Les 3 priorités du nouveau patron des patrons wallons

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“Le redressement de la Wallonie passera par la croissance des entreprises”, estime Jean-François Heris, le nouveau président de l’Union wallonne des entreprises. Mais il faut agir vite, assure-t-il, pour que la Région devienne une pépinière de talents et pour que le climat social y soit plus serein.

“Il n’est pas moins cinq mais moins une !”. Pour Jean-François Heris, le CEO d’AGC Glass Europe et nouveau président de l’Union wallonne des entreprises (UWE), il y a urgence à agir. “La sixième réforme de l’Etat donne moins de moyens aux Régions avec le transfert de compétences. Il faut s’organiser et éviter le syndrome de l’opéra. A l’ouverture, on annonce que l’on va se mettre en mouvement et au cinquième acte, on n’est toujours pas parti !” Industriel pur jus guidé par le bons sens, Jean-François Heris entame donc son mandat de président “en mode action”. “Sous la houlette de mon prédécesseur Jean-Pierre Delwart, nous avons élaboré avec d’autres le programme Ambition 2020 qui fixe des objectifs et des priorités claires pour accélérer la relance de la Wallonie. On sait à présent ce qu’il faut faire, donc agissons !”

La priorité ultime du nouveau président est la croissance des entreprises. “Le bien-être des Wallons passe par plus d’activité économique. Pour ce faire, il faut plus d’entreprises et des entreprises plus grandes”, résume-t-il en plaidant en faveur d’une réindustrialisation de la Région wallonne. Comment ? “Je crois à la création de filières industrielles à l’instar de ce qui existe en Allemagne notamment dans le secteur automobile. La Wallonie doit recréer des filières complètes et intégrées car le marché est ici. La seule chose que l’on ne délocalisera pas, ce sont les 500 millions d’Européens. L’Union européenne est la seule zone du monde où le pouvoir d’achat est si élevé.”

1. Développer les formations en alternance

Mais pour ce faire, la Wallonie doit devenir une “pépinière de talents”. Et à ce niveau-là, il y a du pain sur la planche. “Il faut démultiplier les formations en alternance”, propose le patron des patrons sudistes en citant l’exemple de la Communauté germanophone, où “97 % des jeunes qui passent par la filière école/entreprise trouvent un emploi à l’issue de leur formation.” Et de fixer des objectifs. “Il faut que pour la prochaine rentrée scolaire, le nombre d’élèves qui suivent une formation en alternance et le nombre de stages en entreprise soient en augmentation.” Deuxième chantier sur lequel l’UWE planche avec le cabinet de Marie-Dominique Simonet : le relèvement de notre enseignement. “Les élèves francophones sont en retard d’une année par rapport à leurs camarades flamands. C’est particulièrement vrai en matière d’acquis scientifiques et mathématiques. Il faut expliquer dès les primaires à quoi servent les sciences et les maths.” Enfin, last but not least : la promotion des études scientifiques. “On n’a produit que 1.000 ingénieurs en Fédération Wallonie-Bruxelles cette année alors qu’il y a 10.000 emplois vacants.”

2. Simplifiez la vie des entrepreneurs !

Un message-clé aux pouvoirs publics : “simplifiez, simplifiez et encore simplifiez !”. On dénombre aujourd’hui 25 structures d’appui et 250 types d’aides différents pour les entreprises. Les jeunes entrepreneurs sont perdus dans ce dédale. Comment faire ? “Dans notre Plan Ambition 2020, nous préconisons de regrouper tout cela, à terme, autour de quatre agences : une agence pour l’emploi, une pour l’exportation, une pour l’entreprise et une pour l’innovation. C’est indispensable pour avoir une administration efficace qui soit au service des entreprises”, explique Jean-François Heris. Le service public représente 21,5 % de l’emploi en Wallonie contre 15 % en Flandre. “C’est pour cela, estime-t-il, que la réforme de l’Etat avec le transfert de compétences qui l’accompagne est une opportunité pour la Région wallonne. Utilisons le surplus de fonctionnaires que nous avons pour gérer ces nouvelles compétences et profitons-en pour faire un saut en termes d’efficacité.”

3. Conclure un pacte social avec les syndicats

Quelque 95 % des conflits sociaux se déroulent dans 5 % des entreprises, constate Jean-François Heris. Cela donne une image dramatique de la Wallonie aux investisseurs étrangers et cela constitue un frein à la croissance. Je suis choqué de voir combien de sociétés de 47 ou 48 employés ne franchissent pas la barre des 50 pour éviter la présence d’une délégation syndicale.” Sa solution ? “Certains patrons parlent de délinquance syndicale. Il faut bien peser les mots. Je ne suis pas pour la suppression de la représentation syndicale. Dans 95 % des cas, le dialogue social se passe très bien. Mais nous devons évoluer vers un syndicalisme responsable et constructif.” Pour lui, l’objectif est d’établir avec les syndicats, dans les prochains mois, un pacte social régional qui doit assurer un climat social serein propice au développement de l’activité en Wallonie.

Mais avant tout cela, le chantier à régler dans l’immédiat est la signature d’un nouvel accord interprofessionnel. Et vu la crise et le peu de marges, les négociations s’annoncent délicates. Sans attendre le coup d’envoi des discussions, Jean-François Heris en appelle à la sagesse. Et d’en référer à notre coût salarial horaire qui plombe notre compétitivité : il est de 5 euros supérieur à la France et de 9 euros plus élevé qu’en Allemagne. “Sans accorder de revalorisation salariale, le coût du travail va tout de même croître, avec l’inflation, de quelque 6 % sur trois ans. Or, on ne peut pas continuer à creuser notre déficit de compétitivité par rapport à nos voisins. Il faut revoir le fonctionnement de l’indexation !”

Enfin, contrairement aux patrons flamands – qui par la voix du Voka et, récemment, de Luc Bertrand (Ackermans &van Haaren) – ne cessent de critiquer la politique trop à gauche du gouvernement Di Rupo, Jean-François Heris reste fidèle à la politique de l’UWE. “Notre priorité n’est pas de faire de la politique (Ndlr, les patrons flamands veulent arriver au confédéralisme) mais de redresser la Wallonie avec et par les entreprises. Et quoi qu’il arrive au niveau institutionnel, il est indispensable que la Wallonie soit dans une meilleure forme économique !” Alors, action !

Sandrine Vandendooren

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