“L’avion chinois C919 signe la fin du duopole d’Airbus et Boeing”

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Lors du huitième salon international de l’aéronautique qui s’est ouvert mardi à Zhuhai, la Chine a présenté son premier avion moyen courrier de grande capacité : le C919, offrant entre 168 et 190 places. Pour Bruno Goutard, analyste aéronautique civil chez Euler Hermès, il s’agit d’un tournant. Mais la Chine peut-elle vraiment rivaliser?

Qu’annonce l’arrivée du C919 pour l’industrie aéronautique mondiale ?

Le marché de l’aéronautique entre dans une phase de profonde reconfiguration. L’émergence de l’avion de ligne chinois C919 signale la fin du duopole d’Airbus et Boeing sur le marché des avions commerciaux monocouloirs de plus de 100 places. Mais d’autres concurrents tout aussi sérieux arrivent sur le marché, notamment le bombardier CSeries Canadien ou l’avion Russe MS-21. Mais Comac (Commercial Aircraft Corp of China) se positionne non seulement sur le segment le plus porteur mais aussi sur le marché qui présente les plus fortes perspectives de développement : la Chine et l’Asie.

Pourquoi la Chine fait-elle trembler Airbus et Boeing ?

L’atout principal de l’industrie aéronautique chinoise sur le marché mondial est l’appétit avéré de son marché domestique. Ce marché intérieur va permettre au C919 d’emmagasiner rapidement des commandes. Le C919 a d’ailleurs été acheté ce mardi à 100 exemplaires au salon aéronautique de Zhuhai par quatre compagnies aériennes. Elles sont les premières clientes du programme et ont d’ores et déjà annoncé qu’elles s’impliqueraient dans cette aventure industrielle. Cette filière va s’auto-entretenir. Le mois dernier, le vice-président de Boeing, Rany Tinseth, a annoncé que la Chine aura besoin de plus de 4.300 avions civils supplémentaires dans les 20 prochaines années.

Les occidentaux auront bien sûr leur part dans cette croissance, mais la logique de soutien à l’industrie nationale chinoise sera prédominante. A plus long terme, sur le marché international (à condition d’obtenir les différentes certifications nationales), l’atout de la Chine sera sa capacité à produire à des coûts inférieurs à ceux des pays développés. Enfin, toute une mécanique de soutien financier contribuera à soutenir l’offre chinoise auprès d’une clientèle de compagnies étrangères : les banques et les leasers chinois participeront aux financements de ses achats.

Quel est le talon d’Achille de l’industrie chinoise ?

La principale interrogation concernant l’industrie aéronautique chinoise est sa capacité à innover. Airbus et Boeing projettent déjà de lancer une nouvelle gamme de monocouloirs en 2025. Une structure plus légère et des moteurs plus performants assureront une significative baisse de la consommation de carburant. Ils émettront aussi moins de CO2 (conformément aux engagements du secteur). Le défi pour l’industrie chinoise sera de se positionner alors de manière compétitive. En outre, la part de technologie occidentale est importante dans la construction d’avions chinois. La Chine est dans une phase d’apprentissage concernant la conception et la réalisation d’avions performants. Ainsi, pour le moment, seulement 30% des pièces du C919 seront chinoises mais les transferts de technologie concédés par les partenaires occidentaux lui permettront de combler rapidement ce déficit initial

La Chine pourrait-elle un jour être au coude à coude avec Airbus et Boeing ?

C’est l’ambition des industriels chinois ! Le constructeur Comac commence à présenter une gamme d’appareils pour se positionner sur différents segments du marché. Mais il y en a un que le constructeur n’exploite pas : celle des doubles couloirs long courrier. C’est la gamme au dessus du C919. Boeing et Arbus continueront de dominer le marché tant que la Chine ne se sera pas lancée sur ce secteur. Mais au regard de l’appétit industriel chinois, il ne serait pas surprenant que ce soit l’étape suivante. Pour le moment, ce n’est pas au programme, cela laisse quelques années de répit à Airbus et Boeing. Le cycle d’activité d’un programme aéronautique est long. Et pour que Comac puisse arriver au niveau de Boeing ou Airbus, il faut que la Chine prenne son essor industriel progressivement et monte en puissance. L’industrie aéronautique chinoise pourrait rivaliser avec Airbus ou Boeing d’ici 10 ans.

Propos recueillis par Pauline Jahan

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