Les cinq erreurs de Blackberry

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Blackberry quitte le marché des consommateurs grand public pour se concentrer sur le marché professionnel. L’ancienne marque préférée des cadres est plus que jamais au bord du gouffre. Que s’est-il passé ?

Nouveau coup de tonnerre chez Blackberry. Après avoir licencié 5.000 personnes en 2012, l’entreprise canadienne remet le couvert avec un plan social concernant 4.500 membres du personnel, soit 40 % de ses effectifs. Cette annonce fait suite à des résultats – à nouveau – catastrophiques pour l’ancien champion du smartphone. Comme un certain Nokia, dont le rachat par Microsoft vient d’être annoncé, Backberry n’en finit pas de s’enfoncer. Ses derniers résultats font état d’une perte opérationnelle proche du milliard de dollars, en un seul trimestre ! La conséquence, selon le communiqué de Blackberry, d’un “environnement commercial de plus en plus compétitif”. L’explication est un peu courte : la situation périlleuse de Blackberry résulte surtout de choix stratégiques qui se sont révélés désastreux. Les voici. 1. Le tournant mal négocié du smartphone 2.0 En 1999, lorsque les premiers modèles de smartphones sont apparus sur le marché, l’interface de Blackberry était révolutionnaire. Très vite, elle a séduit les cadres et les chefs d’entreprise. Mais Blackberry (comme Nokia) n’a pas bien négocié le virage des smartphones 2.0 initié par Apple. L’interface ultra-léchée et surtout le tout nouveau marché d’applications développé par la marque à la pomme ont créé un nouveau standard. Blackberry est resté scotché à son ancienne vision des “téléphones intelligents”, celle d’un appareil centré sur l’échange de mails. Alors que la force d’Apple et d’Android (interface de Google) réside dans les gigantesques marchés d’applications qui permettent à l’utilisateur de personnaliser son smartphone. 2. La foi aveugle dans le clavier à touches Blackberry n’a jamais cru à l’avenir de l’écran tactile. Lors de la sortie de l’iPhone en 2007, son CEO Mike Lazaridis a lâché une réplique devenue culte : “Essayez de faire une recherche Internet sur l’écran d’un iPhone. C’est un vrai challenge. Impossible de voir ce que vous écrivez.” Un an plus tard, il récidivait : “Le clavier QWERTY d’un Blackberry est la tendance la plus excitante dans le mobile.” Pendant plusieurs années, les dirigeants de RIM (ancien nom de Blackberry) n’ont pas dévié de cette trajectoire, malgré le succès de l’iPhone puis des smartphones de Samsung, qui ont relégué le clavier aux oubliettes, au profit du tactile. L’entreprise a bien lancé des appareils faussement tactiles comme le Blackberry Storm, qui possédait un écran mobile appuyant lui-même sur des touches, mais le rendu était peu convaincant. La firme a ensuite tenté de combiner écran tactile et clavier (modèles Torch), sans plus de succès. Ce n’est qu’avec le lancement du Z10 début 2013 ( !) que Blackberry a finalement pris le virage du tactile. Trop tard. 3. L’échec du Z10 Le Z10 est le dernier né de la gamme Blackberry. La firme mettait beaucoup d’espoirs dans cet appareil haut de gamme, censé concurrencer (enfin) l’iPhone et des machines de pointe comme le Samsung Galaxy S3. Problème : ce smartphone “de la dernière chance” n’a pas trouvé son public. Blackberry a vendu à peine 3,7 millions de smartphones au cours du dernier semestre, quand Apple en vendait dix fois plus… avant même le lancement de ses derniers modèles d’iPhone, le 5S et le 5C. Résultat : des tonnes de Blackberry Z10 prennent la poussière dans les entrepôts de l’entreprise canadienne : la valeur du stock d’invendus est estimée par la firme elle-même à 960 millions de dollars ! Un échec cuisant. Il faut dire que Blackberry tentait un come-back quasiment désespéré sur un marché ultra-dominé par Samsung (30 % du marché mondial des smartphones selon IDC) et Apple (13 %). Aux dernières nouvelles, Blackberry ne représente plus que 2,8 % du marché mondial des smartphones. 4. La porte fermée à Android La firme a toujours misé sur les développements internes pour proposer un logiciel performant, refusant de faire appel à des entreprises extérieures, comme Google et son célèbre système Android, qui équipe 75 % des smartphones vendus dans le monde. Blackberry a racheté en 2010 QNX, une entreprise canadienne spécialisée, qui a planché sur le développement du système Blackberry 10. Problème : ce système d’exploitation a mis un temps fou à atterrir sur le marché. Les retards cumulés ont atteint plus d’un an. Le premier smartphone équipé de Blackberry 10 est le Z10, sorti au début de l’année… 5. L’importance sous-estimée du marché grand public Focalisée sur le marché professionnel, Blackberry n’a pas vu arriver la vague du BYOD (Bring Your Own Device). Ce phénomène est bien connu des départements informatiques des grandes entreprises. Depuis quelques années, les employés préfèrent venir au bureau avec leurs propres appareils : smartphones, tablettes, PC portables… A charge pour l’entreprise d’équiper leur machine préférée de tous les logiciels et accès professionnels nécessaires pour pouvoir travailler. Les smartphones sont donc devenus des terminaux tant personnels que professionnels. Historiquement moins présent sur le marché grand public, Blackberry s’est fait déborder par les iPhones et autres Galaxy de Samsung, aux designs et aux fonctionnalités plus alléchants. Fataliste, l’entreprise vient d’annoncer qu’elle se recentrait sur le marché professionnel et abandonnait le marché des consommateurs.

Gilles Quoistiaux

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