Le dossier explosif de la centrale nucléaire d’Hinkley Point en 5 questions

© Reuters

Le projet Hinkley Point C va être la première construction d’une centrale nucléaire au Royaume-Uni en plus de 20 ans. Mais ce projet gigantesque a mis des années à obtenir les feux verts nécessaires et suscite de fortes oppositions au Royaume-Uni.

Voici un passage en revue de ce dossier explosif aux lourds enjeux politiques, diplomatiques, énergétiques, environnementaux et financiers.

Pourquoi le gouvernement a-t-il mis ce projet sur les rails et quels sont ses avantages ?

Parce qu’une seule des huit centrales nucléaires britanniques en fonctionnement sera encore opérationnelle après 2030. Or, le nucléaire a représenté 19% de l’électricité produite au Royaume-Uni l’an passé et le charbon 30%, alors que les centrales fonctionnant à partir de ce combustible sont aussi vouées à la fermeture.

Londres doit donc trouver des solutions de remplacement, au point que les partisans d’Hinkley ont averti que la lumière risquait tout simplement de s’éteindre sans ces nouveaux réacteurs nucléaires. Le Royaume-Uni est aussi contraint de respecter son objectif de réduire de 57% ses émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

“L’accord constitue un bond en avant pour la production d’énergie future à faible taux en carbone”, se réjouit Ben Britton, du département des Sciences des Matériaux de l’Imperial College London, soulignant que ce projet allait bénéficier d’investissements massifs et du savoir-faire étrangers.

Pourquoi les Chinois sont-ils entrés dans la partie et pourquoi cela effraie-t-il ?

Maître d’oeuvre, le Français EDF n’avait pas les moyens de financer seul ce projet pharaonique évalué à 18 milliards de livres (plus de 21 milliards d’euros). Désireux d’entrer sur le marché occidental du nucléaire civil, les Chinois ont proposé leur appui.

Inconditionnel de la coopération avec Pékin, le Premier ministre d’alors David Cameron a facilité l’entrée de la compagnie étatique CGN au capital du projet. Mais cette participation a inquiété et les protestations se sont faites plus bruyantes après la démission de M. Cameron fin juin. Le chef de cabinet de son successeur, Mme Theresa May, figure parmi ceux qui jugent dangereux de fournir à Pékin un droit de regard sur l’électricité britannique.

Le gouvernement espère apaiser ces inquiétudes en prévoyant une participation de l’Etat britannique aux futurs grands projets d’infrastructures… dont la construction possible d’un réacteur de technologie purement chinoise.

Pourquoi ce projet coûte-t-il si cher et qui va payer à la fin ?

La technologie nucléaire requiert des investissements importants et celui-ci est colossal, avec deux réacteurs qui seraient parmi les plus puissants du monde. Au-delà du matériel de pointe nécessaire, la construction comprend l’acquisition des terrains, les procédures d’homologation et la formation des équipes.

Le coût final sera supporté par le consommateur britannique car un prix garanti par les autorités a été promis à EDF – 92,5 livres par mégawattheure produit, un tarif jugé trop élevé par les détracteurs, car égal à deux fois les prix de gros actuellement constatés sur les marchés.

Quels sont les risques associés ?

La construction de plusieurs réacteurs EPR connaît des déboires comme à Flamanville (nord-ouest de la France) et à Olkiluoto (sud-ouest de la Finlande), où les travaux ont occasionné d’immenses surcoûts et d’importants retards.

Hinkley Point est censé fournir de l’électricité à partir de 2025, mais des experts doutent de la tenue de ce délai notamment du fait des défis technologiques. EDF va de plus devoir s’escrimer à rassembler les fonds nécessaires, alors que le groupe doit déjà assurer la rénovation du parc nucléaire français et l’achat de l’activité réacteurs d’Areva.

Des contentieux sont de surcroît en cours à Bruxelles et la technologie nucléaire n’est pas sans risque comme l’a montré l’accident de Fukushima au Japon en 2011.

Quelles autres options sont mises en avant ?

Des spécialistes évoquent des projets nucléaires de plus petite ampleur, plus facile à mettre en oeuvre et moins catastrophiques en cas d’accident.

“Il n’y a pas une unique solution de remplacement viable, mais davantage un ensemble de mesures consistant à améliorer l’efficacité énergétique, à promouvoir les économies d’énergie et à augmenter les sources d’énergie renouvelables”, explique à l’AFP Olivia Gippner, chercheuse à la London School of Economics.

Les énergies renouvelables (éoliennes, hydroélectricité, énergie solaire, biomasse, etc.) ont représenté 19% de la production électrique britannique l’an passé et l’éolien y est particulièrement prometteur, que ce soit sur terre ou au large des côtes.

Soumises aux caprices du climat, les éoliennes ont toutefois besoin de technologies avancées dans le stockage d’électricité et les critiques regrettent que le choix d’Hinkley ne réduise les fonds disponibles pour la recherche dans ces domaines.

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