jour un bureau en Asie ou une antenne à Londres pour répondre à cette demande internationale qui ne fait que croître.

Designer réputé, ce quadra perfectionniste s’est diversifié il y a quelques années déjà dans la mise en scène d’événements somptueux qu’il distille tout autour du globe. En neuf ans, il a ainsi composé les arrangements artistiques d’une quarantaine de dîners hauts en couleur pour des labels aussi prestigieux que Rolls-Royce, Hermès ou les champagnes Louis Roederer, mais aussi pour des marques plus mainstream comme les montres Ice-Watch qui ont fêté, l’année dernière, leur 10e anniversaire avec un certain panache.

Soirées sur mesure

Les dîners surréalistes de Charles Kaisin s'exportent jusqu'en Russie
© N. LOBET & R. JALCK / PRYZM PHOTOGRAPHY

Mixant esthétique, culture et gastronomie, ces dîners d’une autre dimension jouent la carte du raffinement, de la surprise et de l’émotion avec des serveurs habillés différemment à chaque plat et une atmosphère qui s’adapte à l’univers du client. ” Le fil conducteur est le surréalisme à la belge qui est une source d’inspiration énorme dont je me nourris en permanence, explique Charles Kaisin. C’est un univers très riche en termes de références et cela permet d’étonner les invités, tout en restant dans la poésie et la qualité. L’idée est d’apporter, dans ces dîners, énormément de créativité et d’originalité, avec des touches qui sont toutefois personnalisées. ”

Le 13 juin, pour Luzhou Laojiao, une marque de baijiu (alcool blanc chinois), le designer et scénographe belge va donc remettre le couvert de ses excentricités contrôlées. Mais à la différence de son dernier dîner belge organisé en avril aux Bains de Bruxelles sous le signe de Jules Verne, cet événement moscovite sera truffé de références à ce spiritueux haut de gamme dont Charles Kaisin est parti explorer l’histoire en Chine il y a quelques semaines déjà. Clause de confidentialité oblige, nous n’en saurons pas plus sur les différents tableaux et les coulisses de la réception russe, mais il nous revient cependant que le chocolatier Pierre Marcolini s’occupera du dessert et que des grandes stars du ballon rond seront présentes ce soir-là parmi la centaine de convives triés sur le volet.

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Un agenda surchargé

Célèbre pour ses créations originales avec des matériaux recyclés ( lire l’encadré ” Un artiste décloisonné “), Charles Kaisin n’a pas abandonné son activité de designer et vient d’ailleurs de signer un service de table pour la marque d’eau San Pellegrino. Mais son activité de scénographe surréaliste lui prend désormais la grande majorité de son temps. ” Nous avons connu une forte accélération des demandes ces deux dernières années et notre objectif consiste justement à doper les surreal dinners à l’étranger, confie l’entrepreneur bruxellois de 45 ans. Notre atelier occupe déjà un espace de 600 m2 et nous allons bientôt doubler la surface car tous les accessoires sont dessinés et produits en Belgique. J’y tiens énormément parce que cela me permet non seulement de maîtriser la production, mais aussi de valoriser la main-d’oeuvre locale. Cela dit, il n’est pas exclu que nous ouvrions un jour un bureau en Asie ou une antenne à Londres pour répondre justement à cette demande internationale qui ne fait que croître. ”

Surchargé, l’agenda de Charles Kaisin compte déjà plusieurs rendez-vous colorés dans les prochains mois. Après l’événement prévu la semaine prochaine à la Coupe du Monde en Russie, le designer-scénographe devra concocter deux dîners privés à Florence, avant d’en organiser un autre au château de Chambord pour l’émission de télévision Les Carnets de Julie sur France 3. Des agapes surréalistes sont également prévues en septembre pour une marque de bijoux à Londres, ainsi qu’un nouveau festin déjanté pour les montres Ice-Watch au Salon de l’horlogerie de Hong Kong à la même période. Viendront ensuite, en 2019, le Maroc et d’autres destinations qui sont toujours en cours de négociation.

Plus de 1.000 euros le couvert

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Millimétrés, les surreal dinners de Charles Kaisin exigent des préparatifs et une intendance hors pair. En règle générale, le maître de cérémonie prévoit un serveur pour deux convives – histoire de synchroniser au mieux le service à table – et réquisitionne, en moyenne, deux à trois fois plus de personnel que le nombre d’invités présents au repas. Ainsi, pour son dîner Utopia mis en scène l’année dernière dans le métro bruxellois, l’homme-orchestre avait mobilisé plus de 400 personnes en coulisses pour un peu moins de 150 invités.

Costumes extravagants, animations exclusives, frais de personnel et de restauration… Ces dîners surréalistes exigent d’énormes dépenses qui se répercutent naturellement sur la facture du client. Selon les envies et les scénarios, le commanditaire devra ainsi débourser entre 1.000 et 4.000 euros par couvert pour un festin exclusif comptant une centaine d’invités. Si on ajoute à cela une prestation exceptionnelle comme, par exemple, la présence rémunérée d’un acteur ou d’une chanteuse célèbre pour donner encore plus d’éclat à la soirée, la facture pourra alors s’élever à un demi-million d’euros pour une seule performance artistico-culinaire.

Un précieux bouche-à-oreille

De plus en plus prisées par la jet-set internationale, les scénographies de Charles Kaisin ont également tapé dans l’oeil des propriétaires du Casino de Monte-Carlo qui, l’année dernière, ont confié au designer bruxellois la direction artistique de leur établissement de jeux. A la clé : l’organisation de prestigieux dîners surréalistes en avril et en décembre 2017 pour redorer le blason du casino et où l’on a pu croiser, entre autres, la princesse Caroline de Monaco, ainsi que les actrices Catherine Deneuve et Isabelle Huppert. Idéal pour faire parler des surreal dinners dans le petit monde des people et attirer ainsi de nouveaux clients fortunés…

” Le bouche à oreille reste la meilleure des publicités “, confirme Charles Kaisin qui partage volontiers les clichés de ses dîners poétiques sur Instagram où il compte près de 20.000 abonnés. ” Les réseaux sociaux et les vidéos sur YouTube sont aussi de bons outils pour se faire connaître à l’étranger, enchaîne-t-il. C’est d’ailleurs de cette façon que la marque chinoise de baijiu m’a repéré et est entrée en contact avec moi pour ce nouvel événement en Russie. ”

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Seul maître à bord

Extrêmement bien huilée, la mécanique des dîners surréalistes est visiblement appelée à se développer, surtout à l’international. Le designer a d’ailleurs reçu plusieurs propositions de riches hommes d’affaires désireux d’entrer au capital de sa société pour mieux la faire grandir, mais jusqu’à présent, Charles Kaisin a décliné toutes les invitations, préférant y aller pas à pas. ” Nous sommes dans une période charnière, explique le scénographe. En un an, le chiffre d’affaires de la société a augmenté de 30 à 35 %, mais ce n’est que le début et je préfère être autonome et donc garder toute ma liberté pour avancer. C’est important pour moi, même si l’idée est de doubler notre croissance rapidement et que de nouvelles stratégies seront sans doute nécessaires. ”

Convaincu par le formidable potentiel de ” l’événementiel de haut luxe “, Charles Kaisin se dit également fier d’être aux commandes d’un produit belge qui s’exporte : ” Je suis ravi d’être un ambassadeur culturel de la Belgique, conclut-il. Avec ces dîners surréalistes, nous faisons rayonner le pays à l’étranger et nous démontrons que nous avons beaucoup de créativité, de richesse et de talents car j’intègre souvent, dans ces événements, des choeurs, des musiciens, des clubs sportifs ou des groupes folkloriques belges. Il y a, chez nous, beaucoup de savoir-faire, mais malheureusement pas assez de faire savoir… ”

Gageons que les surreal dinners de Charles Kaisin viennent, peu à peu, contredire cet état de fait.

Un artiste décloisonné

Charles Kaisin est un perfectionniste et un obstiné. Formé à l’Institut supérieur d’architecture Saint-Luc de Bruxelles et diplômé du Royal College of Art de Londres en 2001, il téléphone ” 53 fois “, dit-il, à l’atelier de l’architecte français Jean Nouvel pour obtenir un stage auprès du maître – avec succès – avant de réitérer le même exploit chez le sculpteur britannique Tony Cragg. Essentielles, ces expériences vécues ” comme au temps des artisans bâtisseurs ” le marqueront fortement.

Dans le cadre d’un programme d’échanges avec l’Université des Arts de Kyoto, Charles Kaisin découvre aussi le raffinement des origamis japonais et entame, en parallèle, une vaste réflexion sur le recyclage. Ses premières créations prennent la voie des matériaux recyclés et le designer est rapidement remarqué sur la scène internationale pour ses objets décalés, notamment son K-Bench, un banc modulaire qui se déploie au gré des envies.

Petit à petit, Charles Kaisin étend son domaine d’activités, ajoutant l’aménagement d’espaces et la conception de défilés de mode à ses compétences artistiques. Imaginé en 2009, son tout premier dîner surréaliste est organisé chez lui pour remercier une famille qui l’avait aidé dans ses jeunes années. Le retentissement est tel qu’il renouvellera rapidement l’expérience pour des clients privés et ensuite pour des grandes marques désireuses d’épater leurs invités, faisant de ces surreal dinners sa nouvelle marque de fabrique.

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