Le Québec parie sur nos technologies vertes

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Après la bière, le chocolat et les biotechnologies, la Belgique se distingue désormais à l’international dans un autre registre : les technologies propres. La preuve avec le salon Americana à Montréal, rendez-vous incontournable des spécialistes mondiaux de l’environnement, où notre pays était cette année l’invité d’honneur.

Nul n’est prophète en son pays. Pendant que le gouvernement wallon se déchirait au sujet de sa politique énergétique et environnementale, le Québec faisait, il y a deux semaines, la promotion de nos technologies vertes dans le cadre d’Americana. Ce salon, qui constitue le plus important rassemblement multisectoriel en environnement d’Amérique du Nord, avait choisi la Belgique pour être, du 19 au 21 mars, l’invité d’honneur de cet événement.

Trente entreprises, trois centres de recherche et cinq associations professionnelles des trois Régions (Wallonie, Flandre et Bruxelles-Capitale) — soit quelque 70 personnes au total — composaient la délégation belge. “La plus importante jamais venue à Americana”, selon Stéphanie Myre, présidente-directrice générale de Réseau Environnement, organisateur d’Americana. Avec des firmes actives dans des secteurs aussi divers que le dragage (Dredging et Jan de Nul), le recyclage des déchets (Menart , AMB Ecosteryl, lire l’encadré ci-dessous), la dépollution des sols (TPS Technologies), le traitement des eaux usées (Waterleau, Exelio) ou encore la conversion énergétique de la biomasse par gazéification (Xylowatt), les multiples facettes du savoir-faire belge en matière de cleantech étaient bien représentées au pavillon belge, inauguré par le ministre-président flamand,Kris Peeters, en mission économique dans la Belle Province.

Un secteur qui pèse de plus en plus lourd
Moins en vue que le secteur de la santé et des biotechnologies dans lequel la Belgique excelle, l’industrie de l’environnement pèse de plus en plus lourd dans notre tissu économique. Selon une étude du bureau du Bureau du Plan, le nombre d’entreprises actives dans ce secteur en Belgique a augmenté de 44 % entre 1995 et 2005 tandis que l’emploi progressait de 40 % pour représenter au total 77.000 unités. C’est que, dans notre petit pays densément peuplé et plaque tournante de la distribution au coeur de l’Europe, la nécessité d’une économie verte tant d’un point de vue économique qu’environnemental s’est imposée très tôt. Cela a favorisé le développement de technologies innovantes en s’appuyant sur un important réseau d’universités. Rien d’étonnant à ce que les cleantech soient devenues l’un des six domaines sur lequel le gouvernement wallon mise pour relancer son économie dans le cadre du Plan Marshall 2.Vert. GreenWin, le pôle de compétitivité wallon dédié à l’économie verte et au développement durable, couvre aussi bien les technologies environnementales que les matériaux durables et la chimie verte. Selon Alain Lesage, directeur général de GreenWin, ce secteur occupe à ce jour quelque 40.000 emplois en Wallonie et à Bruxelles. “Notre présence en force à Americana donne à nos entreprises une visibilité internationale et leur permet de nouer des partenariats avec des entreprises nord-américaines comme elles font déjà à l’intérieur des frontières européennes”, indique le responsable.

Une expertise complémentaire des deux côtés de l’Atlantique
En matière d’environnement, tant le Québec que la Wallonie ont une expertise à partager. Le premier est non seulement un très bon élève en matière d’énergie renouvelable (97 % de sa production d’énergie est de nature hydro-électrique, à faible empreinte carbone), mais il figure aussi parmi les économies appliquant les normes de protection de l’environnement les plus hautes. Et ses politiques environnementales dans la gestion des matières résiduelles et de l’eau font de cette région un précurseur dans ce domaine. “Nous avons pris position pour l’économie verte, en mettant l’accent sur l’innovation et la création de produits respectueux de l’environnement”, affirme Elaine Zakaïb, ministre déléguée à la Politique industrielle du Québec. La Belle Province a développé des technologies de pointe dans les domaines, entre autres, du traitement des eaux usées et des odeurs. A titre d’exemple, citons la firme Odotech, qui a mis au point un outil de mesure et de gestion en continu des déchets odorants.

Selon Ecotech Québec, la grappe locale des technologies propres, cette province du Canada compte près de 1.000 organisations liées aux technologies propres, dont environ 400 entreprises innovantes et plus de 200 regroupements de recherche publique. “La Wallonie et le Québec ont clairement des affinités dans certains domaines particuliers comme la chimie verte, l’écoconstruction ou encore l’efficacité énergétique, estime Denis Leclerc, le président d’Ecotech. Nous avons identifié et évalué avec GreenWin les possibilités de partenariat au bénéfice de nos entreprises innovantes respectives.”

La Belgique entretient depuis longtemps des liens commerciaux importants avec le Canada et plus particulièrement avec le Québec. Le royaume est le huitième fournisseur du Québec au sein de l’Europe des 27 et le 21e au niveau mondial. Grâce notamment à sa proximité linguistique naturelle, il fait partie des six marchés prioritaires du Québec en Europe. “Au sein du gouvernement, nous avons à coeur de travailler à une francophonie économique mondiale, souligne Yves Lafortune, directeur à Export Québec. Le Québec, avec Montréal et la ville de Québec, est une porte d’entrée pour les entreprises belges voulant s’implanter en Amérique du Nord. A l’inverse, Bruxelles et Anvers constituent un hub pour les Québécois désirant attaquer le marché européen.” Les technologies environnementales ont été identifiées, ajoute-t-il, comme un secteur à promouvoir prioritairement en Belgique, au même titre que l’aéronautique et les technologies de pointe.

Un “Welcome Office” dédié aux technologies propres à Tournai D’où la présence au salon Americana de l’Awex, l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers, venue cibler des entreprises québécoises cherchant à s’implanter en Europe. Dans ce domaine, la Wallonie ne manque pas d’atouts : un “Welcome Office”, dédié au domaine des cleantech ouvrira ses portes en mai à Tournai. Son principe ? “Un investisseur étranger potentiel reçoit gratuitement un bureau à sa disposition ainsi qu’un service d’interprétariat pendant une période allant de trois jours à trois mois. Il est ainsi chouchouté, le but étant de l’inciter à investir en Wallonie”, explique Bernard Mathieu, expert en développement durable et technologies environnementales pour l’Awex et GreenWin.

Les deux pays n’ont toutefois pas attendu ce salon pour tisser des liens verts. Le ministère du Développement durable et de l’Environnement québécois a signé avec la SPAQuE — filiale de la Société régionale d’investissement de Wallonie, chargée de la réhabilitation des décharges et des friches industrielles — et l’Institut bruxellois de gestion de l’environnement (IBGE) des accords de coopération portant sur la réhabilitation de terrains contaminés.

“C’est avec la Belgique que la coopération est la plus poussée et la plus structurée dans ce domaine”, précise Michel Beaulieu, conseiller scientifique au ministère de l’Environnement du Québec. Concrètement ? “Bruxelles s’est inspirée de notre programme d’incitants financiers destinés à la réhabilitation des sols pour lancer son programme de subsides Bruxelles Greenfields”, détaille l’expert canadien. Dans l’autre sens, poursuit-il, le Québec s’intéresse de près à Bofas, le fonds qui vise à assainir le sol de toutes les stations-services de Belgique. On l’a compris : la Belgique et le Québec ont un avenir vert en commun tout tracé…

Sandrine Vandendooren à Montréal

Menart, pionnier des machines de compostage au Québec

La société Menart de Dour, spécialisée dans la conception et la fabrication des équipements pour le traitement et la valorisation des déchets organiques (fumier, compost, déchets agro-industriels et alimentaires, boues, ordures ménagères), exporte 90 % de sa production et est présente sur le marché québécois depuis 1992. “Nous avons été le premier fournisseur de ce type d’équipement au Québec”, relève Jean-Claude Menart, le CEO de l’entreprise familiale qui emploie 37 personnes à Dour et sept dans le nord de la France. Après avoir disposé d’une filiale sur place, la PME hainuyère a préféré travailler avec un importateur local pour conquérir le marché québécois. Depuis 2008, elle a signé un accord de distribution exclusif avec Métallurgie des Appalaches, une société située entre Montréal et Québec. “Les retourneurs à compost et les broyeurs Menart complètent parfaitement notre gamme de produits”, explique Ian Morin, représentant du partenaire canadien. Pour l’heure, les ventes au Québec représentent entre 5 et 7 % du chiffre d’affaires de Menart (8 millions d’euros). Mais ce pourcentage, estime Jean-Claude Menart, est appelée à doubler d’ici deux ans. “Nous sommes en lice pour plusieurs appels d’offre publiques et privés.” En outre, souligne Ian Morin, le principe du compostage qui n’est pas encore très développé au Québec (l’enfouissement y étant plus prisé vu les espaces disponibles) est amené à gagner en importance. Le gouvernement s’est fixé comme objectif de recycler 60 % des matières organiques d’ici 2020.” C’est dire le potentiel.

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