Le crépuscule des porteurs chinois, bêtes de somme du boom économique

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Depuis des millénaires, ils sont l’image même de la Chine laborieuse. Dans la torpeur de cette fin d’été, avec leur tige de bambou à l’épaule, ils transportent leurs charges le long des côtes de Chongqing (sud-ouest). Mais face à la concurrence de la fourgonnette et du scooter, leurs jours semblent comptés.

Quand Li Ming est arrivé, il y a trois décennies, dans cette mégapole célèbre pour ses dénivelés, les travaux de force ne manquaient pas: le jeune paysan rejoignait tout naturellement l’armée des “bang-bang”, le surnom donné aux hommes et aux femmes chargés de transporter des marchandises tantôt à bout de palanche en bambou, tantôt sur une remorque à bras.

Le crépuscule des porteurs chinois, bêtes de somme du boom économique
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Aujourd’hui âgé de 56 ans, Li Ming continue à arpenter les dures pentes de Chongqing. Mais il est souvent doublé par des jeunes coursiers employés par des sociétés de logistique, qui livrent plus vite que lui en camionnette ou à scooter.

“Je n’ai pas suffisamment d’instruction pour changer de métier. C’est le seul travail que j’exerce depuis que je suis arrivé en ville”, témoigne le travailleur pour l’AFP, alors qu’il attend le client devant un marché de gros.

“Les jeunes ne veulent pas faire ce travail, c’est trop dur, alors tous les bang-bang sont très vieux”, remarque-t-il.

Le boom économique chinois a largement été bâti sur les épaules de gens comme Li Ming, sans instruction et mal payés, mais qui parvenaient tout de même par leur travail à offrir une vie un peu meilleure à leurs enfants. Aujourd’hui âgés de plus de 50 ans, ils sont les derniers vestiges des débuts du décollage de l’économie chinoise.

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D’après une étude de l’Université de Chongqing, la métropole des bords du Yangtsé comptait encore entre 300.000 et 400.000 porteurs en 2010, mais les intéressés assurent qu’ils ne sont aujourd’hui pas plus de 10.000 encore en activité.

Alors que le thermomètre dépasse les 40 degrés, la plupart des 18 millions d’habitants de la ville restent calfeutrés chez eux. Mais les porteurs efflanqués escaladent encore les rues torse nu pour 15 yuans (2 euros) la course. Quand les affaires marchent, Li Ming dit qu’il peut gagner jusqu’à 80 yuans (10 euros) par jour, mais ces derniers temps, il n’empoche pas même la moitié de cette somme.

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Appareils électroniques, boîtes à chaussures, draps ou couvertures s’entassent sur les trottoirs, attendant d’être chargés par des scooters ou des tricycles à moteur. “Les jeunes coursiers sont paresseux”, peste Li Ming. “Un bang-bang est toujours là quand on a besoin de lui, mais un coursier à moteur ne livre que quand ça ne le dérange pas trop”.

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