L’ex-patron d’Anbang accusé d’une fraude de 8 milliards d’euros

Wu Xiaohui © Reuters

Un tribunal shanghaïen a accusé ce mercredi l’ex-patron de l’assureur chinois Anbang d’avoir orchestré une fraude de 8 milliards d’euros, un mois après la mise sous contrôle étatique de son vaste conglomérat privé très endetté.

Le procès de Wu Xiaohui s’est ouvert devant une Cour intermédiaire de Shanghai, qui l’a accusé d’avoir détourné 65 milliards de yuans (8,4 milliards d’euros).

Des fonds levés frauduleusement étaient transférés vers des firmes qu’il contrôlait, pour des investissements à l’étranger, rembourser des dettes ou des “dépenses personnelles”, a expliqué le tribunal sur son compte officiel de microblogs.

Anbang, troisième assureur du pays, avait été placé le 23 février sous la tutelle de l’autorité chinoise de régulation des assurances, en raison de “pratiques commerciales illégales” ayant “gravement mis en péril sa solvabilité”, tandis que Wu Xiaohui, qui avait démissionné dès juin 2017, se voyait poursuivi pour “crimes économiques”.

Un coup de semonce, à l’heure où Pékin resserre l’étau sur les conglomérats privés, fustigés pour leurs “achats irrationnels” à l’étranger et leur endettement.

Anbang a gonflé dangereusement ses ventes de produits de placement, dépassant de 93 milliards d’euros les plafonds autorisés par le régulateur, a précisé mercredi le tribunal.

Conglomérat tentaculaire, Anbang se distinguait par sa frénésie d’acquisitions tous azimuts à l’international, avec comme coup d’éclat le rachat en 2014 du mythique palace new-yorkais Waldorf pour 1,95 milliard de dollars.

Sa croissance reposait notamment sur la vente de produits de placement de court terme à fort taux d’intérêt, utilisés pour financer ses investissements: une fuite en avant qui inquiétait les observateurs.

‘Rhinocéros gris’

“L’accusé Wu Xiaohui a déclaré qu’il ne comprenait pas la loi et qu’il ignorait que ses actions constituaient des crimes”, a indiqué le tribunal, sans préciser si l’homme d’affaires avait plaidé coupable.

La disgrâce de M. Wu avait surpris: le charismatique président d’Anbang était considéré comme bien connecté politiquement, ayant épousé une petite-fille de l’ancien dirigeant Deng Xiaoping, artisan des réformes économiques chinoises à la fin des années 1970.

Membre de “l’aristocratie rouge”, Wu Xiaohui était également en lien avec l’entreprise de Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump, sur un projet de rénovation d’une tour de Manhattan — qui a finalement tourné court.

Fondé en 2004, Anbang est passé en quelques années du statut de simple assureur spécialisé dans l’immobilier et l’automobile à celui de géant financier international.

Il s’est emparé des assureurs sud-coréen Tong Yang Life, néerlandais Vivat ou encore belge Fidea NV. En avril 2017, en revanche, Anbang avait dû renoncer au géant hôtelier américain Starwood Hotels and Resorts, qu’il proposait de racheter pour… 14 milliards de dollars.

Comme Anbang, d’autres conglomérats privés chinois, très diversifiés, ont multiplié les acquisitions internationales: Wanda (immobilier, divertissement), HNA (aéronautique, logistique) et Fosun (propriétaire du Club Med).

Clubs de foot, chaînes d’hôtels, banques, studios hollywoodiens, luxe… nombreux sont les secteurs où ils ont fait irruption, aiguillonnés par un gouvernement chinois soucieux d’internationalisation.

Mais leurs excès ont fini par alarmer les régulateurs chinois, inquiets de leur poids économique, de l’opacité de leurs structures, et surtout de leur colossal endettement, à l’heure où Pékin veut endiguer l’envolée du crédit et des risques financiers.

D’où leur surnom de “rhinocéros gris”: des monstres capables de charger sans crier gare et de menacer la stabilité financière du pays.

Depuis quelques mois, HNA et Wanda enchaînent les cessions d’actifs pour se renflouer, tandis que Fosun semble parvenir à traverser l’orage: il a récemment racheté la maison de couture française Lanvin.

La prise de contrôle d’Anbang, d’une durée initiale d’un an, ne s’accompagne pas d’une nationalisation du capital, l’assureur devant officiellement continuer à fonctionner comme un groupe privé.

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