Le cimentier Lafarge accusé de crimes en Syrie

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Deux ONG ayant porté plainte contre le cimentier Lafarge, accusé de financement de groupes armés en Syrie dont l’organisation Etat islamique (EI), ont demandé aux juges de mettre en examen la multinationale pour “complicité de crimes contre l’humanité”, a appris mardi l’AFP auprès de ces associations.

Dans une note transmise récemment aux magistrats, l’association Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’Homme (ECCHR) considèrent que Lafarge se serait rendu coupable de “complicité de crimes contre l’humanité” en finançant l’EI pour pouvoir maintenir l’activité de son usine syrienne de Jalabiya (nord), malgré les menaces sur la sécurité des employés locaux.

“A ce stade” de l’enquête, la mise en examen du cimentier comme personne morale sur ce fondement apparaît comme “inéluctable”, affirment les associations dans un communiqué commun. Selon elles, la question de telles poursuites se pose aussi pour les ex-cadres ou dirigeants déjà mis en cause. Huit d’entre eux ont été mis en examen dont sept pour “financement d’une entreprise terroriste”, à l’instar de l’ex-PDG Bruno Lafont. Exécutions, enlèvements, violences sexuelles contre les minorités yézidies, kurdes ou chrétiennes: dans leur note, les associations expliquent d’abord que les exactions de l’EI sont constitutives de crimes contre l’humanité.

Elles soutiennent que Lafarge et ses dirigeants ne pouvaient ignorer qu’ils “contribuaient” financièrement à ces crimes imputés à l’EI “dans la région de l’usine (entre 2012 et 2015) mais aussi dans le reste du monde”, selon leur communiqué. Elles n’écartent ainsi pas l’hypothèse que les attentats du 13 novembre 2015 aient pu être financés grâce aux fonds versés par Lafarge. Le financement de l’EI “à hauteur de plusieurs millions d’euros”, facilité par des intermédiaires, a pris la forme de paiements pour permettre la circulation des marchandises et des salariés et d’achats de matières premières dont du pétrole à des fournisseurs proches du groupe djihadiste. Une “nouvelle source cruciale” est désormais dans le viseur des associations: la “vente directe de ciment” à l’organisation. “Si elle était confirmée, elle devrait être considérée comme un acte supplémentaire de complicité des crimes contre l’humanité commis par l’EI, ayant favorisé la construction de routes, galeries et bunkers, lieux de tortures et commissions des crimes”, a déclaré à l’AFP Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux au sein de Sherpa.

Les deux ONG, avec 11 anciens salariés, avaient été les premières à lancer une plainte pour “financement du terrorisme” contre Lafarge, qui a fusionné avec le Suisse Holcim en 2015, en y visant aussi la “complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre”. Si le parquet de Paris avait écarté ces deux qualifications à l’ouverture de l’instruction en juin 2017, les juges estiment que ces faits ont “vocation à être instruits”, selon une ordonnance du 18 avril dont a eu connaissance l’AFP. La holding belge GBL est un important actionnaire de LafargeHolcim avec plus de 9% du capital.

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