Le patron de la FEB: “Les syndicats n’ont pas voulu entamer le dialogue social”

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Deux-cent quarante milliards d’euros, c’est le montant des liquidités que les sociétés belges ont dans leurs coffres. Que vont faire les entreprises de cet argent qui pourrait soutenir l’investissement ? Nous avons posé la question à Pieter Timmermans (FEB).

Deux-cent quarante milliards d’euros, ce chiffre ressort d’une étude réalisée par B-Information, la société spécialisée dans l’information financière, qui a analysé sur ces six dernières années les bilans déposés par les sociétés non financières du pays. Que vont faire les entreprises de cet argent qui pourrait soutenir l’investissement, mais qui hésitent encore en raison de la conjoncture économique?

Nous avons posé la question à cinq patrons: Luc Bertrand (AvH), Serge Fautré (AG Real Estate), Pieter Timmermans (FEB), Rik Vanpeteghem (Deloitte), Rik Vandenberghe (ING Belgium).

Aujourd’hui, l’interview de Pieter Timmermans, CEO de la FEB.

Pieter Timmermans est le patron de la FEB, la Fédération des entreprises de Belgique. Ce nouveau gouvernement, en voulant restaurer la confiance et la compétitivité, va dans la bonne voie, dit-il. Mais la route pour restaurer la croissance et amener au final davantage de prospérité est encore longue.

D’après une enquête de Deloitte, les entreprises paraissent relativement peu sensibles aux “incentives des pouvoirs publics”. Cela vous étonne ?

L’étude parle de “government incentives”, c’est-à-dire de subsides des pouvoirs publics. Ce n’est pas la même chose que le climat général pour les affaires. Créer dans un pays un climat favorable aux affaires est important, et cela a à voir avec la compétitivité, la prévisibilité des politiques, la stabilité. L’objectif principal du gouvernement consiste en premier lieu de restaurer la compétitivité. Si vous ne pouvez pas être concurrentiels ici, vous n’investissez pas, ou vous investissez ailleurs. Ensuite, il s’agit de mener un politique stable. D’où l’appel du gouvernement à une stabilité fiscale. On ne peut pas changer dans six mois les modalités de déductions des intérêts notionnels. Enfin, la prévisibilité. Charles Michel l’a dit : le gouvernement s’engage à réduire le handicap salarial sur une certaine période, à réaliser un saut d’index en 2015 et réduire les charges sociales d’un milliard en 2016. Ce sont des mesures phares, claires, simples et prévisibles…. Pour une entreprise il est important de savoir ce qui va se passer dans les deux ou trois années à venir.

Il s’agit donc de redonner un certain sentiment de confiance ?

Oui, la confiance a été mise à mal par certaines mesures du passé. Les entrepreneurs ont été stigmatisés.

Quel rôle veut jouer la FEB dans ce contexte ?

Un double rôle. Informer les autorités publiques de l’importance de prendre de bonnes mesures soutenant l’investissement. Les investissements d’aujourd’hui sont les emplois de demain et le pouvoir d ‘achat d’après-demain. Et informer les entrepreneurs de ces mesures.

Vous ne voulez pas aiguiller les entrepreneurs vers certains types d’investissements plutôt que tels autres ?

Non, ce n’est pas notre rôle. Notre rôle est de favoriser le climat entrepreneurial, d’encourager les entrepreneurs. Mais pas de privilégier tel secteur ou tel type d’investissement.

Mais si le gouvernement décide de favoriser par exemple le centre financier de Bruxelles ?

Le secteur financier est évidemment un pilier de notre système économique. Et nous avons toujours soutenu le centre financier de Bruxelles. Au vu de son importance pour l’emploi, de la place de Bruxelles au coeur de l’Europe, de la présence de nombreuses institutions internationales… oui Bruxelles doit développer son centre financier. Mais le gouvernement ne pourrait pas par exemple décider unilatéralement d’une baisse des charges sociales pour cette activité. L’Europe ne permet pas de favoriser un secteur. Ce qu’il est possible de faire, en revanche, c’est de créer des conditions favorables, en termes d’infrastructure par exemple, pour favoriser l’installation de tel type d’établissements ou de tel centre de recherche. Il est ainsi possible de mettre en place une politique destinée à intensifier la coopération entre l’enseignement et les entreprises. Notre rôle à la FEB consiste d’ailleurs à jouer les go between : l’enseignement et la recherche sont régionalisés, mais les affaires internationales sont fédérales. Les entreprises ne regardent pas nos différences institutionnelles.

Sur l’enseignement justement, vous ne pensez pas que nous avons encore un enseignement trop “ex cathedra”, quand on le compare par exemple à ce qui se passe en Allemagne avec les formations en entreprises ?

Le chômage des jeunes en Allemagne s’élève à 7 ou 8%. Chez nous il est deux à trois fois plus élevé. Ce système dual qui existe en Allemagne, alternant la formation en entreprises et l’enseignement à l’école est crucial pour la mise au travail des jeunes. C’est aussi une pierre angulaire de plan d’action 2015 de la FEB qui vise à combattre le chômage des jeunes. Une autre piste à travailler est de mettre réellement en oeuvre le slogan ‘be international’ (soyez international). Il faut renforcer dans nos écoles l’enseignement en anglais, qui est la langue des affaires.

On voit aussi que les entreprises continuent à considérer l’Europe comme leur marché principal. Quel atout a notre continent face à des régions qui offrent davantage de croissance ?

Il faut distinguer les économies adultes et celles qui sont encore en développement. Et cette distinction se répercute aussi dans les produits. En Asie ou en Amérique latine, nous assistons à la montée en puissance de la classe moyenne, ce qui offre un potentiel de croissance pour des produits de consommation classiques comme les voitures. Les produits technologiques trouveront en revanche toujours ici une demande de la part d’une population qui a un pouvoir d’achat relativement élevé. L’Europe offre également une présence de centres universitaires de haut niveau et de centre de recherche.

Mais dans la famille des économies “adultes”, il existe une différence sensible entre l’Europe, qui stagne, et les Etats-Unis, où la reprise est confirmée.

Cela s’explique par d’autres éléments : l’Europe a une population vieillissante, ne produit pas de gaz de schiste … Oui en Europe, et le Conseil de l’Union européenne l’a reconnu, il faut mettre en oeuvre des politiques plus volontaristes en faveur de la compétitivité, de l’énergie…

L’énergie. C’est un problème particulier dans notre pays, non, avec des prix toujours élevés pour les entreprises et une menace de black-out !

Oui, la pression de plus en plus grande sur les prix énergétiques est la préoccupation la plus importante, après les couts salariaux, des entrepreneurs belges. La politique énergétique doit donc être traitée au niveau européen.

Il y a aujourd’hui une situation difficile au niveau social. Le dialogue social paraît rompu. Que faire pour le réenclencher ?

Le dialogue n’a pas été rompu par notre faute. Les syndicats n’ont pas voulu l’entamer. J’ai souvent le sentiment que les syndicats recherchent le statu quo. “Contentons-nous de ce que nous avons”. Mais ce n’est pas penser à l’avenir, ni à l’avenir de nos enfants et nos petits-enfants. Nous, les employeurs, nous disons que nous ne pouvons pas étudier plus longtemps, vivre plus longtemps travailler moins et bénéficier d’une pension plus élevée. C’est impossible. Il faut réformer les pensions et le marché du travail, et être davantage compétitifs. “Business, growth, prosperity” : entrepreneuriat, croissance et prospérité. C’est l’ordre à suivre, et qui l’a été par les économies que l’on cite en modèle : l’Allemagne et les pays scandinaves.

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