Les clients fortunés : un segment de croissance

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De plus en plus de banques décochent désormais leurs flèches en direction des clients les plus nantis. Comment explique-t-on que le “private banking” remporte autant de succès dans notre pays ?

“Le private banking forme un marché de croissance en Belgique, ce qui ne manque évidemment pas de séduire de nouveaux acteurs du secteur”, annonce Yves Van Laecke, directeur private banking & asset management chez Delta Lloyd Bank. Depuis la reprise de la banque Nagelmackers, Delta Lloyd possède un riche passé dans cette niche. Pour autant, ces dernières années, le private banking a gagné en importance au sein de cette institution, après la décision de la banque de réorienter sa stratégie. Jusque-là, elle misait sur les volumes, tout comme les quatre autres grandes enseignes du pays. Depuis 2010, Delta Lloyd Bank espère plutôt marquer des points dans les marchés de niche en tant que banquier de relation. Et parmi ces niches, celle des clients fortunés est la plus importante.

Yves Van Laecke voit deux raisons à l’essor du marché : “Avec la pression exercée sur le secret bancaire au Luxembourg et en Suisse, on assiste au reflux des capitaux vers la Belgique. En outre, 230 milliards d’euros sont parqués sur les livrets d’épargne. Cet argent devra tôt ou tard être investi.”

“Le nombre de clients nantis faisant partie de la classe moyenne augmente, constate Van Laecke. Ces dernières années, nombre de ces personnes ont investi essentiellement de manière réactive et conservatrice. Nous pensons qu’un quart, voire la moitié de tout l’argent qui se trouve sur les livrets d’épargne finira par refluer sur le marché sous la forme d’investissements actifs.”

Jan De Coninck, CEO de Société Générale Private Banking, confirme cette tendance. Les grandes banques sont de plus en plus nombreuses à proposer un service taillé sur mesure pour leurs clients fortunés. Il y a bien sûr les grands noms étrangers (comme UBS et Rothschild) mais aussi désormais des spécialistes implantés au niveau local comme Degroof et Petercam.

Accompagnement psychologique
Certaines grandes banques sont encore souvent perçues comme des comptoirs de vente de produits d’investissement et autres instruments complexes “maison”. Les géants étrangers réputés rencontrent dès lors peu d’écho parmi la clientèle belge. “Grâce à notre positionnement local, nous représentons la moitié du marché qui va aux organismes étrangers, explique De Coninck. Chaque année, nous enregistrons une croissance de 300 à 400 millions d’euros. La rotation est minime parmi nos clients. Nous appliquons une stratégie de placement très conservative et privilégions la relation avec le client.”

Petercam met lui aussi en exergue la flexibilité et le service centré sur le consommateur. “Nous proposons à la fois des fonds ‘maison’ et une sélection rigoureuse de fonds de gestionnaires externes. Et si le client le souhaite, nous lui proposons également de gérer un portefeuille composé de lignes d’actions individuelles”. La banque s’adresse aussi à des groupes cibles faisant face à une problématique spécifique, comme les personnes ayant mis sur pied une société de management, ou détenant une importante assurance de groupe ou un règlement de pension.

Dans la mesure où les demandes qui émanent de sa clientèle visent essentiellement la conservation et la structuration des patrimoines, Petercam mise aussi beaucoup sur l’ estate planning : le transfert de patrimoine à la génération suivante. “Nous nous profilons comme un intendant qui gère le patrimoine mobilier du client de génération en génération”, explique Fritz Mertens.

L’époque de la donation manuelle simple n’est peut-être pas encore révolue mais elle exige malgré tout une assistance, explique Minke De Smet, conseiller juridique et fiscal chez Petercam : “Il existe toujours plus de formules et de possibilités, mais aussi de plus en plus de situations qui s’écartent de la norme. En raison de l’allongement de l’espérance de vie, il y a davantage d’enfants et de petits-enfants, et de plus en plus de familles recomposées. Nombre de personnes vivent, du reste, à l’étranger. Sur le plan juridique comme fiscal, la situation est plus complexe. L’accompagnement psychologique de ce processus représente également une gageure.”

Le private banking : pour qui ?
La grande banque dont l’activité de private banking est la plus développée est BNP Paribas Fortis. “L’intérêt pour le private-banking ne s’est jamais démenti, explique Xavier Declève, directeur du département Wealth management. “La Générale de Banque a commencé dans les années 1990. Après la fusion avec Fortis, ces activités se sont retrouvées sous l’enseigne MeesPierson. Aujourd’hui, nous profitons des connaissances et de l’expertise du groupe BNP Paribas.”

BNP Paribas Fortis opte logiquement pour un réseau distinct de centres spécialisés de private banking mais le lien avec le réseau de détail est important : “Nous pensons qu’il est possible de répondre plus adéquatement aux exigences du client par l’intermédiaire d’un réseau distinct. Nous pouvons dans ce cadre former des spécialistes disposant d’un solide bagage et d’une expertise poussée. Mais le réseau de détail est important dans la mesure où il peut identifier les clients potentiels et les orienter vers nous.”

C’est pourquoi BNP Paribas Fortis impose un seuil d’entrée relativement faible ; 250.000 euros. “Nous espérons de cette manière nouer le lien avec le client suffisamment tôt, explique Xavier Declève. Les chefs d’entreprises, par exemple, parquent souvent leur argent au sein de leur entreprise. Le réseau de détail et la banque d’affaires peuvent orienter ces profils vers nous, même s’ils ne sont pas encore fortunés. Une fois que le chef d’entreprise vendra son activité, nous pourrons l’assister dans la suite des opérations.”

L’assistance d’un groupe aussi solide que BNP Paribas est un atout, assure Stefan Van Geyt, director of investments : “En matière de private banking en tout cas, c’est la taille qui compte ! Ce groupe regorge de savoir-faire par rapport à toutes les classes d’actifs et formes d’investissement. Nos clients peuvent en profiter.” Il souligne par ailleurs que la gestion discrétionnaire de BNP Paribas Fortis s’organise systématiquement selon les principes de l’architecture ouverte. “Nous savons qu’un asset manager ne peut jamais être le meilleur dans toutes les catégories. C’est pourquoi nous sélectionnons les fonds qui, selon nos critères, sont les mieux gérés.”

BNP Paribas Fortis attribue également une grande attention au transfert de patrimoine, notamment dans la branche de Wealth Management (gestion de fortune), qui cible les clients possédant un patrimoine supérieur à 4 millions d’euros. Pas moins de 50 collaborateurs ont le statut d’ estate planners et sont capables de structurer les patrimoines en vue de leur transfert à la génération suivante.”

“Nous essayons surtout d’offrir aux clients ‘importants’ un accès direct aux meilleurs spécialistes, explique Xavier Declève. Nous pouvons du reste leur proposer d’investir en private equity, dans des biens immobiliers d’exception, des vignobles, et même directement dans certaines entreprises. Nos projets philanthropiques et nos investissements dans les entreprises à forte empreinte sociale suscitent un vif intérêt. A fortiori parce que nous pouvons démontrer que ces investissements ne produisent pas nécessairement un rendement inférieur.”

PATRICK CLAERHOUT

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