La “guerre des Belges” s’intensifie sur les rives du lac Laguna

Cela fait déjà plus d’un mois maintenant que les sociétés de dragage belges Jan De Nul et Baggerwerken Decloedt en Zoon (une filiale de DEME) se traînent dans la boue sur les rives du lac Laguna situé aux Philippines. La querelle fait les gros titres de presse locale qui voit derrière cette bisbille une véritable “guerre des Belges”…

Tout part d’un différend portant sur un contrat de 280 millions d’euros destiné au dragage et au nettoyage des 950 km² du lac Laguna de Bay, près de Manille. Ce marché attribué à l’entreprise Decloed fait désormais l’objet de toutes les attentions. Sur place, politiciens et députés philippins se demandent en effet si l’adjudication s’est déroulée correctement.

De son côté, l’entreprise Jan De Nul assure que les conditions de l’appel d’offres n’ont pas été respectées. “Les modalités de l’attribution du contrat ont changé au cours de la procédure, explique Pierre Tison, area director de Jan De Nul. Au départ, le projet était censé être couvert par des emprunts d’Etat à Etat. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de recourir aux appels d’offres car l’argent provient d’un prêt concessionnel. Mais, en avril dernier, un avenant au contrat stipulait que le financement se ferait via un prêt commercial auprès de la BNP Paribas Fortis, ce qui rend l’accord caduc ! Si cela se passait en Belgique, on agirait de la même façon en allant au Conseil d’Etat.”

Pour dénoncer l’affaire, Jan De Nul s’est offert une pleine page dans le Manila Bulletin sous la forme d’une lettre ouverte à Noynoy Aquino, président des Philippines. Une lettre sans équivoque : “Dans votre croisade contre la corruption, nous vous demandons d’annuler le contrat avec Decloedt car il viole les règles de concurrence en vigueur. Le mal triomphe quand des hommes de bien ne font rien”, peut-on lire en conclusion de la missive.

Chez DEME, on s’offusque de cette attitude tout en insistant sur le fait que “le contrat s’est fait en toute transparence avec tous les organismes concernés et en tenant compte de toutes les normes légales et réglementaires”. Un sentiment qui a été confirmé par le département de la Justice philippin qui estime que le contrat est “juridiquement défendable”. Et pas plus tard qu’en début de semaine, dans un avis de 14 pages fourni par le Philippine Daily Inquirer, le secrétaire à la Justice, Leila de Lima, a confirmé les conclusions antérieures estimant que le projet, financé par une aide publique au développement, a été considéré comme un accord exécutif et donc exclu des enchères publiques tel que requis par la loi.

Une double position qui ne ravit pas le groupe Jan De Nul qui va agir avant que l’ordre d’exécution ne soit donné. “Nous n’allons pas baisser les bras et dans le courant de la semaine, une plainte sera déposée devant la justice philippine afin de faire respecter nos droits”, assure Pierre Tison. Mais en marge de cette bataille entre dragueurs sur les rives du lac Laguna, un groupe de pêcheurs activistes réunis au sein de l’association Pamalakaya s’inquiète surtout sur les dégâts écologiques du projet et menace de saisir la Cour suprême. Autant dire que le dossier n’est pas près d’être désembourbé !

Valéry Halloy

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