Le Brexit n’inquiète pas (ou peu) les compagnies aériennes

© Reuters

Les principales compagnies aériennes européennes jouent la sérénité. Caroly McCall, CEO d’easyJet et membre fondatrice de l’association A4E (Airlines for Europe), dit que “l’industrie sait comment affronter ce genre de défi et le relèvera.” Ryanair descendra ses prix.

“A court terme, je vais descendre les tarifs” a annoncé Michael O’Leary, CEO de Ryanair, lors d’une conférence tenue par l’association A4E (Airlines for Europe) à Bruxelles, le 28 juin. L’événement, prévu de longue date, était consacré aux actions à engager pour éviter ou limiter l’impact des grèves des contrôleurs aériens, qui sont nombreuses (213 jours depuis 2010, selon A4E).

Impact boursier du Brexit sur easyJet et IAG

Les dirigeants des principales compagnies aériennes européennes étaient présents (1), c’était l’occasion de commenter le Brexit. Ce dernier constitue un souci pour les transporteurs britanniques, qui pourraient ne plus bénéficier de libre accès aux lignes aériennes dans l’UE, tel qu’il est organisé dans le ciel unique européen. Le business model d’easyJet est entièrement bâti sur de cette liberté de trafic, de capacité et de tarif qui n’est pas accordée aux compagnies hors de l’UE, sauf accords particuliers. Les marché boursiers ont du reste sanctionné les compagnies britanniques : easyJet et IAG (British Airways) ont perdu plus du tiers de leur valeur entre le jour du vote, jeudi 23 juin, et le lundi suivant. Une compagnie hors de l’UE doit obtenir des accords avec chaque pays qu’elle souhaite desservir.

“Rien ne changera du jour au lendemain”

“Rien ne changera du jour au lendemain. Beaucoup dépendra du nouvel accord que le Royaume-Uni négociera avec les états membres de l’EU” a dit Carolyn McCall, CEO d’easyJet, en préambule à la conférence. “A4E estime que pour les consommateurs, la chose la plus importante est qu’ils continuent à recevoir les bénéfices de l’actuel marché aérien libéralisé et dérégulé.” Elle laisse ainsi entendre que le maintient des compagnies britanniques dans le ciel libéralisé de l’EU est soutenu par tous les membres de l’association, y compris Lufthansa ou Air France KLM, qui pourraient trouver un avantage concurrentiel à voir easyJet et British Airways hors du marché unique de l’air.

Une très forte interdépendance

Le forte interdépendance des compagnies, même concurrentes, pourrait rendre très compliquée un statut différencié des compagnies britanniques au sein de l’UE. Ces dernières ont historiquement été pionnières dans la libéralisation du transport aérien, donc dans la baisse des tarifs pour les consommateurs. Une fracture entre les compagnies aériennes mettrait aussi à mal l’union difficilement réalisée grâce à la création de l’association A4E, voici à peine 6 mois. Le secteur aérien souffrait d’une représentation éparpillée entre plusieurs associations concurrentes, il ne parlait pas d’une seul voix à la Commission européenne et au Parlement européen.

Des voix naguère discordantes

Les compagnies low cost relevaient d’une fédération différente des compagnies “historiques”. Les transporteurs s’estimaient moins écoutés que les aéroports, dont la représentation est plus homogène. Fin 2015, les dirigeants des 5 premiers groupes (Ryanair, easyJet, Lufthansa, IAG, Air France KLM) ont enterré la hache de guerre et créé une association “positive”, autour des quelques thèmes qui les réunit, comme le coût jugé trop élevé des aéroports, dont les charges augmentent avec l’inflation alors que les tickets diminuent, et un contrôle aérien moins cher et plus efficace.

Coût des grèves : 9,5 milliards d’euros depuis 2010

La conférence de Bruxelles est un exemple du lobbying qu’entend exercer l’A4E auprès de la Commission européenne. L’association demande une batterie de mesures pour atténuer les effets des grèves des contrôleurs aériens. Elle a commandé une étude à PwC pour chiffrer l’impact de ces mouvements, qui touchent surtout la France, l’Italie, le Portugal, la Grèce, l’Espagne et la Belgique. Même les vols qui ne se posent pas dans le pays en grève, mais le survolent, sont touchés. Un avion Londres-Rome peut-être annulé s’il doit passer sur la France. PwC a estimé le coût de ces grèves à 9,5 milliards d’euros sur la période de 2010 à 2015. Les compagnies aériennes ne sont pas les principales victimes. La majorité du dommage est payée par les infrastructures touristiques (hôtels, restaurants,…), sous forme de pertes de revenus.

Des grèves en rafale

Le sujet est particulièrement d’actualité. L’Europe est frappée cet été par une rafale de grèves, en France, en Italie et au Portugal.

Les mesures demandées par l’AE4 sont un délai de 21 jours avant la grève, “pour que les passagers et les compagnies puissent s’organiser” dit Willie Walsch, CEO d’IAG, un processus d’arbitrage et de conciliation pour anticiper les conflits. Les points les plus importants portent sur la prise en charge, à plus long terme, des vols de transit par les contrôles aériens des pays voisins, plus un service minimum. Et aussi le droit de facturer le coût des grèves aux services de contrôles aériens. “Lorsque le personnel d’une compagnie aérienne fait grève, c’est la compagnie qui en subit le coût, ce serait normal qu’il en aille de même pour les services de contrôle aérien” a déclaré Willie Walsch. Qui a comparé le Brexit et les grèves : après le vote du Brexit, “les avions continuent à voler, les gens à voyager, le monde continue. Mais quand les contrôleurs aériens font grève, ça nous empêche de voler. Le vote du Brexit, lui, ne nous arrêtera pas.”

(1) Les membres de l’A4E sont Lufthansa, Air France KLM, esasyJet, Ryanair, IAG, Norwegian, Finnair, Volotea et Jet.com.

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