KKO International, la plantation favorite des enfants, entre en bourse

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Euronext Bruxelles va bientôt s’enrichir d’un petit nouveau qui sort franchement des sentiers battus : KKO International. Comme son nom l’indique, la société chapeaute une plantation de cacao, en Côte d’Ivoire.

Le compartiment des plantations s’est réduit comme peau de chagrin en Bourse de Bruxelles, au point que l’inébranlable Sipef (lire le cadre ci-dessous) est aujourd’hui bien esseulée. KKO International se distingue sur deux plans : ce holding domicilié à Bruxelles chapeaute une plantation de cacao, la société Solea, alors que les autres groupes cotés en Europe sont plutôt actifs dans l’huile de palme et l’hévéa. Par ailleurs, c’est une start-up : la société va engranger sa première récolte dans les mois qui viennent. Elle n’affiche pas encore vraiment de chiffre d’affaires, a fortiori de bénéfice. L’investisseur achète un futur et non une rente de situation.

Nouveau départ à Abidjan

Rien d’étonnant à ce que la plantation Solea se situe en Côte d’Ivoire : ce pays accapare 40 % de la production mondiale, soit 1,73 des 4,35 millions de tonnes de la campagne 2013-2014. Quelques autres pays africains suivent, dont le Ghana, naguère surnommé… Côte d’Or. Après une dizaine d’années de troubles politiques parfois sanglants, la Côte d’Ivoire se relève brillamment, juge Rémy Allemane, P-DG de Soléa. “Le président Ouattara a beaucoup investi dans les infrastructures, a assaini le secteur public et lutté très activement contre la corruption”. Si la société Solea est presque unique en son genre, c’est que le cacao est pour l’essentiel le fait de très petits producteurs : ils sont pas loin d’un million dans le pays ! Le secteur occupe un quart de la population, représente 15 % du PIB et 40 % des recettes d’exportation.

L’Etat ivoirien a la haute main sur le cacao : c’est lui qui achète les fèves, à 60 % du prix mondial, soit 850 francs CFA (1,30 euro) le kilo pour la campagne 2014-2015. On attend 1.000 F environ pour la prochaine, dont le prix sera fixé en octobre. Solea pourrait accroître ce revenu grâce à la certification durable Rainforest Alliance, attendue dans quelques mois. Même impact pour quelques cultures annexes : la banane plantain, qui ombrage les cacaoyers, mais aussi l’igname, une des nourritures de base en Afrique, qui sera lancé prochainement.

Dix fois plus que la moyenne

La demande de cacao a été multipliée par 3,5 depuis 1960. Pourtant, la consommation (de cacao, non de chocolat) n’est encore que de 50 grammes en Chine, contre 170 pour l’ensemble de l’Asie et… 2,2 kilos en Europe. On s’attend dès lors à une poursuite de cette tendance, mais aussi à un envol des cours. Parce que les terres propices au cacaoyer sont convoitées en faveur du palmiste à huile ou de l’hévéa, cultures beaucoup moins ardues. “Le cacao demande beaucoup de soins, explique Rémy Allemane : sa culture s’apparente à celle de la vigne et les petits producteurs ont tendance à s’en détourner”.

Cet envol des cours n’est évidemment pas garanti et, de toute manière, le cacao est extrêmement volatil. Deux exemples : à 714 dollars la tonne en novembre 2000, il signe un plus bas sur 27 ans; le cours triple ensuite en deux ans ! A 3.775 dollars la tonne en mars 2011, il signe un plus haut sur 32 ans… avant de chuter de plus de 40 % avant la fin de l’année. Avec des cours récents de l’ordre de 3.200-3.300 dollars, le cacao est donc proche de son maximum historique. Sauf qu’on avait déjà relevé de pareils niveaux au milieu des années 70, soit quatre fois plus compte tenu de l’inflation !

Augmentation attendue du prix, mais aussi des rendements. Grâce à la variété Mercedes, trois fois plus productive que les classiques, ainsi qu’à une culture très professionnelle. La plantation est ainsi divisée en parcelles de 20 hectares accueillant chacune 26.000 cacaoyers et 40.000 bananiers, sous la responsabilité d’une équipe spécifique. Située sur des terres fertiles en jachère dans la région de Bocanda, la plantation Soléa bénéficie d’une autorisation de pompage dans la rivière voisine. Elle n’en abuse pas puisqu’elle pratique la “fertigation”, c’est-dire la fertilisation couplée à une micro-irrigation. Autre élément : un entretien et une veille sanitaire rigoureux. Avec de pareils atouts, les exploitants espèrent en fait arriver à 5 tonnes de cacao à l’hectare, environ 10 fois le niveau moyen dans le pays. Ceci s’entend avec des arbres matures, soit 5 à 6 ans après leur plantation.

Rythme de croisière en 2024

Ce n’est évidemment pas pour tout de suite. C’est en fait à l’horizon 2018 que sera atteint l’objectif de 3.000 hectares plantés, venant de 800 aujourd’hui et de 1.200 environ en fin d’année. Et c’est donc vers 2024 que les arbres seront à maturité, produisant alors 15.000 tonnes de fèves si tout se passe comme prévu. Production et rendement doivent progresser de manière exponentielle d’ici là. Ne doit-on pas craindre la jalousie des paysans du coin, ou un sentiment de spoliation ? Solea a négocié des baux de 35 ans avec les communautés locales, rémunérées à hauteur de 5 % du chiffre d’affaires, mais la société s’implique aussi dans l’amélioration des conditions de vie : construction d’une école et d’un centre de santé, installation de l’électricité, etc. “Le foncier est la clé de la réussite, observe Rémy Allemane : nous avons longuement discuté avec les paysans de la région et nous expliquons sans cesse notre projet. Nous avons aujourd’hui des accords portant sur 2.000 hectares environ et devrions avoir assuré le dernier tiers du projet d’ici 2017”.

L’entrée en Bourse sur Alternext Bruxelles (et Paris) est l’occasion d’une augmentation de capital de 10 millions d’euros (en cas de forte demande, ce montant pourrait être porté à 13,2 millions), dont six consacrés aux plantations. L’offre se clôturera le 8 octobre au plus tard, la première cotation intervenant le 15. Solea était jusqu’ici financée par des prêts d’actionnaires, qui ont basculé en fonds propres. A l’issue de l’opération, la société sera valorisée à quelque 30 millions d’euros.

Seule Sipef…

Au début des années 70, le Zaïre nationalisa la plupart des activités exercées par les entreprises belges. De nombreuses valeurs liées aux plantations étaient toutefois encore cotées à Bruxelles voici 40 ans : le couple Agridec-Agriges, Agricom, Afrifina, Comuele, Olfica, Palmegger, Ruzizi, Socobom… sans oublier Nord Sumatra, filiale du groupe Socfin. Dirigé par la famille Fabri et aujourd’hui coté à Luxembourg, ce dernier produit essentiellement de l’huile de palme et du caoutchouc, surtout en Asie (Indonésie, Cambodge), mais aussi dans plusieurs pays africains. Avec un cours de l’ordre de 40 euros, Socfin pèse environ 550 millions. Ses résultats sont très volatils : le bénéfice par action s’est monté à 3,68 euros en 2014, après -0,27 euro en 2013, mais aussi 13,16 euros en 2011 ! C’est le groupe Sipef de la famille anversoise Bracht qui est, en Bourse de Bruxelles, le seul rescapé du compartiment des plantations. Il produit surtout de l’huile de palme, plus accessoirement du caoutchouc et des bananes, en Indonésie pour l’essentiel, mais également en Papouasie et Côte d’Ivoire. A 44 euros environ, le cours induit une capitalisation de quelque 400 millions.

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