“Le partenaire économique naturel de la Flandre, c’est la Wallonie”

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Un entrepreneur flamand à la tête des pôles de compétitivité wallons, il fallait l’oser. Le ministre de l’Economie Jean-Claude Marcourt a posé ce choix en 2006, en désignant Luc Vansteenkiste, ancien patron de Recticel et ancien président de la FEB.

Onze ans plus tard, l’homme est toujours en poste et constitue un interlocuteur incontournable pour évoquer les relations économiques entre les deux régions. “Nous nous sommes connus quand je présidais la FEB et que Jean-Claude Marcourt était chef de cabinet de la ministre de l’Emploi, Laurette Onkelinx, se souvient Luc Vansteenkiste. Lors des négociations sur l’accord interprofessionnel, nous avons apprécié la capacité de chacun de tenir sa parole.”

LUC VANSTEENKISTE. Les médias ne regardent plus trop ce qui se passe dans l’autre communauté, il est donc assez rare qu’on me parle de la Wallonie. Les industriels, en revanche, ont entendu que des choses positives se passaient dans le sud du pays. Ceux-là, oui, ils m’interrogent. Ils cherchent les pépites dans lesquelles investir, ils ne veulent pas laisser passer une occasion. Donc, du côté des personnes qui détiennent le pouvoir de décision économique, oui, il y a un véritable intérêt envers la Wallonie.

Quel fut le déclic pour ces investisseurs venus de Flandre ?

Les pôles de compétitivité ont enlevé la grande crainte existentielle sur le financement de la recherche. Il y a une continuité de la stratégie politique depuis plus de 10 ans maintenant. On mise sur le long terme, avec des acteurs professionnels et indépendants. Les moyens sont affectés dans des secteurs bien choisis, on ne parle pas de saupoudrage. Et surtout, les projets sont approuvés par un jury composé d’industriels, indépendants des éventuelles pressions politiques. C’est le grand apport des pôles de compétitivité.

En la matière, la Wallonie montre-t-elle l’exemple ? Devrait-elle inspirer la Flandre ?

La Flandre a montré l’exemple en créant, il y a 25 ans, le Vlaams Instituut voor Biotechnologie, un organe indépendant, via lequel des experts non politiques décident de la subsidiation de projets de recherche. Le démarrage fut compliqué mais le VIB a eu le soutien constant du ministre Luc Van den Brande, comme le Plan Marshall a celui de Jean-Claude Marcourt. Aujourd’hui, c’est une réussite incroyable : le VIB est le deuxième institut de recherche en biotechnologies au monde, après les Etats-Unis.

C’est donc l’inverse : cet institut a servi d’exemple à la Wallonie…

Oui, mais la Wallonie a choisi de constituer plusieurs pôles de compétitivité et ceux-ci planchent directement sur la valorisation des projets de recherche, là où le VIB laisse la valorisation aux mains des industriels dans un deuxième temps. La capacité de valorisation industrielle de la recherche, c’est l’une des grosses faiblesses de la Belgique. Tout simplement pour une question de taille : l’entreprise qui développe un médicament aux Etats-Unis a tout de suite accès à un marché énorme. C’est loin d’être le cas chez nous. Surtout si on divise encore notre marché intérieur en deux ou en trois.

Du point de vue institutionnel, la Belgique est peut-être divisée. Mais l’ampleur des investissements flamands en Wallonie ne montre-t-elle pas qu’elle reste plus unie sur le plan économique ?

Certains acteurs le cachent peut-être un peu mais nos économies régionales sont très imbriquées. Le partenaire économique naturel de la Flandre, c’est la Région wallonne. Les industriels connaissent parfaitement cette vérité économique. Ils trouvent trois avantages en Wallonie : de l’espace pour développer leurs entreprises ; des procédures d’obtention de permis plus simples qu’en Flandre, où la densité de population est plus forte ; et donc cette dynamique d’innovation lancée par les pôles de compétitivité. Il se passe quelque chose en Wallonie et les investisseurs financiers veulent y être.

Voilà les atouts de la Wallonie. Mais quels sont les lacunes, selon vous ?

Je vous l’ai dit, la taille du marché. Mais aussi la perception des relations syndicales. J’essaie de convaincre, en Flandre, que les choses sont largement exagérées, notamment dans les médias, qu’il y a une vraie capacité de dialogue, même si la culture sur ce plan est différente par rapport à la Flandre.

Cela étant, le discours a évolué. Je rencontre énormément de jeunes entrepreneurs. Ils insufflent un esprit positif, mettent l’accent sur ce qui est porteur. Et, sincèrement, je ne les entends jamais se plaindre du rôle des syndicats.

A vous entendre, on a un peu l’impression que vous êtes l’ambassadeur de la Wallonie auprès des entrepreneurs flamands…

J’essaie effectivement de jouer ce rôle. Au début, il y a eu un peu d’étonnement. Surtout quand j’expliquais l’indépendance totale qu’on me donnait et sans laquelle je n’aurais d’ailleurs pas accepté cette mission. Je vous l’affirme : Jean-Claude Marcourt et son cabinet ne sont jamais intervenus dans les choix du jury des pôles. Quand il le faut, on s’explique directement entre nous, dans le respect et la loyauté. Une telle chose est donc possible en Wallonie ! Petit à petit, des entreprises m’ont contacté pour avoir des infos, pour être mis en contact avec untel ou unetelle.

Il faut faire comprendre à tous l’intérêt d’une franche collaboration entre nos régions. Je pense par exemple à l’industrie aéronautique et spatiale, mieux implantée en Wallonie. Il faut en tenir compte sans tabou dans la répartition des programmes européens. Si le secteur se développe en Belgique, cela profite aussi aux entreprises flamandes.

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