La transe africaine de Brussels Airlines

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La compagnie belge a replacé le continent noir au coeur de sa stratégie. Dans son viseur : les destinations très rentables situées dans l’Afrique subsaharienne. Une reconquête qui vise à contester le “leadership” d’Air France-KLM.

Africa, our second home. C’est ainsi que Brussels Airlines (B.Air) a dénommé son plan de reconquête du marché africain. Objectif : récupérer le terrain perdu après la faillite de la Sabena. Pour redéployer ses ailes sur le continent, les dirigeants de la compagnie belge ont dépoussiéré un dossier qui dormait dans les cartons depuis… 2002.

Mené tambour battant au cours des neuf derniers mois, le projet “Fifth Aircraft” est sur le point de décoller avec l’ouverture, en ce début de juillet, de quatre nouvelles destinations : Accra (Ghana), Cotonou (Bénin), Lomé (Togo) et Ouagadougou (Burkina Faso). Autant de nouvelles lignes qui devraient permettre de générer 100.000 passagers supplémentaires et 4.000 tonnes de fret. Pour assurer ces nouveaux services, un nouvel Airbus A330-300, immatriculé 00SFV, a été affrété et 110 personnes engagées. Coût de l’opération : entre 12 millions et 15 millions d’euros.

Le taureau Air France-KLM

“Il ne faut pas agiter le chiffon rouge devant Air France !”, chuchote Bernard Gustin. Le co-CEO de B.Air cache pourtant mal ses ambitions. Car jamais le ciel africain n’a autant suscité de convoitises au sein de la b.house.

Il est vrai que, riche de ses matières premières, l’Afrique est courtisée comme jamais par les compagnies aériennes, qu’elles soient africaines, européennes, américaines ou en provenance des pays du Golfe. Et tous les ténors du secteur y sont présents. Principales cibles : l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, où l’industrie pétrolière est en pleine effervescence. Ce marché est aussi l’un des seuls à offrir des perspectives de croissance passagers de 6 %, contre 3,6 % pour l’Europe et 2,7 % pour les Etats-Unis.

Stratégiquement, l’offensive africaine de B.Air est pleine de sens. En s’attaquant au pré carré africain d’Air France, B.Air justifie en effet l’investissement de la Lufthansa dans son capital et sa présence dans Star Alliance. Et si Lufthansa élargit son catalogue, B.Air bénéficie d’un réseau commercial complémentaire au sien. De quoi améliorer le taux de remplissage de ses avions. “Plus de 15 % de nos passagers proviennent de nos partenaires”, confirme Bernard Gustin.

Désormais, la force de frappe du groupe allemand, composé de Swiss, de bmi et de la compagnie belge, représente 38 destinations africaines. Autant qu’Air France qui ne fait la différence que sur le nombre de ses fréquences. Quant à B.Air, elle dessert désormais un réseau de 18 destinations sur l’Afrique. Soit quasi l’équivalent de celui de la Sabena du temps de sa splendeur africaine.

Pour devenir le poil à gratter du groupe KLM-Air France, B.Air compte aussi multiplier ses offensives et prendre sa part du gâteau. “Nous voulons juste récupérer nos parts de marché abandonnées dans la foulée de la faillite de la Sabena”, justifie Bernard Gustin. Pour cela, B.Air mise sur son offre qui vise une clientèle plus large que les touristes et la diaspora.

Son arme principale en temps de crise ? Des tarifs concurrentiels et une très bonne connaissance des marchés africains. Dans de nombreux pays, la Sabena était une institution et cette image, B.Air en a visiblement hérité. “A l’exception d’Accra, où la concurrence est vive et où le nom Sabena ne figure pas dans la mémoire collective, on nous attend sur nos nouvelles destinations !”, assure Olivier Prévot, business development Africa/USA.

Un tiers du chiffre d’affaires

Mais si le ciel africain est le théâtre d’une concurrence féroce, c’est surtout parce que les vols dégagent une forte rentabilité. Une véritable vache à lait pour les compagnies présentes. Principalement sur les lignes qui sont desservies à haute fréquence sur des destinations sans trop de concurrence. A l’heure actuelle, B.Air réalise déjà 30 % de son chiffre d’affaires en Afrique pour 600.000 passagers par an.

Le début d’une réelle compétition en Afrique après des années de quasi-monopole français ne devrait néanmoins pas se résumer à cette seule tentative. “Nous réfléchissons déjà à renforcer le réseau pour offrir un produit plus adapté avec des vols directs plutôt que des vols triangulaires, note Michel Meyfroidt, co-CEO de B.Air Voici quelques années, ne pas avoir une fréquence journalière n’était pas handicapant ; aujourd’hui, avec la concurrence, c’est une nécessité.” Pour ce faire, la compagnie belge devra remettre au pot. “Comptez au minimum 1 million d’euros par avion pour augmenter les fréquences”, estime Olivier Prévot.

En dépit d’une trésorerie de 280 millions d’euros, le management de B.Air veut d’abord observer les premières retombées des nouvelles liaisons avant de renforcer sa stratégie continentale. Il est vrai qu’en parallèle, le projet Korongo, en République démocratique du Congo, occupe aussi les esprits. C’est que, depuis l’éviction de la Sabena du ciel congolais en 1961, plus aucune compagnie étrangère n’a pu opérer des vols domestiques. Bref, si B.Air parvient à concrétiser l’essai – et forte de ses partenariats de code-shares – elle pourrait aspirer la clientèle locale sur ses dessertes entre l’Afrique centrale et l’Europe, mais aussi vers l’Amérique du Nord et l’Asie, via Kinshasa et Bruxelles.

Valéry Halloy

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