Le crédit pour les PME ne tarit pas

© Thinkstock

Malgré la récession, les PME parviennent toujours à accéder aux financements nécessaires. En revanche, les micro-entreprises de moins de 10 salariés rencontrent nettement plus de difficultés que les PME de plus grande taille. Quant aux relations avec les banquiers, celles-ci sont bonnes mais pas optimales.

Au cours des 12 derniers mois, les PME n’ont pas été confrontées plus que de coutume au rejet de leurs demandes de crédits par leur banquier. L’étude nationale conduite par le CeFiP (Centre de Connaissances du Financement des PME) révèle en effet que seules 12,9 % des entreprises sondées se sont vues refuser un crédit bancaire. C’est moins qu’en 2010 (14,8 % de refus) et qu’en 2009 (17,3 %). Malgré la récession qui sévit depuis fin 2011 _les répondants ont été interrogés à l’automne dernier_, les institutions financières n’ont donc pas spécialement resserré les cordons de la bourse.

Tout comme les années précédentes, les refus d’octroi de crédit concernent surtout les lignes de moins de 25.000 euros. L’étude opère cependant une distinction entre d’une part les PME de moins de 250 salariés dégageant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros, et de l’autre, les micro-entreprises, à savoir des sociétés employant moins de 10 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur au million d’euros.

Manifestement, les micro-entreprises ont éprouvé davantage de difficultés à décrocher une ligne de crédit auprès de leur institution. Les fins de non-recevoir opposées à ce type de sociétés ont augmenté à 21,1 % du total, ce qui représente une hausse par rapport à 2010 (pourcentage de refus de 19,6 %) mais toujours moins que les plus de 26 % de répondants qui ont essuyé un refus en 2009. Parmi les plus grandes PME, les réponses négatives ont atteint 10,7 % des demandes en 2011.

Manque de garanties

Selon Frédéric Lernoux, CEO du CeFiP, cette différence entre les micro-entreprises et les PME résulte d’une plus grande aversion au risque des banques.

“On constate une certaine retenue de la part des organismes financiers. Les petits indépendants se préparent d’une autre manière à l’entretien avec le banquier que les grandes entreprises, analyse Frédéric Lernoux. Les PME abordent de manière plus ingénieuse leur dossier, sous un angle mathématique, avec une batterie de ratios destinée à convaincre la banque.

De même, les bailleurs de fonds passent les dossiers au crible à l’aide de logiciels calculant des algorithmes et autres formules. L’impact sur notre économie d’un durcissement des conditions d’accès au crédit pour les petites entreprises n’est pas négligeable. Finalement, 92 % des entreprises comptent moins de 10 employés.” Le directeur du CeFiP remarque par ailleurs que le financement bancaire en Belgique demeure très important dans la mesure où le marché du capital-risque est moins développé ici que le marché de l’octroi de crédits.

Les raisons pour lesquelles les banques refusent d’ouvrir une ligne de crédit sont diverses. La première tient aux conditions plus strictes, découlant notamment du durcissement de certaines réglementations, comme les nouvelles normes de Bâle (à l’origine de 38,2 % des refus).

Suivent le manque de garanties (31 %) et l’exiguïté des fonds propres (25,9 %). Enfin, la dernière raison tient à la capacité de remboursement insuffisante. ” Cette dernière raison est certainement la moins importante, ajoute Frédéric Lernoux. Cela dit, elle démontre que les motifs du rejet ne résident pas uniquement dans les banques. La santé financière de l’entreprise à proprement parler et la production des moyens nécessaires pour pouvoir satisfaire aux engagements demeurent évidemment essentiels.”

L’étude du CeFiP révèle que la caution personnelle figure souvent parmi le cortège des garanties demandées. La difficulté à donner cette caution constitue un obstacle important à l’obtention d’un financement bancaire par les PME, et à plus forte raison les micro-entreprises. Le CeFiP plaide depuis un certain temps pour que les banques fassent moins appel à cette forme de règlement par la garantie car celle-ci pèse lourd sur le patrimoine personnel des chefs d’entreprises.

Crédit de caisse coûteux

Autre point qui n’a pas échappé à Frédéric Lernoux : l’étude met en lumière les deux revers de la médaille. Selon lui, on ne doit pas se concentrer uniquement sur les refus de crédits. 63,7 % des entreprises n’ont eu aucune peine à contracter un emprunt. Huit pour cent des sociétés qui ont obtenu un crédit l’ont décroché au terme de négociations difficiles.

Les banquiers adoptent également une autre attitude en fonction du motif allégué pour le crédit : investissements, recherche et développement ou encore soutien du volet opérationnel. “Les banquiers sont toujours plus enclins à financer des investissements tangibles, comme des immeubles ou du matériel et des installations”, poursuit Frédéric Lernoux

Constat étonnant : l’étude du CeFiP révèle que 52,4 % des répondants financent plus de 75 % de leurs besoins en financement par fonds propres. Par exemple par l’intermédiaire du propriétaire qui procède lui-même à une recapitalisation. Et surtout : le réinvestissement systématique des bénéfices. Les taux de financement via les fonds propres ne diffèrent pas significativement des précédentes études. Les formes de financement externes les plus utilisées sont du reste identiques depuis de longues années : crédits d’investissement, leasing, crédit de caisse et straight loans. Ce dernier outil est une avance de caisse attribuée pour un montant donné et une durée déterminée. Le remboursement s’effectue en une seule tranche (capital et intérêts) à l’échéance. Le straight loan est moins coûteux que le crédit de caisse, mais le remboursement de cette dernière forme de financement est totalement libre.

“Les PME et les micro-entreprises ne se trouvent pas vraiment dans la même situation à ce niveau, souligne Frédéric Lernoux. Le leasing et les straight loans sont taillés sur mesure pour la PME un peu plus grande, pas pour le chef d’entreprise indépendant qui n’emploie qu’une poignée de salariés. Cela dit, ils sont nettement moins coûteux que le crédit de caisse, auquel le petit indépendant doit régulièrement faire appel. Les banques ont certes pu emprunter 1.000 milliards d’euros à la Banque centrale européenne à un taux d’à peine 1 %, mais avec le crédit de caisse, elles octroient des crédits de court terme à 10 ou 12 %, ce qui représente une plus-value substantielle pour ces organismes financiers. D’où la nécessité actuelle de bénéficier d’une nouvelle forme externe de financement spécifiquement orientée vers les petites entreprises.”

La diffusion de l’information doit s’améliorer

Même si certains problèmes sont notables, les banques ne sont pas clouées au pilori par l’étude. Septante pour cent des entreprises attribuent à la relation avec leur banque une note de 7 sur 10, même si la circulation des informations pourrait manifestement être améliorée. Exemple éloquent dans ce cadre : le rating de l’entreprise octroyé par une banque. Ce rating est crucial pour l’obtention d’un crédit bancaire mais également pour la détermination des frais liés au crédit. Or aujourd’hui, il ressort de l’étude que 76,1 % des répondants n’ont aucun rating (ce qui est très possible, lorsqu’une entreprise n’a effectivement pas besoin de crédits), ne savent pas si la banque leur en a attribué un ou ne sont pas informées de l’existence de ce rating. Les micro-entreprises ne savent souvent pas, contrairement aux PME, si elles possèdent un rating.

“Non seulement l’entreprise devrait être mieux informée à ce sujet, mais elle devrait également connaître les critères utilisés par la banque pour l’établissement de cette note”, ajoute Frédéric Lernoux. C’est pourquoi nous planchons sur un outil qui permettra aux entreprises de simuler elles-mêmes leur rating.”

Par rapport à la diffusion parfois lacunaire de l’information, le directeur du CeFiP pointe également du doigt la mention trop rare des nombreuses mesures publiques permettant d’accorder une aide financière aux entreprises. “Alors qu’il revient aux banques et aux comptables de les informer de l’existence de ces mesures.” La déduction d’intérêts notionnels (61,1 % connaissent cette formule) est la mesure la plus connue. Les autres le sont nettement moins.

Le CeFiP conseille

Les conseils donnés aux banques et aux entreprises par le CeFiP à partir des conclusions de cette étude vont dans le même sens depuis plusieurs années. Les premières peuvent avant tout améliorer la diffusion de l’information aux entreprises. L’information relative aux ratings, aux mesures de financement de l’Etat et au contenu pratique de Bâle II et III revêt une importance particulière. Dans la dissémination d’informations par rapport aux moyens de financement de l’Etat, les organisations de défense d’intérêts des entreprises telles que l’Unizo, l’Union des classes moyennes ou le Voka peuvent jouer un rôle non négligeable. Mais pour le CeFiP, les entreprises endossent une partie de la responsabilité. Lorsque la direction de l’entreprise est informée des diverses options de financement, elle peut réaliser une étude comparative et choisir la formule la mieux adaptée à son activité. Une approche professionnelle de la direction est par ailleurs mieux perçue par les bailleurs de fonds potentiels, constate le CeFiP.

Alain Mouton

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content