La fuite en avant des constructeurs, le crash de Volkswagen

© Belga

La crise VW met en lumière l’approche utilisée par les constructeurs automobiles pour mesurer la consommation et les émissions. Ils ont une très (trop) grande latitude pour ” optimiser ” les méthodes de mesures dont les résultats ont un énorme impact financier et commercial. Jusqu’à ce que l’un d’eux dépasse la ligne blanche…

La tempête qui touche Volkswagen arrange bien les affaires de la Commission européenne. Elle souhaite modifier les méthodes et les normes de mesure de la consommation et des émissions des voitures. Pour se rapprocher de la réalité. L’ICCT (International Council of Clean Transportation), qui est à l’origine de la découverte du logiciel qui fraude les tests pour certaines VW aux USA, publie régulièrement des rapports détaillés pour dénoncer l’écart entre les chiffres publiés dans les brochures et la réalité. “Cet écart a grandi ces dernières années”, indiquait l’ICCT dans un communiqué publié début septembre. Il était de 10% en 2001 et atteignait 35% en 2014. Sans changement dans les méthodes de mesures, il pourrait monter 50% en 2020, toujours selon l’ICCT (1).

Quelques méthodes pour réduire la consommation testée

Pourquoi cet écart grandit-il ? Parce que les constructeurs “optimisent” de plus en plus les voitures pour les tests en utilisant une série de flexibilités autorisées (ou pas interdites) par les protocoles d’essai. Les modèles et les circonstances correspondent de moins en moins aux voitures qui roulent sur les routes, surtout pour les modèles diesel. Parmi les flexibilités figurent notamment:

  • L’usage des pneus adaptés au test. L’usage d’un pneu “optimisé”, durci par exemple, peut faire gagner 1% d’émission de CO2 (et de consommation).
  • L’enlèvement ou l’arrêt des accessoires qui consomment de l’énergie comme l’air conditionné, le GPS, le système d’infotainement.
  • L’utilisation d’une huile spéciale dans le moteur.
  • Réduire les frottements de 20% entraîne un recul de 2,8% des émissions de CO2 et baisse celles de NOx, en débranchant l’alternateur et en ouvrant les mâchoires des freins par exemple.
  • L’usage d’une batterie chargée à fond juste avant les tests.

Volkswagen a visiblement été trop loin en utilisant un logiciel qui détecte si la voiture subit des tests d’émissions et règle le moteur pour modérer les émissions, alors que dans les circonstances normales de conduite, “les émissions d’oxyde d’azote, ou NOx, sont jusqu’à 40 fois plus élevées”, indique le communiqué de l’EPA (agence de protection de l’environnement US) qui a dévoilé l’affaire.

La pression des enjeux fiscaux et concurrentiels

Les constructeurs sont poussés à optimiser leurs voitures, car les législations et la fiscalité les obligent à réduire les émissions. Les taxes automobiles sont de plus en plus basées sur les taux émissions. Certains pays prévoient même des bonus pour les véhicules très peu polluants. Les constructeurs doivent aussi se conformer à un taux moyen d’émission de CO2 plafonné, sinon ils sont exposés à payer une amende. La tentation est donc forte d’aller le plus loin possible dans l’usage des “flexibilités” lors des tests. Au risque, comme cela paraît être le cas pour le groupe VW, de franchir la ligne blanche.

L’Union européenne veut réformer les méthodes de mesure

La découverte du comportement particulier du logiciel de certains moteurs TDI de Volkswagen est intervenue lors d’un test mené pour le compte de l’ICCT. Cet organisme, basé à San Francisco, cherchait à vérifier la réalité des données de consommation et d’émission publiées par les constructeurs. Il le fait de diverses manières, en obtenant par exemple les données de consommation de sociétés de leasing.

La Commission européenne, consciente du souci, avait lancé une réforme pour modifier les tests de mesures et passer à la méthode WLTP (Worldwide Harmonized Light Vehicles Test Procedure), qui réduit les possibilités d’optimisation et qui reflète mieux l’usage réel du véhicule. Mieux en tous cas que la procédure NEDC suivie dans l’Union européenne, élaborée lorsque la mesure du CO2 n’était pas à l’ordre du jour.

La Commission souhaite mettre en oeuvre la nouvelle procédure en 2017 et se heurte à la réticence du secteur automobile européen. Il cherche à obtenir un report de la mise en oeuvre de cette méthode, dont le délai de moins de deux ans lui paraît irréaliste.

Les Américains plus sévères

Il n’est guère étonnant que le scandale soit révélé aux États-Unis. Les organismes de contrôle y ont nettement plus de moyens que ceux de l’Union européenne. Les règles y sont aussi plus contraignantes. Ainsi la mesure de la consommation correspond davantage à l’usage réel des véhicules. Les sanctions peuvent aussi être plus dures. Volkswagen risque une amende maximum de 18 milliards de dollars.

D’autres sanctions ont déjà été imposées. Hyundai et Kia avaient publié des données de consommations trop optimistes. En 2014, l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA) leur avait infligé une amende de 100 millions de dollars.

(1) L’ICTT est une organisation sans but lucratif qui vise à fournir des études aux autorités politiques pour améliorer les législations environnementales dans le secteur des transports. Elle est notamment financée par les fondations des créateurs de HP, William Hewlett et Dave Packard (et leurs épouses).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content