“L’Etat joue le rôle de fossoyeur des indépendants et des PME !”

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Les sorties conjointes des deux figures de proue de l’UCM sont rares. A la veille des élections, Philippe Godfroid et Christine Lhoste dressent pour “Trends-Tendances” le bilan du gouvernement Di Rupo et mettent sur la table leurs revendications et leurs craintes pour l’avenir.

On entend souvent dire que la ministre fédérale Sabine Laruelle avait, à elle seule, fait évoluer la cause des indépendants bien plus que tous ses prédécesseurs réunis. C’est probablement vrai. Il n’en demeure pas moins que les vocations entrepreneuriales restent plus que jamais en rade.

A l’UCM, si on se félicite des nombreuses évolutions positives engrangées ces dernières années, on souligne aussi l’absence de cohérence dans les décisions prises à l’égard des indépendants et des PME.

On tire aussi la sonnette d’alarme par rapport à la question du financement des entreprises qui, en l’état, demeure problématique. Idem pour ce qui concerne la concurrence déloyale des travailleurs au noir. Sur ces points notamment, l’UCM s’inquiète de voir le politique systématiquement aux abonnés absents, sauf peut-être pendant la campagne électorale…

TRENDS-TENDANCES. En deux mots, êtes-vous plutôt positifs, mitigés ou négatifs par rapport à tout ce qui a été fait ces dernières années à l’égard des indépendants et des PME ?

PHILIPPE GODFROID. Pas mal de choses positives ont effectivement été réalisées, j’en conviens. Et on le doit particulièrement à Sabine Laruelle, notre ministre de tutelle. A côté de cela, je pointe malheureusement une certaine agressivité fiscale, des propos désobligeants et, surtout, un dumping social qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes. Enfin, on n’a toujours pas recréé un véritable esprit entrepreneurial dans notre pays.

CHRISTINE LHOSTE. Effectivement, il y a eu de bonnes décisions. Reste que les effets positifs qu’elles sont supposées engendrer sont malheureusement annihilés par les effets collatéraux d’autres mesures. Un exemple ? Le gouvernement veut susciter des créations d’emplois. Pour ce faire, il décide de baisser fortement les cotisations patronales ONSS des nouveaux engagés. Très bien. Mais dans le même temps, le gouvernement fédéral a supprimé la clause d’essai dans les contrats d’emploi. Du coup, comme les recruteurs n’ont plus le droit à l’erreur au moment de l’embauche, sous peine de payer une indemnité de préavis, ils sont du coup encore plus prudents avant d’engager !

Monsieur Godfroid, vous venez d’évoquer la question du dumping social. Que sous-entendiez-vous par là ?

P.G. Comment voulez-vous que les indépendants puissent encore résister face à une concurrence en provenance des pays de l’Est ou du Portugal, qui travaille au noir à 3 euros de l’heure et contre laquelle le gouvernement ne fait absolument rien ? Dans le secteur du jardinage, pour ne citer que celui-là, la situation est devenue intenable. Tout ça pour vous dire que dans les faits, il n’y a pas dans ce pays de véritable lutte contre la fraude sociale organisée. A côté de cela, nos indépendants et patrons de PME sont, eux, persécutés par des fonctionnaires qui cherchent la petite bête et qui ne veulent plus — et/ou ne peuvent plus — reconnaître le droit à l’erreur. Et au final, pour un oui ou pour un non, les indépendant et patrons de PME sont massacrés par des amendes salées !

C.L. C’est vrai que les amendes et majorations de toutes sortes sont de nature à précariser encore plus la situation de celles et ceux qui battent déjà de l’aile. Prenez le cas d’un indépendant qui n’arrive plus à payer ses cotisations à l’Inasti. Il subit de plein fouet une majoration de 3 % par trimestre et une majoration supplémentaire de 7 % en fin d’année. Avec un taux de majoration global de 19 %, j’ose dire ici que l’Etat pratique des taux d’usuriers.

P.G. Ce genre de façon de faire me conforte dans l’idée que l’Etat joue parfois le rôle du fossoyeur des PME. Nous avons affaire à une machine froide dont les décisions tout aussi froides vont jusqu’à mettre en péril la pérennité de pas mal d’entreprises. Nous recevons ainsi beaucoup de doléances d’entreprises qui travaillent essentiellement avec le secteur public. Confrontées à des retards de paiement des administrations publiques (Etats, provinces, communes, etc.), elles n’arrivent plus à payer leurs cotisations à l’ONSS. Du coup, elles ne remplissent dès lors plus les conditions pour pouvoir continuer à soumissionner. Bref, elles ne peuvent plus continuer à travailler.

Des règles existent pourtant pour éviter ce genre de situation…

C.L. Effectivement, mais elles sont lourdes à mettre en place et elles ne marchent pas dans tous les cas de figure. Nous disons que l’Etat doit montrer l’exemple. En effet, il n’est pas normal que les entreprises soient en grandes difficultés financières quand l’Etat ne paie pas ses factures alors que, dans le même temps, l’Etat entend, lui, être payé en date et en heure et n’hésite pas, en cas de retard, à appliquer des majorations délirantes.

P.G.Nous prônons la mise en place d’une véritable caisse de compensation. Cela éviterait de voir les entreprises devoir payer des sommes à l’Etat quand, dans le même temps, l’Etat leur en doit !

Jean-Marc Damry

Retrouvez cette interview complète dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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